«L’expression et la liberté représente l’Art»

Médéric Turay, artiste peintre plasticien, expose ses œuvres jusqu’au 7 janvier 2017, à la Galerie 38 de Casablanca. Réelle ode à l’universalité, sa nouvelle exposition intitulée «African Dreamer» surprend par son originalité et son esthétisme. Al Bayane s’est entretenu avec l’artiste qui revient sur son parcours et sa passion pour ce métier.

Al Bayane: Pouvez-vous nous parler un peu de vous, de votre vocation et formation?

Médéric Turay: Je suis artiste peintre plasticien. Je m’inspire de toutes les actualités contemporaines. Je vise un art à tendance universelle. Depuis tout petit, j’ai toujours eu le tic de tout faire à la main. Je faisais du sport, j’étais danseur mais j’aimais également beaucoup peindre. J’ai toujours été quelqu’un de très dynamique. Dès l’âge de 6, 7 ans, est apparu mon coup de cœur pour l’Art et la peinture lorsque j’ai commencé à dessiner et à imiter les dessins de certaines bandes dessinées. Dès l’âge de 10 ou 11 ans, je me suis amusé à imiter les grands maitres de la peinture tels que Picasso ou Van Gogh. La première imitation que j’ai faite est celle de l’œuvre « La ronde des prisonniers » de Van Gogh. C’était un travail de pastel à l’huile. C’est une imitation fortement symbolique pour moi. Ça a marqué le coup d’envoi pour ma peinture. Par la suite, j’ai commencé à me faire repérer par mon établissement, mon entourage qui ont vu et déceler mes compétences artistiques. C’est là où j’ai pris au sérieux cette vocation.

Quelle est votre conception de l’Art?

Pour moi l’Art c’est l’ultime liberté, une liberté qui ne s’explique pas. L’expression humaine définit l’humain justement : on peut s’exprimer, faire sortir ce qu’on a l’intérieur sur un support. L’expression et la liberté représentent l’Art.

Qu’est ce qui vous a poussé à croire en votre art à un moment de votre vie?

C’est surtout mon environnement direct, les critiques positives, la famille. Ce sont les ondes positives, les retours positifs que j’ai eus vis-à-vis de mon potentiel talent. Je me suis donc consacré à ça totalement et sans calcul. C’était un sacrifice dans le sens où je me suis lancé dans cette aventure sans certitudes de réussite. J’ai commencé par un parcours classique à l’école et j’ai été par la suite confronté à la décision de me tourner vers l’art ou de continuer une formation « normale ». C’était un risque. D’autant plus que dans ma famille, je suis le seul artiste. C’était un réel challenge, un défi. J’ai prix ma décision mais il fallait l’assumer et la justifier auprès de mes proches. Mais avec le temps, je pense que j’ai pris la bonne décision, j’ai choisi la voie à laquelle j’étais destiné. J’ai persévéré. J’ai gagné des prix, j’ai voyagé, fait plusieurs rencontres déterminantes. Ca a changé mes perspectives. J’ai depuis toujours cherché le beau. Dans cette poursuite du beau, j’ai trouvé quelque chose d’autre à part l’esthétisme, j’ai trouvé que l’on pouvait facilement mélanger notre expérience à notre imagination. Ce que j’ai essayé de faire c’est de ne pas me détacher de mon enfance, de mes rêves et poursuivre une carrière artistique en m’inspirant de ça, de mon enfance, de mes voyages. Ca a bâti la trace que je réalise, que je laisse.

Quelles sont vos influences et inspirations artistiques?

D’abord mon inspiration est mon environnement direct. Je suis l’actualité, ce qui se passe dans le monde et j’essaye de m’inspirer de mes propres expériences. Je suis quelqu’un qui a un œil assez critique sur les choses et j’essaye de l’exprimer dans mes peintures. Raison pour laquelle je passe par différentes périodes, je peux parfois être d’abord sculpteur, et parfois principalement peintre. Il y a aussi des périodes où je tends à être poète.

Pour ce qui est de mes inspirations artistiques, j’adore Léonard De Vinci, Basquiat, Francis Bacon, Picasso ou encore le maitre africain Fadairoi. J’aime bien Jeff Koons ainsi que certains artistes contemporains actuels. Pour ce qui est de Picasso, son influence se sent sur certaines de mes œuvres à travers le cubisme. Toutes les influences citées me ramènent à l’Art africain, ce qui est naïf, brut, à l’art tribal. Ça se voyait, se ressentait dans les peintures de Picasso ou dans certaines œuvres de Matisse. Je retrouve quelque chose d’africain en eux que je pratique aussi.

Quel est votre processus de création?

D’abord je travaille avec la toile naturellement. J’ai des pigments de choix comme l’acrylique, avec certaines couleurs variées, la peinture à l’huile, pastel à l’huile, le découpage avec des papiers de couleurs. Mais aussi avec du café que je mélange avec la colle à bois et j’obtiens une couleur particulière : du marron qui vire vers l’oranger, une couleur café. Ça donne une espèce de grattage. J’aime travailler la texture d’une façon particulière afin d’obtenir des choses originales. Je n’hésite pas du tout à mettre de la couleur. Je m’exprime en couleurs même sur certains sujets engagés.

Quelle importance accordez-vous à la couleur et à la lumière dans votre travail de peintre?

C’est selon mon inspiration mais je n’hésite pas à mettre de la couleur, beaucoup de couleurs sur mes œuvres. Il y a des moments où les couleurs peuvent paraitre sombres, mais c’est à cause du traitement du café et de certaines textures. Cependant, j’accorde beaucoup d’importance aux couleurs et à la lumière. On reconnait mon travail de loin, c’est mon combat, laisser ma trace, qu’on reconnaisse justement ma touche, le plus souvent colorée.

D’où vient cet amour pour les couleurs vives?

De l’Afrique. Quand on parle d’Afrique, pour moi ça évoque forcément la couleur. Des environnements très colorés, la nature qui s’exprime en Afrique est par définition colorée. Je peux résumer ça comme ça. J’ai pas mal voyagé et l’Afrique et ses couleurs restent mon inspiration première.

Vos toiles sont souvent de grandes dimensions. Auriez-vous une préférence pour le grand format?

Non pas forcément. La grande dimension me permet de m’exprimer totalement, tu n’as pas de réserve sur ce que tu veux faire. Je pense que l’on a besoin d’espaces pour pouvoir nous exprimer. Quand c’est une grande toile, l’artiste s’exprime totalement et mieux. Sa vision est plus éclairée que lorsque l’espace est restreint.

Quel message aimeriez- vous que le grand public retienne de vos œuvres?

L’Universalité. Ça représente tout et pas seulement dans mes toiles. L’universalité ça touche tout le monde, petit à petit on est tous voué à l’universalité, dans les langues que l’on parle, nos messages, nos vêtements. Nos visions doivent évoluer avec le temps, on doit faire partie de l’ère contemporain, dans le partage, dans le vivre ensemble, dans l’acceptation des différences ethniques, culturelles. C’est la seule voix pour que l’être humain puisse s’exprimer et développer son art. Nos différences doivent faire la différence.

Propos recueillis par: Omayma Khtib

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