Michèle Rakotoson : « regarder l’histoire en face est un choix politique »

Mohamed Nait Youssef

Née à Antananarivo, à Madagascar, l’écrivaine, romancière, dramaturge et journaliste malgache, Michèle Rakotoson, Prix Orange Afrique 2023, a été l’invitée de la 28ème édition du SIEL. Présentée dimanche 4 juin par l’écrivain et poète Jalal El Hakmaoui, l’autrice de «Ambatomanga, Le silence et la douleur» revient sur son rapport à l’écriture et l’invasion de la Grande Île par l’armée de l’empire français.

«Je suis issue d’une famille dite intellectuelle. Mes premiers souvenirs ont rapport avec le livre. On avait des livres à la maison. Le livre est quelque chose de magique. J’avais ce rapport à l’histoire qu’on me raconte. J’aime le cinéma, et j’aurais aimé  être cinéaste. Je suis née dedans.», a-t-elle révélé.

Et d’ajouter: « c’est grâce à mon père que j’ai eu ce goût pour l’écriture.  C’est lui qui m’a mis la plume à la main. J’avais une enfance percée dans l’écriture et la musique.»

Soixante-quatre ans de colonisation française. Son dernier récit sans concession est une critique du système colonial.

«La littérature malgache en l’occurrence de la littérature arabe a été influencée par le colonialisme. J’écrivais toujours en français. Dans ma génération, il fallait être francophone pour s’en sortir.», a-t-elle indiqué.  Michèle Rakotoson a un rapport très particulier avec la langue. Par ailleurs, l’écrivaine a ouvert les yeux dans un environnement linguistique malgache ancien. «Les gens de la compagne ont un rapport à la sacralité. On a cette langue maternelle. Il y a toujours un accent. Il y a une manière de dire. La langue de son enfance est originale.», a t elle expliqué.

Pour écrire «Ambatomanga, Le silence et la douleur», Michèle Rakotoson a investi dix ans de travail, de recherche et de rédaction.

«Il y a de la douleur  dans ce travail qui a nécessité un effort au niveau de la recherche des archives. Il y a eu également tout un travail de structuration de récit et de gestion de cette colère qui était en moi. Il y avait aussi un travail de l’éditrice.», a-t-elle fait savoir.

L’écriture sauvegarde la mémoire et contribue à la réécriture de l’histoire. «Regarder l’histoire en face est un choix politique. La France a cette envie de mettre la main sur l’histoire.», a-t-elle répondu à une question relative aux archives coloniales.

Michèle Rakotoson se réclame biculturelle en parlant de la question de la francophonie et de l’appartenance à la langue française.

«Il y a des cultures, et non de grandes ou de petites cultures. C’est urgent de développer la culture locale.», a-t-elle insisté. 

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