Migration et développement

Par Alla El Ayachi*

La migration internationale, perçue du départ et de l’origine du migrant à son accueil, est actuellement un fait de société complexe et mondialisé. La complexité, multidimensionnelle, provient à la fois tant du processus migratoire lui-même, de son commencement à son développement, que des inter-relations qui se tissent vis-à-vis de la société d’origine et par rapport à la société d’accueil.

 Migrer, quand c’est voulu, organisé et choisi, peut débuter du parcours des études, notamment supérieures. Tout comme il peut être lié à la recherche du redéploiement dans une société d’accueil, redéploiement qui peut prendre la forme de la recherche d’un emploi, autant que la construction de son avenir propre, par la création de sa propre affaire. Quant le migrant est issu d’une voie clandestine ou irrégulière, il est fait recours au droit international et aux conditions d’acceptation du migrant poursuivies par le pays de transit ou d’accueil.

Pour limiter la migration non organisée, ou le phénomène migratoire tout court, il est généralement recouru aux politiques de co-développement bénéficiant d’une large coopération internationale et multilatérale.

Au plan mondial, un pacte de la migration internationale vient d’être signé à Marrakech en Décembre 2018. Il a notamment pour objet de veiller au respect des droits des migrants et de favoriser la migration organisée, voulue et choisie.

Au Maroc, le phénomène migratoire a toujours été lié au développement

Hier, au cours des années 1960, lorsque les premières communautés Marocaines à l’Etranger, notamment à destination de l’Europe Occidentale, furent constituées d’ouvriers et d’étudiants, les politiques migratoires furent marquées par la défense des droits de développement des Marocains de l’extérieur dans leurs sociétés d’accueil et l’encouragement et le renforcement de leurs projets d’investissement au Maroc. Considérés à la fois comme résidant à l’Etranger et résidant spéciaux au Maroc, on leur attribua des avantages particuliers, notamment l’allocation en leur faveur, de 10% de lots de terrains pour construction de logements au Maroc, des abattements et exonérations fiscaux pour droits de douane, des taux de change dirhams /devises avantageux, et autres primes sur intérêts servis aux dépôts chez les établissements bancaires.

A partir des années 1990 , on lia, de facto, la migration au développement par la création d’une banque de financement des investissements à moyen et long terme des Marocains résidant à l’Etranger, en l’occurrence Bank Al Amal, l’institution d’un fonds de garantie des financements de ces investissements, Dar Addamane, et la création de la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger qu’on érigera en la réorganisant, plus tard, en promoteur des investissements économiques, sociaux et culturels des Marocains de l’Extérieur.

Depuis les années 2000, la question migratoire a radicalement changé au Maroc. De pays d’origine d’immigration, on passa au statut de pays de transit, puis , avec la régularisation de situations de plus de 45 000 immigrés africains et autres originaires de pays arabes, notamment de Syrie, au statut de pays d’accueil .Les régularisations se sont accompagnées de mesures de réinsertion dans la vie active au Maroc.

Depuis le Gouvernement d’alternance de Abderrahmane El Yousfi de 1998, on n’a pas cessé de créer, à chaque changement de mandat gouvernemental, un portefeuille Ministériel dédié à la communauté Marocaine résidant à l’Etranger, le même Ministère chargé, depuis la régularisation des situations d’immigration à l’intérieur du Maroc, de la migration. Ce Ministère fut même renforcé par la création du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger.

Actuellement, la vision stratégique nationale d’immigration/migration est définie et les différentes instances créées se déploient dans le cadre de cette vision.

Au niveau du Maroc, l’action stratégique majeure, se devant de lier migration au développement, devrait être de mobiliser les compétences et les ressources de la Communauté Marocaine à l’Etranger, pour y investir.

 En effet, depuis ses débuts d’immigration, la diaspora Marocaine a toujours maintenu des liens économiques forts avec la patrie. En témoignent les transferts de revenus qui se sont inscrits, depuis une très longue période, en tendance haussière ascendante constituant le premier poste de la balance des paiements générateur de revenus (63 Milliards DH en 2015).

De même les Marocains de l’Extérieur investissent directement, via leurs propres moyens, au Maroc. Si les investissements, qu’il faut quantifier et analyser, à travers Bank Al Amal, le système bancaire, les investisseurs financiers témoignent de l’intérêt qu’ils portent au développement de leur pays d’origine, la création et la promotion de toutes petites entreprises gardent également leur importance.

 Ces opportunités sont d’autant plus loisibles que le climat des affaires au Maroc vient d’être réaménagé, depuis deux ans, par l’institution du statut d’auto entrepreneur et la réorganisation des toutes petites et moyennes entreprises.

Autres opportunités qui s’offrent, celles d’investir en Economie Sociale et Solidaire qui se renforce au Maroc et s’étend à d’autres productions que les produits du terroir tout comme le développement régional qui intéresse les Marocains de l’Extérieur dans leurs régions d’origine.

La promotion des petites et moyennes affaires n’est pas uniquement une affaire d’entrepreneurs et de financeurs. Elle est surtout question de formation et d’accompagnement par les professionnels et les associations de développement qui devraient être étroitement impliquées.

En liant migration et développement on s’inscrit nécessairement dans un nouveau modèle de développement.

*Economiste et ingénieur d’Etat Statisticien Economiste
*Ancien Trésorier Général de la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger chargé du Pôle de Promotion des Investissement.
Rabat, le 7 Avril 2019

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