L’interdiction de l’IVG divise les Etats-Unis et encourage la contrebande

Attendons pour voir….

Nabil El Bousaadi

Dès qu’a été rendue publique la décision prise par la Cour Suprême des Etats-Unis au titre de la révocation de l’arrêt « Roe vs Wade » qui, depuis près d’un demi-siècle, garantissait le droit des américaines à avorter en faisant de l’Interruption Volontaire de Grossesse un droit protégé par la Constitution, huit Etats se sont empressés de déclarer l’illégalité de l’avortement sur leur territoire.

Il s’agit du Missouri dont le procureur général Eric Schmitt a signalé que son « bureau a, de nouveau, renforcé les efforts du Missouri pour protéger le caractère sacré de la vie, que les êtres soient déjà nés ou non », du Dakota du Sud, de l’Oklahoma, de l’Arkansas, du Kentucky, de l’Alabama, de la Louisiane et du Wisconsin.

D’autres Etats ont annoncé qu’ils allaient suivre ce peloton de tête dans les prochains jours. Parmi ceux-ci, le Texas qui avait déjà adopté une loi déclarant l’avortement illégal après six semaines de grossesse ; une loi qui doit prendre effet 30 jours après la révocation, par la Cour Suprême, de l’arrêt précité mais qui ne prévoit aucune exception même en cas de viol ou d’inceste.

Viendront, ensuite, l’Idaho, le Dakota du Nord et, enfin, le Tennessee où le procureur général a déposé une motion d’urgence déclarant l’illégalité de l’Interruption Volontaire de Grossesse.

La Floride ayant émis une loi, prenant effet à compter du 1er Juillet et interdisant l’avortement après 15 semaines de grossesse, l’Arizona devrait suivre la même voie mais les dispositions existant en Géorgie, dans l’Ohio et en Caroline du Sud, et qui ont déjà attaquées devant les tribunaux, pourraient retarder l’interdiction effective de l’IVG dans ces territoires.   

Et si, dans les prochaines semaines, l’avortement devrait être prohibé ou, dans le meilleur des cas, fortement restreint dans 21 Etats, il existe beaucoup d’incertitudes à propos de neuf autres Etats qui ont exprimé leur volonté de changer leur législation ou d’en appeler au vote de leur population.

Au Kansas, les électeurs devront se prononcer, en Août prochain, sur un éventuel changement de la Constitution de leur Etat et le gouverneur du Nebraska voudrait faire voter le Congrès de son Etat au titre de l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse alors même qu’une loi similaire avait déjà échoué cette année.

Mais si l’avortement qui n’est pas garanti dans la Constitution de certains Etats, comme la Pennsylvanie, pourrait faire l’objet d’attaques de la part des républicains, il y a lieu de rappeler que, dans une vingtaine d’Etats, la décision prise par la Cour Suprême des Etats-Unis ne devrait pas changer la donne puisque l’avortement y restera protégé.

Il s’agit essentiellement de la plupart des Etats du Nord-Est (New York, Connecticut, Massachussets, Vermont, Maine et Delaware notamment) et de ceux de la côte Ouest où la Californie, l’Oregon et l’Etat de Washington ont annoncé une alliance pour garantir ce droit et aider les femmes d’autres Etats à avorter.  Une aide de 15 millions de dollars aurait, même, été débloquée dans l’Oregon.

Si ces différentes législations vont, sans nul doute, créer des zones de fortes tensions à la frontière de certains Etats, le meilleur exemple pourrait venir du Wisconsin où l’avortement est illégal et de l’Illinois voisin qui dispose des lois les plus libérales des Etats-Unis.

Aussi, dès vendredi, le planning familial du Wisconsin, qui gérait près de 70 procédures d’avortement, s’était trouvé dans l’obligation d’orienter les intéressées vers des Etats proches et que les frontières entre l’Idaho et l’Oregon et entre le Texas et le Nouveau-Mexique risquent d’être submergées dans les prochains mois.

Certains Etats républicains sont, d’ores et déjà, en train de réfléchir à la manière avec laquelle ils vont pouvoir limiter ces flux et rendre difficile l’avortement dans un autre Etat pour celles qui n’y résident pas à titre permanent. 

Mais, en considérant que toute interdiction donne, généralement, lieu à la constitution de réseaux ayant pour objectif de la contourner, des groupements de mexicains ont saisi cette occasion pour contrer l’annulation, par la Cour Suprême des Etats-Unis, du droit constitutionnel à l’IVG en se chargeant de livrer, aux intéressées, des kits de médicaments abortifs.

« Les femmes nous contactent par le biais des messageries ou les réseaux sociaux pour des avortements médicamenteux  (…) Le service est gratuit et l’anonymat garanti » explique Mme Rubalcava, une mexicaine.

La mécanique étant bien rodée et la plupart des échanges étant virtuels, des kits de cachets « Misoprostol » et « Mifépristone », aux propriétés abortives et vendus librement dans les pharmacies du Mexique alors que les pharmaciens américains ne les délivrent que sur ordonnance médicale, sont livrés à domicile aux américaines qui en font la demande par des mexicains autorisés à franchir la frontière qui ont trouvé là un nouveau créneau pour s’enrichir.

Au vu de la multitude de peluches remplies de pilules abortives qui, désormais, franchissent chaque jour la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis pour être entreposées dans des appartements à New York et à San-Francisco, il semblerait qu’après avoir divisé le pays, la révocation de l’arrêt « Roe vs Wade » ait sérieusement encouragé la contrebande mais attendons pour voir…

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