«Peu de films marocains abordent la question du handicap»

Cinq questions à Hassan Benkhlafa, DG du festival Handifilm

Propos recueillis par Abdelatif ABILKASSEM

L’association Handifilm organise, du 17 au 19 juin à Rabat, la 14-ème édition du Festival Handifilm sous le thème « Les troubles d’apprentissage à travers le zoom des jeunes cinéastes ». A cette occasion, le directeur général du festival, Hassan Benkhlafa revient, dans un entretien accordé à la MAP, sur les acquis apportés par cet événement, le traitement de la thématique du handicap dans le cinéma marocain, ainsi que sur le rôle des jeunes dans la dissémination des valeurs de la diversité et du respect de l’autre via le 7ème art.

En 14 ans d’existence, quelle est la contribution du festival à la cause des personnes en situation de handicap ?

On peut dire que le public du festival s’est élargi d’une édition à l’autre et que le nombre de nos partenaires a augmenté au niveau national et international.

Depuis la neuvième édition, le festival bénéficie du Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste. Pendant cette période, nous avons fait la promotion de quelques films marocains et de nombreux films internationaux qui traitent de la question du handicap de manière positive et projettent une image positive du handicap et des personnes en situation de handicap. Ce foisonnement a culminé avec la production du premier film marocain utilisant la technologie de l’audiodescription pour les malvoyants et les aveugles et le sous-titrage pour les sourds. Ce film mettait en vedette Mohamed Choubi et une actrice porteuse du syndrome de Down.

Comment évaluez-vous le traitement de la question des personnes en situation de handicap dans le cinéma marocain, aussi bien en termes de visibilité que d’interprétation cinématographique ?

Peu de films marocains abordent la question du handicap. Les personnages interprétés par les personnes en situation de handicap ne servent pas l’image de cette catégorie ainsi que son rôle positif dans le développement social. Ces films présentent une sorte de satire négative pour provoquer le rire ou la pitié.

A mon avis, le film « Six mois et un jour » d’Abdeslam Kelai est un bon exemple de film sur le handicap car il traite, de manière artistique et positive, de la problématique de l’intégration des personnes souffrant d’autisme au sein de la société marocaine.

L’édition actuelle traite des troubles de l’apprentissage. Pourquoi cette thématique ?

Chaque année, nous choisissons un sujet qui touche les types de handicap ou certaines techniques ou moyens d’intégrer les personnes en situation de handicap. Certains types courants et bien connus de handicap ont naturellement eu la priorité. Lors de cette édition, nous avons voulu souligner les difficultés d’apprentissage en tant que sorte de handicap caché malgré sa prévalence élevée et ses conséquences néfastes pour les jeunes apprenants.

Parmi ces difficultés d’apprentissage, il y a la dyslexie, la dysgraphie et la dyscalculie, qui contribuent de manière significative au taux élevé de décrochage scolaire et à la prévalence de l’analphabétisme.

A travers les sujets et les thématiques que nous traitons, nous cherchons à sensibiliser le grand public et les responsables en particulier afin qu’ils changent leur perception du handicap. Changer cette perception favoriserait le rayonnement d’une culture d’acceptation du handicap chez le grand public et amènerait les responsables à élaborer des politiques publiques et à prendre des mesures pour améliorer la participation des personnes en situation de handicap au développement inclusif.

L’édition de cette année est marquée par la participation de plusieurs films dans la « Compétition internationale du court-métrage spécial Junior ». Pouvez vous nous en dire plus ?

En fait, nous estimons que miser sur les jeunes avant qu’ils ne soient impactés par les représentations négatives au sein de leurs sociétés est un pari gagnant, en ce sens que les jeunes d’aujourd’hui sont les hommes de demain, qu’ils deviennent des acteurs politiques ou économiques ou des pionniers de l’art et de la culture. Le projet « les jeunes devant et derrière la caméra pour une société inclusive » nous a donné l’occasion d’accompagner ce groupe afin de développer son sens artistique et de l’impliquer dans la promotion des valeurs du respect et de tolérance, et d’une culture qui accueille le handicap en tant que diversité. Ces jeunes étaient au rendez-vous et leurs productions sont programmées dans le cadre du festival.

Le projet, soutenu par la Fondation Drosos, s’étale sur une durée de 4 ans et vise à contribuer au développement du talent artistique et de l’entrepreneuriat chez les jeunes et à favoriser leur implication dans la promotion des valeurs du respect, de la tolérance et d’une culture accueillant le handicap.

Le projet vise notamment à renforcer les compétences des jeunes à travers la réalisation de 24 court-métrages sur le handicap. Il prévoit également la création d’un groupe de réflexion appelé « Créativité et développement de la personnalité » qui couvrira toutes les régions du Royaume afin d’évaluer les difficultés rencontrées en matière de développement du sens artistique de la jeunesse et soumettre des propositions pratiques pour le développement de politiques publiques qui encouragent les activités artistiques et culturelles créatives des jeunes en tant que locomotive pour la promotion de l’esprit d’entreprise et des valeurs de tolérance.

En tant qu’Association, quelles sont vos propositions pour promouvoir la visibilité des personnes en situation de handicap dans le cinéma ?

Afin de renforcer la présence positive des questions de handicap en général et d’améliorer l’image des personnes en situation de handicap dans le cinéma, nous proposons la création d’un atelier pour un cinéma inclusif favorisant la participation d’acteurs, de cinéastes et de techniciens en situation de handicap. Nous proposons également d’encourager la réalisation de films prenant en compte les personnes ayant une déficience sensorielle (aveugles, malvoyants et malentendants) et de s’assurer que les salles obscures sont adaptées aux normes d’accessibilité.

Nous insistons également sur la nécessité de faire participer les praticiens spécialisés en médecine et en réadaptation comme conseillers en matière de handicap pour s’assurer que les rôles des personnages soient conformes aux types de handicap traités dans les films.

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