«Polisario» : de l’Université de Rabat au maquis à Tindouf…

Sahara marocain

Mohamed Khalil

Ils étaient sensés devenir des cadres du Maroc, qui venait à peine de sortir, moins de deux décennies, de la dépendance «politique» de la France et de l’Espagne.

Ils poursuivaient des études à l’Université de Rabat et certains parmi eux étaient des militants politiques, dont notamment El Ouali Mustapha Sayed, qui avait milité au sein du Parti de la libération et du socialisme (ancien parti communiste marocain) dans la cellule des étudiants.

Mais le climat politique au début des années 70 du siècle dernier était propice à la naissance de tous les extrémismes. L’Etat marocain n’arrivait pas à gérer sa politique interne et encore moins celle externe. Le pays venait de recouvrer sa souveraineté sur les villes de Tarfaya et Sidi Ifni restées sous occupation espagnole et qui ne sont rétrocédés, respectivement, qu’en 1959,  suivant la logique voulue par Madrid mais également par la France, avec les trois zones de partage d’influence espagnole au Maroc : au Nord, au Sud et autour de Sidi Ifni.

La conjoncture était également marquée par les deux tentatives de putsch.

Toute cela, avait poussé ces étudiants d’origine sahraouie, dont certains provenaient de Guelmim, de Tan Tan, de Tarfaya et d’autres petites localités du Sahara marocain, à croire que «la situation est révolutionnaire» au Maroc et qu’il fallait impérativement mener une action armée contre l’occupant espagnol tout en réalisant les revendications des populations locales mises en avant par le mouvement progressiste national.

A l’époque, on avait eu vent de contacts entre un petit groupe d’étudiants mené par Mustapha El Ouali et des leaders du mouvement nationaliste et progressiste, dont la finalité était  d’organiser la lutte armée contre les forces d’occupation franquiste pour libérer le «Sahara marocain».

A l’époque, ni le pouvoir central ni les partis politiques ne voulaient ouvrir le front avec Madrid et aucune suite n’aurait été demandée au groupe d’étudiants marocains.

Cette négligence  avait généra une grande frustration à laquelle s’est ajouté leur situation sociale en tant qu’étudiants venus de lointaines contrées.

Autant ils étaient trop enthousiastes à accomplir des actions audacieuses contre le colonialisme espagnol mais également revendiquer une meilleure vie pour le peuple marocain dont les populations sahraouies.

De plus, ces jeunes étudiants portaient les idées du socialisme et du changement démocratique en tant que moyen pour améliorer la situation des leurs ainsi que leurs propres vies.

Ils avaient planifié de profiter du moussem de Tan-Tan auquel de nombreuses tribus participent pour sensibiliser la population sur leur situation de presque total dénuement.

La haine aveuglée par la répression

D’après des militants progressistes marocains qui les avaient côtoyés à l’époque, El Ouali avait fini, sous la pression de certains de ses camarades, par perdre patience et tenait absolument à passer à l’action.

Il organisa une manifestation à Tan-Tan, à l’époque une petite bourgade rurale, où tout manquait…

Le groupe d’étudiants sera arrêté, torturé et mis dans une prison de fortune, dans des conditions infrahumaine avec toutes les brimades que l’on peut imaginer.

C’est cette répression aveugle qui les fera radicaliser au point de songer à se retourner contre le Maroc, leur pays natal et de séjour.

Tous les observateurs politiques s’accordent à dire que c’est l’administration marocaine, par son manque de discernement et son autoritarisme répressif, qui a fait déborder la goûte de la séparation, alors que la situation était gérable et que la colère des étudiants aurait pu être absorbée intelligemment. Et puis, une marche à Tan-Tan ne pouvait déstabiliser le pays !

Et pourtant, ils n’avaient commis aucun délit à part celui de manifester pacifiquement. Même les partis politiques de l’opposition avaient porté ces mêmes revendications des masses populaires. Peut-être que ces étudiants se voulaient être plus patriotes que les politiques et l’Etat marocain, en position de grande faiblesse.

Comme de pans entiers de Marocains, le groupe d’étudiants d’origine sahraouie avait la conviction que la récupération de tous ses territoires sahariens ainsi que ceux du Nord, devraient améliorer la situation économique et sociale de toutes les populations marocaines.

Il faudra dire que l’Etat avait d’autres chats à fouetter que d’écouter des jeunes qui voulaient déclencher la guérilla urbaine contre les forces franquistes, face aux défis extérieurs (L’Egypte de Nasser, l’Algérie de Boumediene et la Libye de Kadhafi…) et intérieurs (les menaces internes de soulèvement contre le pouvoir).

Ainsi la haine du régime marocain s’est vite installée, favorisée par une conjoncture politique mondiale, marquée par l’émergence des mouvements d’extrême gauche (Trotskysme et Maoïsme entre autres…) qui développaient des thèses similaires à celles des nouveaux marxistes léninistes (Ila Al Amam, 23 mars, etc.).

C’est cet enthousiasme de la jeunesse et le manque de patience révolutionnaire qui les mettra dans les bras de leaders politiques du Maghreb dont notamment Boumediene et Kadhafi…

Et le bouchon est poussé loin. Ils nieront leurs origines, leurs parents et ancêtres… pour adopter une démarche vindicative et en voulaient atrocement au pouvoir afin de régler leurs comptes avec les responsables marocains de s abus commis contre eux.

Demain : D’Alger à Tripoli, le «polisario» piégé

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