Aléas thérapeutiques et fautes professionnelles
Erreurs médicales, fautes médicales, aléas thérapeutiques, effets indésirables, incidents, accidents sont autant de maux dont souffre le noble art. Tout au long de sa vie professionnelle, le médecin sera confronté un jour ou l’autre à l’erreur ou à la faute médicale. C’est une règle qui prévaut dans tous les métiers et le praticien, si méticuleux soit-il, ne pourra échapper à cette règle. Cette douloureuse question de faute médicale remonte au serment d’Hippocrate et reste aujourd’hui encore l’un des points de divergence les plus importants entre les juristes et les médecins. Que savons – nous de l’erreur médicale ? Quelle différence existe-t-il entre erreur et faute médicale ? Qu’est-ce que l’aléa thérapeutique ? Que reproche t – on à ces médecins ? Que dit la loi en cas de faute ? Comment sont indemnisées les victimes des erreurs médicales ? Pour cerner davantage cette problématique, Al Bayane est allé à la rencontre de spécialistes et experts du domaine médical et juridique. Le Professeur Saïd Moutawakkil, président de la Société marocaine des sciences médicales (SMSM), le docteur Abdelillah Chenfouri du Collège syndical national des médecins spécialistes du privé et Maitre Abdelatif Laamrani, avocat au barreau de Casablanca, nous éclairent sur ce sujet.
Au Maroc, comme à travers le monde, l’erreur médicale est une réalité qui est vécue au quotidien, que ce soit au niveau du secteur public ou privé. Aucun système de santé au monde, aussi performant soit-il, même celui disposant de toutes les compétences et de la très haute technologie, ne peut y échapper. Soulever aujourd’hui la problématique de l’erreur médicale ou de la faute médicale n’est pas chose aisée. Loin s’en faut, celarequiert une très grande expertise et partant, c’est une affaire de spécialistes.
De prime abord,il y’a une réalité qui ne saurait pâtir d’un quelconque quiproquo : la question de l’erreur médicale ou plus exactement de la faute médicale, comme celle de l’aléathérapeutique, a toujours existé, elle existe et existera toujours, aussi bien dans les hôpitaux publics qu’au niveau des cliniques privées.
Ceci étant dit, il nous faut cependant reconnaitre qu’au Maroc, le sujet des erreurs médicales demeure dans bien des cas tabou à telle enseigne que la réalité reste mal connue, surtout en l’absence de statistiques fiables, sans oublier que les textes de loi en vigueur datent de 1913. En outre, la relation médecin – malade a de tous temps été une relation qui ne laissait pas beaucoup de choix aux malades de choisir, de dire ce qu’ils pensent eux aussi. C’est le médecin et lui seul qui comprend tout, qui sait tout et qui décide de tout, et si à Dieu ne plaise, quelque chose devait arriver, c’est le Maktoub. Cela se passait dans un espace clos, restreint, à l’abri des regards, ni presse, ni télévision et encore pas de réseaux sociaux. Ce qui fait qu’on parlait peu de tous ces problèmes.
Aujourd’hui, les choses ont changé. Les erreurs médicales sont plus nombreuses. Il y a plus de monde, la démographie est galopante, les maladies sont plus nombreuses, les molécules aussi, l’approche diagnostic et thérapeutique évolue sans cesse. Nous assistons chaque jour depuis des années aux progrès extraordinaires que réalise la médecine (greffes rénales, interventions à cœur ouvert, greffes de moelle, greffes de mains amputées…). La haute technologie permet de fouiller le moindre recoin de notre corps (Scanner, IRM, Petscan…) et dans ce contexte de pratiques médicales de plus en plus interventionnistes, il est inévitable que le risque d’accident médical soit accru. Mais il faut dire aussi que les patients sont de plus en plus exigeants, la société change dans ses rapports, la réconciliation et le pardon font place à l’approche juridique, aux procès, aux déballages médiatiques.
Les progrès réalisés par la médecine, les nouvelles technologies (scanner en 3 D, l’IRM, le Petscan, les greffes d’organes, les nouvelles molécules thérapeutiques, la réanimation de plus en plus pointue) ont contribué à sauver et prolonger des vies. Les soins sont de meilleure qualité, les professionnels de santé sont mieux qualifiés, les structures sanitaires sont ultra – modernes. Il y a aussi plus de moyens pour se faire soigner convenablement grâce à l’assurance maladie, aux assurances privées.
Et parallèlement, il y aussi des moyens d’information, de communication, la presse, la télévision, les réseaux sociaux, qui permettent de tout savoir sur les soins, la prise en charge, les droits des patients.
Depuis une dizaine d’années, les gens acceptent de moins en moins de fermer les yeux sur les aléas, les erreurs médicales et autres problèmes du genre. Le nombre de plaintes déposées au niveau de différents tribunaux du pays s’accroit.
De son côté, la presse rapporte des cas de fautes médicales qui causent de graves séquelles et celle-ci ne ménage pas les structures hospitalières publiques et les cliniques privées qui sont mises en cause, sinon en accusation.
Il ne faut toutefois pas se leurrer. Croire que la pratique médicale est un domaine où il n’y a pas de risque, de faute c’est croire aussi que dans le domaine de la justice tout est millimétré. Non loin s’en faut, là aussi il y a de nombreuses erreurs qui sont commises. Que de présumés coupables ont été incarcérés, condamnés injustement suite à des erreurs judiciaires !
Le médecin dans l’exercice de ses fonctions, peut commettre une erreur, mais il ne le fera jamais sciemment, intentionnellement pour nuire à son patient. Par exemple un chirurgien de garde aux urgences a l’obligation de voir tous les malades qui s’adressent à lui, de jour comme de nuit. Il doit établir le diagnostic, prescrire des ordonnances, opérer les cas urgents, assurer le suivi des patients hospitalisés en réanimation. Ce même médecin fait de sang et de chair n’est plus ni moins qu’un être humain. Au regard de la charge de travail, il peut se tromper de diagnostic ou ne pas avoir prescrit le bon traitement au malade. Il se peut aussi que le malade soit négligé aux urgences, alors que son état nécessite une surveillance continue…
Ces situations très mal vécues par le malade et sa famille sont la cause de bien des rixes qui dégénèrent sur la violence et sur des agressions dont pâtissent les professionnels de santé, aussi bien au niveau des cliniques privées qu’au niveau des hôpitaux publics.
Ouardirhi Abdelaziz