Ou quand les œuvres dialoguent avec les espaces patrimoniaux de Tanger

Le rendez-vous incontournable «ETRE ICI»…

DNES à Tanger Mohamed Nait Youssef

La cité de Tanger connait ces temps-ci une véritable dynamique artistique. Et tant mieux… En effet, dimanche dernier a eu lieu l’événement artistique phare «ETRE ICI», organisé par l’association SSILATE.  En une journée, ce rendez-vous incontournable a fédéré une cinquantaine d’artistes venus de différents horizons et sensibilités.

Il y en avait pour tous les goûts : de la peinture, de la sculpture, de la musique, de la danse, du chant, de la poésie, entre autres… Un havre de paix, on dirait.  Ainsi, ce parcours artistique fêtant cette année sa quatrième édition a réinvesti les lieux identitaires qui ont une amé, un vécu, mais aussi et surtout  une mémoire de la ville de Tanger. Le principe, c’est de rendre aussi l’art accessible et ouvert à tout le monde.

«C’est un événement qui se veut fédérateur, dont le but est de faire sortir la culture de ses lieux habituels c’est-à-dire des galeries, des musées… et investir  dans espaces pour que les gens puissent rentrer.», nous confie Najoua El Hitmi, plasticienne, cheville ouvrière de cet événement.

L’événement est en effet un périple artistique  qui a duré une seule journée, où le public a apprécié les œuvres des artistes qui dialoguaient avec les espaces patrimoniaux tels la Villa Tassia, le Détroit Palace, la prison du Mechouar, le Bazar Andalou, la Tour du ciel, au fil du jardin suspendu, la Pension Naciria, le bazar «Marrakech la rouge».

«L’espace d’une journée, c’est voulu pour qu’il y a un effet d’immédiateté… et les émotions se font sentir sur place.», explique Najoua El Hitmi.

Ouvrir des lieux pour laisser des choses se passer…

Le principe du parcours artistique  «Etre Ici», c’est d’ouvrir des lieux qui sont habituellement fermés au public.

Pour Najoua El Hitmi, l’idée, c’est de faire vivre des lieux qui sont complètement délabrés. «On fait les faire vivre le temps d’une journée avec une scène artistique vivante parce que l’idée ne se repose pas uniquement sur le fait que les artistes ramènent leurs toiles, mais qu’ils fassent quelque chose pour le lieu.», a-t-elle affirmé.

Par ailleurs, les initiateurs de l’événement misaient sur le regard que portent les artistes sur ces lieux et les faire cohabiter avec leurs visions artistiques et leurs visions du présent et du futur.

 «C’est une combinaison du passé du lieu avec une vision du présent et du future c’est-à-dire comment ils voient leurs œuvres sur le moment présent, sur le temps d’une journée sur cet espace. L’idée, c’est de créer cette conjugaison d’avoir des danseurs au milieu d’une œuvre contemporaine. C’est bien de conjuguer ces visions et sensibilités artistiques dans un espace.», précise El Hitmi.

«Etre Ici», c’est le temps des retrouvailles des artistes et un lieu de rencontre des différentes générations.

«C’est ma 4ème participation à cet événement. Pour moi, c’est toujours très important d’être là avec de nouvelles idées et œuvres.», nous confie la plasticienne Amina Rezki.

L’artiste qui vit et travaille entre Bruxelles et Tanger a proposé au public une sculpture et des peintures puisées dans son univers surréaliste, mais en rapport avec notre monde actuel. «Quand je travaille sur une toile, j’aime introduire un objet qui détourne l’ambiance de l’œuvre.», a-t-elle révélé.

Des projets artistiques prometteurs…

Younes Atbane, artiste visuel marocain travaillant être Casablanca et Berlin, n’a pas manqué le rendez-vous en renouant les liens avec le public tangérois. «C’est ma troisième participation à «Etre ici». A chaque fois, je prends cette invitation avec une intention performative d’interaction avec des espaces informels qui sont en discussion avec ce que je propose comme proposition artistique. », a-t-il déclaré à Al bayane. Et d’ajouter : «J’essaie d’interagir avec l’espace, de le comprendre, de le saisir… et proposer quelque chose par la suite».

Pour cette édition, l’artiste a proposé un ensemble de pièces qui sont nées, selon lui, dans un projet de performance qui s’appelle « Untitled 14 km» ; là où il imagine un musée imaginaire d’art contemporain d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. «À partir d’eux, certains regards de la région MENA ; j’utilise des casques médiévaux en faisant référence à une époque civilisationnelle  qui est l’Andalousie représentée comme l’âge d’or de la civilisation arabo-musulmane. À partir de cette réflexion, je considère cette époque comme un fantôme culturel qu’on essaie de revisiter et de rependre, mais j’essaie de le décaler dans l’actualité en présentant des fantômes culturels qui créent à la fois une espèce de paradoxe avec l’actualité.», a-t-il fait savoir.

Le temps d’une balade artistique…

La programmation a été étouffée. Le public a eu droit à  un projet artistique dans un cinéma éphémère sur le parcours, présenté par la cinémathèque de Tanger. Les danseurs de la compagnie de danse contemporaine COL’JAM de Casablanca ont livré une performance tout au long de cette balade artistique. Des spectacles ont été également au menu : «la cage» de la comédienne Delphine Meleze au Détroit Palace et le spectacle «City lights» de Stéphanie Gaou, Cedric Abouchahla et Jean-Marc Dadie au fil du jardin suspendu.

Tanger, la muse, l’universelle…

L’énergie de la ville, ses lumières, ses couleurs, son emplacement géographique, la Cité du Détroit a été depuis toujours une destination préférée des belles palettes et plumes venues des quatre coins du monde pour se ressourcer et s’inspirer du charme et de la magie de son histoire et de ses lieux emblématiques. Francis Bacon, Paul Bowles, Jean Genet, Eugène Delacroix, Henri Matisse, entre autres,  sont tombés dans le charme de Tanger.

«Depuis la nuit des temps, Tanger a attiré les artistes parce qu’il y a toujours quelque chose qui se passe dans cette ville. Il y’ a toujours eu une effervescence  artistique. Tanger a toujours été un carrefour des civilisations et une ville assez riche.», a indiqué Najoua El Hitmi, actrice culturelle de la ville et propriétaire de l’espace artistique «Zawia».

À Tanger, estime Amina Rezki, la vie artistique en progression avec tous les nouveaux jeunes artistes.  «Je sens que ça foisonne, et qu’il y a une nouvelle énergie. Il ne faut pas aussi oublié qu’il y a eu beaucoup d’artistes comme Francis Bacon qui sont passés par là.», a-t-elle rappelé.

Selon Younes Atbane, Tanger est toujours associée à une dimension culturelle. «Elle nous habite tous avec cette image de ville qui a influencé les mouvements, qui a fait naître Choukri et d’autres avec une dimension internationale qui n’est pas figée sur une dimension identitaire.», a été révélé.

D’après lui toujours, la ville a encore cette force de devenir une plateforme importante pour l’art au Maroc vu le développement économique de la ville. «Tanger à cette capacité de faire sa singularité.», conclut-il.

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