Le retard des pluies et la pandémie pèsent lourdement sur les perspectives

La croissance bascule entre le vert et le rouge

Par Fairouz EL Mouden

L’évolution  de la conjoncture économique reste entachée d’incertitudes et de risques liés à la fois à l’évolution de la situation sanitaire, à celle des cours des matières premières sur le marché international et aussi et surtout aux aléas climatiques qui affichent déjà un lourd retard de la pluviométrie laissant présager une faible campagne céréalière avec toutes ses conséquences sur l’ensemble de l’économie nationale. Le début de la campagne agricole 2021/2022 accuse  un retard des précipitations atteignant au 10 janvier, 59,8% par rapport à la campagne précédente. Ce n’est pas tout, le taux de remplissage des barrages à usage agricole est revenu à 33,1% contre 39,1% un an auparavant.

La dernière note de conjoncture de BAM (Bank AL Maghrib) annonce biens des couleurs. L’évolution des indicateurs de performance de l’économie marocaine montre des signes de redressement fragiles et à un rythme  moins rapide entre le   4éme trimestre 2020 et 2021.

Ainsi, la « conjoncture économique internationale continue de pâtir de la pandémie qui connait une forte accélération ces dernières semaines. Les données disponibles montrent qu’aux Etats-Unis, après un rebond au deuxième trimestre lié à un effet de base, la croissance a décéléré à 4,9% en glissement annuel. Dans la zone euro, la croissance a ralenti à 3,9%. Dans les principales économies émergentes, la croissance a décéléré à 4,9% en Chine en lien en particulier avec le maintien de fortes restrictions sanitaires et des problèmes de pénurie d’électricité, et s’est établie à 8,5% en Inde et à 4% au Brésil ».

Au plan national, les données des comptes nationaux annonce une consolidation de la reprise économique. Le PIB s’est, en effet, accru de 7,8%, avec des expansions de 6,4% pour la valeur ajoutée non agricole et de 17,7% pour celle agricole.

 Pour le dernier trimestre de l’année, les activités non agricoles auraient continué leur redressement, quoiqu’à un rythme moins rapide, en liaison notamment avec les restrictions sanitaires mises en place suite à l’apparition du variant Omicron.

Au niveau sectoriel, le début de la campagne agricole 2021/2022 reste caractérisé par un retard des précipitations et un déficit pluviométrique au niveau de l’ensemble des régions, atteignant au 10 janvier, de 59,8% par rapport à la campagne précédente et de 54,3% en comparaison à la moyenne des cinq dernières années. Dans ces conditions, le taux de remplissage des barrages à usage agricole est revenu à 33,1% contre 39,1% un an auparavant.

Pour les industries de transformation, leur valeur ajoutée s’est redressée, en glissement annuel, de 4% au troisième trimestre après un repli de 3,1% un an auparavant, reflétant particulièrement la bonne performance des branches de l’alimentaire et tabac (+7,3%) et du textile et habillement (+10,8%).

Tourisme et hôtellerie

L’activité fortement affectée par la fermeture des frontières

La branche « hôtels et restaurants » a connu un redressement de sa valeur ajoutée au troisième trimestre, avec un rythme d’accroissement de 70,2%, porté essentiellement par un effet de base. Le secteur a bénéficié de l’allégement des restrictions sanitaires, de la réouverture graduelle des frontières à partir du 15 juin et du lancement de l’opération Marhaba 2021. Au dernier trimestre de 2021, hormis une amélioration des indicateurs au cours du mois d’octobre, l’activité aurait été fortement affectée avec la fermeture des frontières vers fin novembre suite à l’apparition du variant Omicron.

Marché du travail

Recul à 11,8% du taux de chômage

Sur le marché du travail, l’économie a créé 642 mille postes entre le troisième trimestre de 2020 et celui de 2021, contre une perte de 581 mille un an auparavant. Cette évolution a concerné l’ensemble des secteurs avec une augmentation de 306 mille postes dans les services, de 190 mille dans l’agriculture, de 92 mille dans le BTP et de 54 mille dans l’industrie y compris l’artisanat. Tenant compte d’une entrée nette de 607 mille demandeurs d’emplois, le taux d’activité a progressé, passant de 43,5% à 45,1% et le taux de chômage a reculé, revenant de 12,7% à 11,8% au niveau national et de 16,5% à 16% en milieu urbain.

Déficit commercial

Alourdissement de 49% de la facture énergétique

Pour ce qui est des comptes extérieurs, les données à fin novembre font ressortir un creusement, par rapport à la même période de 2020, du déficit commercial de 37,9 milliards pour s’établir à 181 milliards de dirhams.

Cette évolution résulte d’une amélioration de 91,6 milliards des importations plus importante que celle de 53,8 milliards pour les exportations. La progression des importations a été généralisée à l’ensemble des groupements de produits avec en particulier une hausse de 30,8% pour les acquisitions de produits finis de consommation, ainsi qu’un alourdissement de 49,3% de la facture énergétique. Parallèlement, l’accroissement des exportations a concerné l’ensemble des secteurs. En effet, les ventes de phosphate et dérivés ont poursuivi leur dynamique haussière, avec une augmentation de 51,9% et celles de la construction automobile ont progressé de 26,2%.

IDE, transfert MRE et Avoirs extérieurs

Une nette augmentation

Pour les autres principales rubriques du compte courant, les recettes voyages ont affiché une quasi-stabilité à 32 milliards et les transferts des MRE ressortent en amélioration de 41,1% à 86,5 milliards. Quant aux principales opérations financières, le flux net des IDE a augmenté de 13,9% pour s’établir à 17 milliards et celui des investissements directs des marocains à l’étranger a marqué une hausse de 14,1% à 4,5 milliards. À fin novembre 2021, l’encours des avoirs officiels de réserve s’est établit à 322,7 milliards de dirhams représentant ainsi l’équivalent de 6 mois et 17 jours d’importations de biens et services.

Finances publiques 

Creusement du déficit budgétaire

Sur le plan des finances publiques, l’exécution budgétaire au titre des onze premiers mois de l’année 2021 fait ressortir un déficit budgétaire de 68,8 milliards, en creusement de 9 milliards de dirhams par rapport à la même période en 2020.

Cette évolution tient compte de la baisse de 6,4 milliards du solde positif des comptes spéciaux du Trésor à 4,2 milliards de dirhams, sous l’effet notamment du solde négatif de 5,3 milliards du Fonds spécial de la gestion de la pandémie de la Covid-19. Les recettes ordinaires se sont améliorées de 11,1% à 241,6 milliards et les dépenses ordinaires se sont alourdies de 9,5% à 253,8 milliards. Les dépenses d’investissement ont progressé de 8,6% à 60,8 milliards, portant ainsi les dépenses globales à 314,5 milliards, en alourdissement de 9,3%.

Crédit bancaire

Stagnation des crédits immobiliers

Les crédits bancaires, ont enregistré une hausse de 2,8% en novembre contre 3,1% en octobre, recouvrant une baisse du crédit destiné au secteur financier de 5% après celle de 3,4% et une stabilisation de la croissance des prêts au secteur non financier à 4,1%.

Quant aux prêts aux ménages, leur rythme de progression s’est stabilisé à 5%, avec notamment une quasi-stabilité du taux d’accroissement des prêts à l’habitat à 5,3% et une accélération de celui des crédits à la consommation de 1,5% à 2,3%.

Pour ce qui est du besoin de liquidité des banques, il s’est atténué en décembre à 64,8 milliards de dirhams en moyenne hebdomadaire, contre 71,5 milliards un mois auparavant, reflétant essentiellement la hausse des réserves de change.

Pour les taux de rémunération des dépôts à terme, ils ont enregistré en novembre des hausses mensuelles de 2 points de base à 2,15% pour ceux à 6 mois et de 30 points à 2,51% pour ceux à un an. En ce qui concerne les taux débiteurs, les résultats de l’enquête de Bank Al-Maghrib auprès des banques relatifs au troisième trimestre 2021 indiquent une quasi-stabilité du taux moyen global à 4,35%.

Inflation

« S’agissant de l’inflation, elle s’est accélérée à 2,6% en novembre après 1,7% en octobre, portant sa moyenne au titre des 11 premier mois de 2021 à 1,3%. Cette évolution reflète principalement l’atténuation de la baisse de 4,6% à 0,9% des prix des produits alimentaires à prix volatils, et la hausse de 3,3% au lieu de 3,1% de l’inflation sous-jacente. De surcroit, les prix des carburants et lubrifiants se sont accrus de 25,2% contre 21,2%. Quant aux tarifs réglementés, ils ont évolué au même rythme que le mois précédent, soit à 0,2% ».

Encadré

Matières premières

Evolution divergentes

S’agissant des matières premières, des évolutions divergentes ont été observées. Les cours du pétrole ont connu une baisse en décembre de 8% pour le prix du Brent à 74,3 dollars le baril en moyenne, alors que ceux du gaz naturel d’Europe se sont accrus de 37,7% à 38 dollars le mBTU, niveau record jamais enregistré. S’agissant des produits hors énergie, ils se sont renchéris de 1,3%, reflétant une hausse de 2,4% des prix des métaux et minerais et de 0,8% des produits agricoles. Pour ce qui est des phosphates et dérivés, les prix ont augmenté de 15,4% à 176,7$/t pour le phosphate brut, de 3,3% à 686,7$/t pour le TSP et de 2,5% à 745$/t pour le DAP.

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