«Les moyens financiers limités ne répondent pas à toutes les attentes du FINIFA»

Entretien avec Rachid Boukcim, directeur artistique du FINIFA

Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

Le Festival Issni N’ourgh International du Film Amazighe (FINIFA) continue son aventure. Il est en arrivé aujourd’hui à sa 13ème édition. En effet, après deux ans d’interruption due à la pandémie, le festival retrouve enfin son public à la mythique salle de cinéma, Saraha. Ainsi, malgré les défis financiers, des hauts et des bas d’un secteur profondément impacté, les organisateurs ont tenu à concrétiser ce rêve en faisant de cette manifestation un hub des artistes, cinéastes et un havre de paix où les cinémas, les cultures et les films amazighs se croient. Entretien avec Rachid Boukcim, directeur artistique du festival.

Al Bayane : Après deux ans de la pandémie, l’ensemble du secteur cinématographique  a été impacté par les restrictions sanitaires. En revanche, le FINIFA est de retour pour retrouver son public et surtout pour redynamiser le cinéma et le film amazighs. Pouvez-vous en dire plus sur cette édition ?

Rachid Boukcim : honnêtement, après deux ans et demi, c’était un peu dur de reprendre les activités. A vrai dire, les artistes ont vécu doublement le chômage parce qu’il n’y avait aucune opportunité pour travailler ou rencontrer le public pendant la période de la Covid-19. Certes, l’Etat marocain a fait des choses pour atténuer cette crise, mais l’art a été profondément touché.

Par contre, il faut le dire, la culture et les arts ont joué un rôle primordial  pour faire sortir les gens de leur solitude durant toute la période du confinement. On doit beaucoup aux artistes.

Ce n’est plus un secret aujourd’hui, chaque développement est lié essentiellement à l’art et à la culture. La preuve : l’avancement de chaque pays est dû aussi au développement de son industrie culturelle et artistique. D’où  l’importance bien entendu de donner le goût de la culture aux gens. En outre, il faut en finir avec la gratuité de la culture en payant quand même des prix symboliques afin que les artistes et les professionnels du domaine puissent vivre de leur art. Il faut que les salles soient indépendantes et miser que la qualité et la créativité pour que les choses évoluent. Par ailleurs, nous saluons les efforts déployés par le Bureau marocain du droit d’auteur et des droits voisins (BMDA) pendant la période de la pandémie.

Et le film amazighe dans tout cela ?

Il faut dire qu’il y avait une forte demande du film amazighe pendant la période de la Covid-19. Et c’est dans la plateforme YouTube que le bon nombre du public visionne les films amazighs. Pour la petite histoire, le film amazigh, à partir de la fin des années 90 et au début des années 20, a été diffusé partout même au-delà des frontières.

A votre avis, pourquoi les distributeurs et programmateurs des salles de cinéma tournent du dos au film amazigh ?

Il faudrait une étude du marché pour en déduire les besoins de la population et surtout des publics, différents âges et catégories sociales. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui veulent regarder le cinéma amazigh sur le grand écran. Il faudrait alors investir dans des films  de qualité pour qu’il puise trouver sa place et surtout de le faire circuler dans les différentes salles.

Hier, c’était un rêve. Aujourd’hui, le FINIFA ne cesse de  grandir au fil des ans. Quels sont les défis auxquels fait face cette manifestation cinématographique ?

J’ai travaillé avec tous les festivals amazighs à travers le monde. Dernièrement Helene E.Hagan, directrice de Amazigh Film Festival à Los Angeles, dont j’étais directeur artistique, a baissé le rideau. J’ai travaillé avec la direction du festival national du film amazigh en Algérie, j’ai travaillé dans un autre festival du film amazigh en France, et je pense que Issni N’ourgh est le festival où les gens peuvent projeter leurs films parce qu’on a une ligne éditoriale qui défend l’art, le cinéma, les artistes et le film amazighs en s’ouvrant sur d’autres cinémas.

En revanche, nous avons constaté que le festival pend beaucoup d’ampleur, mais nos moyens sont malheureusement limités par rapport aux attentes. Aujourd’hui, les droits de la diffusion se posent avec acuité.  Bref, il faudrait payer les gens…et cela nécessite les moyens. Nous espérons que les partenariats se multiplient et surtout renforcer ce soutien financier des  institutions, le CCM entre autres. Le secteur privé est également invité apporter sa pierre à l’édifice. Le festival a son public et son impact, et c’est déjà beaucoup.

Parler nous un peu du choix des films sachant qu’il y a un bon nombre de films surtout marocains et algériens qui ont été projetés lors de cette 13ème édition.

Le cinéma et l’art rapprochent les peuples. À vrai dire, tous les films qui ont été projetés ont eu un bon écho chez le public. Et c’est une occasion également pour découvrir le cinéma algérien. Le Maroc et l’Algérie ont une histoire commune, et nous espérons que les deux pays s’unissent pour le bien des deux peuples et pays.

L’ouverture de cette 13ème édition a eu lieu au mythique cinéma Saraha au quartier populaire Talborjt. Qu’il en était votre sentiment en retrouvant le public dans cette salle obscure récemment renouvelée ?

Faire un festival dans une salle de cinéma est quelque chose de magnifique, voire d’exceptionnel. Mais le faire ici, au cinéma Sahara, a un autre goût ; nostalgique mais aussi ouvert sur l’avenir. C’est un bel espace, bien restauré et renouvelé. Et c’est un pur plaisir de retrouver les cinéphiles, les passionnés du cinéma, les artistes et les professionnels du  secteur. Il faudrait aussi dire que l’hommage posthume rendu à Mohamed Oufari au cinéma Sahara est aussi un clin d’œil  à tous les pionniers du cinéma à Agadir. C’est très symbolique ! Nous espérons également que Talborjt retrouve son éclat d’antan.

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