Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
S’il était convenu que le président brésilien Jair Bolsonaro, remette, ce samedi, à 21 personnalités scientifiques, l’ordre national du mérite scientifique, cette très haute distinction créée en 1992, par le Brésil, pour récompenser les auteurs des plus importantes contributions à la science et à la technologie, cette cérémonie n’a pas pu avoir lieu car les récipiendaires ont refusé de se voir remettre cette « décoration » par le Chef de l’Etat après que ce dernier ait retiré de la liste des bénéficiaires deux chercheurs dont les travaux semblent lui déplaire.
En effet, après avoir désigné 25 personnes pour se voir attribuer cette importante distinction scientifique, le président brésilien a exclu deux éminents scientifiques ; à savoir, Adele Benzaken, qui dirigeait le département chargé du VIH/Sida relevant du ministère brésilien de la Santé avant d’en être limogée, en 2019, dès la venue de Jair Bolsonaro aux commandes de l’Etat et Marcus Lacerda, qui a réalisé l’une des premières études sur l’inefficacité de la Chloroquine contre le Covid-19 après que le chef de l’Etat l’ait préconisé pour lutter contre la pandémie.
Pour rappel, le président brésilien a été sévèrement critiqué par la communauté scientifique du Brésil pour ses coupes dans le budget de la recherche et de la technologie, son rejet constant des résultats scientifiques mais aussi et surtout pour avoir propagé de fausses informations concernant le Covid-19 en appelant au recours à la chloroquine nonobstant les preuves de son inefficacité et ignoré les recommandations des experts afférentes au recours aux masques de protection et au confinement pour enrayer la propagation du virus.
Ainsi, selon un rapport de la Commission parlementaire du Sénat de près de 1200 pages rendu public le 20 Octobre dernier, après six mois de travaux, et portant sur la gestion du Covid-19, le président Bolsonaro escomptait atteindre « une immunité collective » en adoptant une « stratégie » contraire à toutes les recommandations scientifiques qui consiste à laisser délibérément le virus se propager au sein de la population comme le lui avait conseillé un « cabinet parallèle » agissant en dehors de tout cadre légal et à promouvoir l’usage d’un « kit covid » comprenant de l’hydroxychloroquine, de l’ivermectine et de l’azithromycine – ce qui, selon une étude du Tribunal des comptes, réalisée à la demande de la Commission du Sénat, aurait coûté la bagatelle de 6,4 millions – alors même que la communauté scientifique mondiale, y compris le professeur français Didier Raoult, avait déjà conclu à son inefficacité contre le Covid-19.
Autant de raisons qui ont conduit les 21 scientifiques protestataires à rédiger une lettre ouverte dans laquelle ils ont dénoncé la « stratégie d’attaque systématique de la science et de la technologie » menée par le gouvernement, condamné cette « nouvelle démonstration claire de la persécution des scientifiques » et exprimé, enfin, leur profonde « indignation face à la destruction du système universitaire brésilien, de la science et de la technologie, en général »
En qualifiant, dans un entretien avec l’AFP, de « peu élégant » le traitement que le gouvernement a cru devoir réserver à ces deux scientifiques en les écartant, Mme Benzaken, très touchée par la démarche de ses collègues, a réagi à leur lettre ouverte en déclarant que le soutien que leur a apporté la communauté scientifique brésilienne constitue, pour les intéressés, « un bien grand honneur ».
Quelle tournure prendra ce dossier quand on sait que le rapport de la Commission du Sénat préconise l’inculpation de 11 personnes outre Jair Bolsonaro qui bénéficie encore d’une immunité du fait de sa fonction même s’il reste, par ailleurs, inculpé de « crime contre l’Humanité » pour la politique anti-indigènes qu’il a mise en place et qui exposait les populations indiennes « à l’invasion et à la violence » avant même que la pandémie ne vienne achever le travail en en décimant un bien grand nombre ? Attendons pour voir…
