«L’OMS considère les maladies cardiovasculaires comme une épidémie mondiale non transmissible»

Professeur Ahmed Bennis, cardiologue

Propos recueillis par Ouardirhi Abdelaziz

L’organisation mondiale de la santé classe les maladies cardiovasculaires au premier rang des décès dans le monde. Selon les résultats de cet organisme international, 31 % de la mortalité mondiale totale est imputable aux maladies cardiovasculaires, ce qui représente 17,5 millions de décès.

En outre, selon les projections de l’OMS, près de 23,3 millions de personnes mourront d’une maladie cardiovasculaire d’ici 2030.

Le Maroc est très concerné par ces maladies, et la journée mondiale du cœur qui est célébrée le 29 septembre est pour nous l’occasion de faire le point. Afin de cerner les différentes facettes de ces pathologies, nous avons rencontré le professeur Ahmed Bennis, spécialiste en cardiologie.

Al Bayane : En tant que spécialiste des maladies cardiovasculaires, que vous inspire la journée mondiale du cœur ?

Professeur Ahmed Bennis :   Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies cardiovasculaires constituent ce qu’on pourrait appeler une épidémie mondiale non transmissible. Elles tuent plus que les accidents sur la voie publique et davantage que les cancers.

Cette journée entièrement dédiée au cœur, à l’importance de cet organe noble, est très importante à plus d’un titre.
Elle nous permet en tant que cardiologue d’avoir toujours présent à l’esprit, que l’humanité paie un lourd tribut chaque année en vies humaines.

Comme vous le savez très bien, cette année, la journée mondiale du cour s’est concentrée sur la promotion d’un environnement sain pour le cœur. Il s’agit de faire en sorte que les gens puissent faire des choix sains pour la santé de leur cœur.

Les spécialistes s’accordent pour dire que les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Donnez-nous plus de détails, des chiffres ?

Absolument, c’est une réalité scientifiquement prouvée et qui repose sur la base de nombreuses études réalisées à travers les différentes régions du monde par des experts.

C’est une réalité amère, choquante, mais il meurt chaque année plus de personnes en raison de maladies cardiovasculaires que de toute autre cause.

Si on se réfère aux chiffres présentés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ceux- ci nous apprennent que 17,7 millions de décès sont  imputables aux maladies cardiovasculaires, soit 31% de la mortalité mondiale totale. Parmi ces décès, on estime que 7,4 millions sont dus à une cardiopathie coronarienne et 6,7 millions à un AVC (chiffres 2015).

Ce qui est très inquiétant, ce sont les projections qui sont faites concernant les décès inhérents aux  maladies cardiovasculaires dans les années à venir. Les prévisions pour 2030 font état de 23 millions de morts chaque année dans le monde du fait de ces maladies.

Qu’en est-il au Maroc ?

Les maladies cardiovasculaires  constituent la première cause de mortalité au Maroc. En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS)  estime à 40% le nombre de décès causés par les maladies cardiovasculaires dans le Royaume. Autrement dit, quatre décès sur dix.

Il est très utile de rappeler que 33% de notre population de plus de 20 ans souffrent d’hypertension artérielle, 6,6% de diabète, 39,3% d’excès pondéral, 16 % sont des obèses, et 17,2% sont des fumeurs dont près de la moitié ont commencé à fumer entre 15 et 19 ans.
Les chiffres des cardiopathies au Maroc sont alarmants : 1 enfant sur 100 naît avec une malformation cardiaque : 10.000 malades sont atteints de maladies de valves cardiaques chaque année à cause d’une angine mal soignée et 37% des hypertendus voient leur affection se compliquer en maladie coronaire et d’atteinte cardiaque.

Ces chiffres placent le Maroc comme un pays à haut risque de maladies cardiovasculaire.

Quelles sont ces maladies ?

Votre question est certes pertinente, mais je ne vais pas vous décrire toutes les maladies cardiaques. Cela prendrait beaucoup de temps, mais on va passer en revue les plus fréquentes qui affectent la structure et le fonctionnement du cœur et dont  les causes en sont multiples.

Alors, il y a l’angine de poitrine, en des causes artères obstruées.

 Le cœur ne reçoit pas suffisamment de sang et d’oxygène pour combler ses besoins. Elle provoque de fortes douleurs,

L’arythmie, qui signifie un changement dans le rythme cardiaque. On parle de tachycardie pour une accélération ou bradycardie pour un ralentissement.

La cardiomyopathie,  signifie la maladie du muscle cardiaque. Elle réduit la capacité du cœur à pomper le sang vers le reste de l’organisme. Elle provoque essoufflement et fatigue extrême.

L’insuffisance cardiaque, elle apparaît à la suite de problèmes de santé tels que la crise cardiaque ou autres. Comme pour la cardiomyopathie, le cœur ne peut plus pomper le sang correctement.

L’hypertrophie du cœur, c’est une augmentation de la taille du cœur due à une maladie cardiaque.

L’arrêt cardiaque, c’est quand le cœur cesse soudainement de battre. Cela est causé par de nombreuses anomalies cardiaques comme l’arythmie et peut engendrer divers problèmes de santé.

La crise cardiaque, la circulation sanguine vers le cœur est ralentie ou est interrompue. L’organe continue de battre pendant la crise.

Comme expliqué, cette liste n’est pas exhaustive, les troubles cardiaques comprennent de très nombreuses maladies.

Quels sont les facteurs de risques de ces maladies ?

Les principaux facteurs de risque des cardiopathies et des AVC, sont une mauvaise alimentation, un manque d’activité physique, le tabagisme et l’usage nocif de l’alcool.
Les effets de ces facteurs comportementaux peuvent se traduire chez les personnes par une hypertension, une hyperglycémie, une hyperlipidémie, le surpoids et l’obésité.
Les facteurs de risque ne s’additionnent pas, ils se potentialisent : ils s’aggravent mutuellement.
Il est important de savoir, qu’un seul facteur de risque représente en soi un réel danger. Vous vous imaginez ce qui peut arriver quand une même personne cumule plusieurs facteurs de risque, c’est une véritable bombe à retardement.

D’autres facteurs de risque existent, mais ils ne peuvent être modifiés : l’âge avancé, le sexe (le risque de maladies cardiaques et d’AVC est plus important après la ménopause), les antécédents familiaux et médicaux et l’origine. Dans tous les cas de figure, je tiens ici à rappeler, que l’essentiel passe par la prévention et l’éducation afin de se prémunir contre les facteurs de risque.

Peut-on prévenir les maladies cardiovasculaires ?

Absolument, non seulement, on peut les prévenir, mais on se doit de les prévenir. D’ailleurs, la journée mondiale du cœur, qui se tient le 29 septembre, a justement pour but de mettre en lumière les facteurs de risque liés aux maladies cardiovasculaires et ainsi favoriser leur prévention. Particulièrement auprès des jeunes qui sont très réceptifs, qui représentent les générations futures, et qu’il faut bien sensibiliser.

Malheureusement, comme vous le savez très bien, cette année, la pandémie de coronavirus complique l’approche qui consiste à sensibiliser le plus grand nombre de citoyens à la détection précoce des symptômes et à la prévention des maladies cardiovasculaires.

La stratégie de prévention primaire consiste à le sensibiliser sur certains comportements susceptibles de favoriser le développement d’une pathologie comme le tabagisme, les mauvaises habitudes alimentaires et la sédentarité.

Il faut encourager les personnes qui fument à cesser, car la consommation de tabac augmente nettement les risques de complications de la maladie coronarienne par infarctus du myocarde et mort subite.

Il faut de même agir sur les comportements alimentaires, réduire la consommation des graisses saturées qui augmentent le cholestérol, et les remplacer par des graisses mono ou polyinsaturées (d’origine végétale ou marine). Il faut aussi réduire la consommation de sel, ne pas dépasser 3 grammes par jour.

D’une manière plus générale, il faut privilégier une alimentation variée avec fruits et légumes, céréales, pain complet, poissons, viandes et produits laitiers.

Surveiller son poids car l’obésité est un facteur de risque, pratiquer
une activité physique quotidien régulière, sans intensité. La marche par exemple, au moins trente minutes par jour.

Consulter son médecin traitant au moins une fois par an pour savoir quel est l’état de son cœur et de ses vaisseaux.

Un dernier mot concernant la journée mondiale du cœur ?

Vous savez, il y a un adage très important qui dit «  Mieux vaut prévenir que guérir ». Il est clair que dans le contexte qui est le nôtre,  que la moitié de toutes les maladies s peuvent être évitables.

Si on faisait simplement attention à nos habitudes de vie, à nos comportements. Le meilleur exemple, c’est celui qui concerne le tabagisme, la mauvaise alimentation, la consommation de drogues, l’alcool, la sédentarité …

Si nous arrivons à combattre ces facteurs de risque, si aujourd’hui nous investissons dans la sensibilisation, dans l’éducation, dans la communication,  il ne fait aucun doute que nous pourrions infléchir la courbe de nombreuses pathologies. On éviterait dans les prochaines années, la moitié de toutes les maladies dont souffrent aujourd’hui nombre de nos citoyens.

C’est pourquoi, je tiens ici à vous dire que pour les médecins, l’enjeu futur majeur est davantage la prévention que le traitement. Au vu des évolutions du comportement des individus ces dernières années, une meilleure information de nos citoyens dès leur jeune âge est nécessaire pour faire diminuer les risques de maladies cardiovasculaires au sein de notre population.

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