En prévision de son Congrès national: Le PPS se penche sur la réforme du système d’éducation

En prévision de son congrès national prévu en mai prochain, le Parti du progrès et du socialisme a organisé, mardi soir au siège national du parti à Rabat, un Forum de discussion sur la réforme du système d’éducation, de formation et de recherche scientifique, sujet qui alimente désormais le débat, après l’adoption, au début du mois de janvier en Conseil de gouvernement, du projet de loi-cadre No 51.17 relatif au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique.

C’est surtout la principale nouveauté de ce projet de loi-cadre, notamment la diversification des sources de financement du système d’enseignement, prévue dans son article 45, visant notamment l’introduction progressive de frais d’inscription «pour les familles aisées» (et non de scolarité) dans les établissements de l’enseignement supérieur, puis dans les lycées, qui suscite de nombreuses interrogations chez de larges couches populaires. «N’est-on pas en train de remettre en cause la gratuité de l’enseignement ?», avance-t-on.

Benabdallah : parvenir à un nouveau système d’enseignement performant pour sortir de la crise

Intervenant au cours de cette rencontre dont la modération été assurée par Rachida Tahiri, membre du BP du PPS, le secrétaire général du parti, Mohamed Nabil Benabdallah, a souligné que ce Forum est organisé dans le cadre des préparatifs des documents et thèses du prochain Congrès national du parti. Il intervient aussi en application de l’approche participative devant être poursuivie en prévision de la réforme du système d’éducation, de formation et de recherche scientifique, condition sine qua non pour redresser la situation d’un secteur vital en crise depuis des années.

Il est nécessaire de prendre toutes les mesures nécessaires pour procéder à une réforme réussie afin de mettre fin au cycle de la réforme des réformes à répétition qui se traduit par des gaspillages et des pertes énormes, a-t-il dit.

Sans une telle réforme dont le but est de mettre en place un système d’enseignement performant, il est difficile d’engager un développement durable du pays suivant un nouveau modèle capable de booster l’essor économique et sociale, a-t-il estimé.

Il a rappelé qu’il ne s’agit pour le moment que d’un projet de loi-cadre qui développe les grands principes de cette action, projet dont la mise en œuvre devra nécessiter des lois et des décrets pour son application. C’est une plateforme devant encadrer tout le processus qui va suivre, a-t-il dit.

Au PPS dont le référentiel se fonde sur la pensée progressiste, les idéaux de la démocratie, de la liberté, de l’égalité, de la justice, de la modernité et des droits humains, a-t-il dit, l’éducation des générations est le fondement de base de toute œuvre de démocratie.

C’est ainsi que le parti réclame entre autres une école publique de qualité, capable de jouer efficacement son rôle dans l’éducation des générations, a-t-il dit, ajoutant que le parti est attaché notamment au principe de la gratuité de l’enseignement.

Amine Sbihi : le mémorandum du PPS au CSEFRS

Exposant les grandes lignes du mémorandum que le PPS avait transmis en octobre 2015 au Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), auquel il a été demandé d’élaborer sa «Vision stratégique de la réforme 2015-2030 : pour une école de l’équité, de la qualité et de la promotion», Mohamed Amine Sbihi, membre du Bureau politique du parti a indiqué que la contribution du parti avec 10 mesures vise à mettre fin à la rupture entre le pôle de la direction pédagogique nationale et le pôle de l’établissement scolaire.

Plusieurs mesures contenues dans le mémorandum du PPS sont d’ailleurs reprises dans l’actuel projet de loi-cadre relatif au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique, a-t-il noté.

A ce niveau, le mémorandum propose de donner à la communauté éducative les moyens humains et matériels pour jouer pleinement son rôle, a-t-il dit, ajoutant qu’il est recommandé aussi de poursuivre une approche globale pour réduire le taux de déperdition scolaire, à travers notamment le soutien des familles nécessiteuses et la mise en place d’activités éducatives et sportives plus attractives pour les apprenants. Il a fait savoir aussi que le mémorandum propose que les relations des Académies régionales avec le ministère soient contractuelles dans le but d’être en mesure de leur demander des comptes, a-t-il ajouté.

Plusieurs autres mesures sont proposées telles que la révision des systèmes d’évaluation et des programmes scolaires,  a-t-il encore dit, ajoutant qu’en matière de financement, il est proposé surtout de rationnaliser davantage les ressources disponibles tout en procédant à la diversification des sources de financement, à la recherche de nouveaux partenaires, à un financement complémentaire de la part du Fonds d’équipement communal, à la création d’un fonds de soutien du secteur, au redéploiement d’une partie du personnel des autres administrations pour compenser le déficit en personnel enseignant et à l’amélioration des prestations des établissements scolaires pour mettre fin à l’abandon scolaire.

Dr Ahmed Rghioui: on ne peut parler d’un système d’éducation en présence de plusieurs systèmes

Abordant dans son intervention  le projet de loi-cadre 51 .17 relatif au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique, Dr Ahmed Rghioui, ancien cadre du ministère de l’enseignement, a émis une série de critiques, allant jusqu’à affirmer que le projet en question ne constitue pas une loi-cadre.

Tel qu’il est présenté, le projet en question comporte une vision stratégique de la réforme d’un seul système, alors que l’on est en présence de plusieurs systèmes d’enseignements au Maroc : Enseignement moderne, enseignement originel, Formation professionnelle, enseignement archaïque (Al qaraouiyne), enseignement professionnel, Enseignement non formel, Alphabétisation.

Il n’y a pas un seul système qui intègre toutes les autres composantes, lequel système devra faciliter toute action de réforme en cas de besoin, selon lui.  Le but étant de parvenir à une compatibilité totale entre tous les systèmes sur lesquels repose la marche de la société, à savoir : le système philosophique, le système politique, le système culturel, le système législatif, le système éducatif, le système économique et le système social.

Le projet de loi-cadre n’a rien prévu dans ce cadre puisqu’il maintient tous les systèmes évoqués et qui opèrent de manière disparate. Il ne définit pas non plus les valeurs et ne donne aucune précision sur les fondements de la réforme à entreprendre, selon Dr Rghioui, qui ajoute qu’en agissant de la sorte, le projet en question ne cherche qu’à préserver le statu quo.

Quant à l’avis consultatif du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, il ne revêt pas un caractère obligatoire pour le gouvernement, a-t-il rappelé, estimant que  le projet de loi-cadre est venu répondre surtout aux questions épineuses du financement et de l’architecture linguistique du système au Maroc.

Dr Abderrahim Aissaoui : l’échec de toutes les réformes

Pour sa part, Dr Abderrahim Aissaoui, également ancien cadre du ministère de l’enseignement, est revenu en détail sur l’échec des réformes entreprises dans le secteur, qui ont coûté très cher au pays. Ces gaspillages sont aggravés par les taux très élevés des échecs scolaires et universitaires et surtout des abandons à tous les niveaux, a-t-il dit, citant à titre d’exemple un projet auquel il avait participé dans la région d’Ouarzazate durant la période 1994-2000.

Selon lui, toutes les réformes entreprises ont échoué en raison notamment de l’insuffisance ou de l’absence des financements engagés.

C’est pourquoi, il est nécessaire de procéder à la diversification des sources de financement de l’enseignement pour permettre aux universités de s’autofinancer, a-t-il estimé, avançant aussi la possibilité de mettre à la disposition du secteur des terrains Habous pour la construction des écoles, sans oublier les subventions à accorder aux familles nécessiteuses pour la scolarisation de leurs enfants.

Boujemaâ Mahtat : des échecs retentissants

Tout ce qui a été entrepris dans le secteur depuis 1956 a échoué, a affirmé pour sa part Dr Boujemaâ Mahtat, ancien délégué du ministère de l’éducation, rappelant que l’on est déjà à 4 ou 5 réformes très coûteuses, qui ont été abandonnées à mi-chemin. Et si l’on ne prend pas les mesures nécessaires et les précautions qu’il faut, on risque de revivre le même scénario d’une réforme sans résultat, a-t-il laissé entendre.

Et pourtant tout le monde s’accorde à dire que le secteur est en crise et qu’il ne produit plus que des profils inules pour le pays, a-t-il encore dit.

A présent, on parle de déconcentration des services alors que la décentralisation n’avance guère. Les collectivités territoriales ne fonctionnent pas à plein régime. Selon lui, la réussite de toute réforme est tributaire de la volonté politique de la mener jusqu’au bout avec les moyens économiques et financiers requis. C’est pourquoi, il est nécessaire, a-t-il estimé, dans le cadre de la politique éducative à poursuivre, à donner aux entités décentralisées les moyens de travailler.

Il faudra aussi agir pour renforcer la capacité d’accueil des établissements scolaires et universitaires pour permettre à tous les enfants du pays d’accéder à l’enseignement, a-t-il rappelé, insistant en parallèle sur l’impératif d’investir davantage dans la formation des ressources humaines nécessaires.

Il a enfin appelé à une mobilisation sociale pour réussir cette fois-ci la réforme proposée.

La rencontre a été marquée par un riche débat auquel ont pris part les participants représentant des organisations de la société civile, des parlementaires, des militants du parti et des universitaires. Diverses recommandations avancées visent à réhabiliter le rôle de l’école publique et des enseignants, à ne pas faire de ces derniers des boucs émissaires de la crise du secteur et à rendre tout le monde responsable, y compris les parents d’élèves.

M’barek Tafsi

 

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