Peut-on faire la politique autrement ?

Les septuagénaires, et plus, ont vécu, d’une manière ou d’une autre, tous les aspects de la vie politique dans notre beau pays.

La génération des trois Rois a connu (sans prétendre à l’exhaustivité dans ce qui suit) l’enthousiasme de la libération des colonialismes, la lutte sourde pour le pouvoir entre les parties du mouvement national, l’interdiction d’une formation politique et la scission d’une autre, la création de nouvelles organisations politiques et syndicales,les procès politiques et l’état d’exception,les coups d’état, les années de plomb et une opposition forte, le radicalisme de la jeunesse et l’aventurisme des déçus du Maroc indépendant, le gouvernement des technocrates, les jacqueries et les grandes manifestations revendicatives, la mobilisation populaire pour l’intégrité territoriale et les balbutiements du processus démocratique, l’alternance consensuelle et les méandres de la démocratisation, une nouvelle constitution (la sixième), un blocage remarqué, le rapport de la Commission spéciale pour le nouveau modèle de développement(qui s’ajoute au rapport du Cinquantenaire et à celui de l’Instance Equité et Réconciliation, entre autres) et, dans la suite des échéances électorales continues  (de la falsification des scrutins et du vol des urnes à l’utilisation inconvenante de l’argent),un nouveau gouvernement qui dispose d’une large majorité parlementaire… et d’un mutisme sonore.

Chaque étape a connu des débats, calmes à polémiques, sur la meilleure façon d’agir en politique pour aller de l’avant, corriger les dysfonctionnements et réaliser le Maroc pensé, un Royaume du Maroc démocratique, moderne, émergent et sans disparités spatiales et sociales.

Comme si la politique devrait être faite autrement d’une manière perpétuelle, la question reste d’actualité.Peut-on faire la politique autrement ?Une interrogation qui fait toujours de l’effet !   

C’est pour y répondre qu’un débat a réuni,à l’invitation de l’Association Lafki Titouani,deux secrétaires généraux, celui du Parti de l’Authenticité et de la Modernité et celui du Parti du Progrès et du Socialisme.

Un amphi comble, et il l’aurait été quelle quesoit sa grandeur,eu égard à la personnalité des deux intervenants certes, mais aussi à la carence que connaît le champ politique national, sous son smog, d’un débat politique qui se tient.A part quelques invectives dignes des fables animalières, sans vertu aucune …

Car ; rien ne sert de faire encore plus la sourde oreilleaux nombreux appels qui se font de plus en plus pressants pour redonner à la politique l’éclat qu’elle a perdue depuis que « beaucoup d’eau ait coulé sous les ponts »du champ politique national.

L’action gouvernementale a été un sujet de controverse pour les deux intervenants qui sont d’accord sur le fait que l’on ne peut pas avoir un pied dans le gouvernement et un autre dans l’opposition. Cela aussi a été vécu !

Le droit de réserve s’impose à la fonction. Tout ce que dira celui qui parle dans un gouvernement muet,n’engage que sa personne. L’auditoire restera sur sa faim pour comprendre à travers ses intentions, ses boutades et la clameur de ses vérités, la vision du gouvernement auquel il appartient. Une langue déliée et une certaine témérité dans la dénonciation des reclus de l’environnement administratif qui est le sien et dont dépend la justice dans notre pays. Et cet appel aux tenants de la modernité pour leur demander de se bouger ; comme si le Secrétaire Général du Parti de l’Authenticité et de la Modernité se parlait à lui-même.

L’opposant, face à son ami ministre, relève que l’action politique souffre d’une césure entre la population et les acteurs politiques ; et il est plus que temps d’insuffler un nouveau souffle à la politique dans le pays. Sans remettre en cause l’issue des dernières échéances électorales, il dénonce les agissements qui ont dépravé le processus démocratique par une utilisation de l’argent qui débauche. Il s’interroge sur l’engagement partisan de certains ministres qui semblent s’encarter pour l’occasion et se demande à quoi peut servir cette pratique de recrutement des élites.

L’envol des prix des carburants à la pompeamène la discussion sur la TIC, les bénéfices des sociétés de distribution, le devenir de la Samir, le déficit budgétaire et la baisse du pouvoir d’achat et ses conséquences sur le quotidien des masses populaires.

La submersion du gouvernement dans les contraintes objectives issues de la pandémie et de la guerre en Ukraine entraîne avec elle les éléments de la déclaration gouvernementale et la référence au nouveau modèle de développement sans aune explication ni réactivité.

On l’entend bien ; sauf que ce discours du premier opposant au royaume est parasité par le dilemme qui l’intéresse et qui sera résolu lors du prochain congrès national du Parti du Progrès et du Socialisme.

En guise d’argument, le ministre revient aux contraintes de l’héritage légué par les politiques passées.Et il révèle l’appréhension qui se traduit par« que faire dans une année ou deux si la guerre continue ? » car « nous consommons et nous ne produisons pas ». Triste affirmation qui aurait pu être développée pour faire de la politique autrement.

De la politique, les deux intervenants se sont donnés à son exercice le long du débat, chacun de sa position, avec cette complicité entre l’élite politique marocaine relevée,depuis la fin des années soixante du siècle passé, par John Waterbury dans sa fameuse thèse « L’Emir des croyants ».L’autrement de l’interrogation, thème du débat, est resté en filigrane que seuls percevaient les partisans.

Top