Quand la parole se libère et libère de la pression de la performance des Olympiades

Les sportifs de haut niveau ont longtemps gardé leurs tourments pour eux, avant de les révéler une fois leur carrière terminée mais, à l’image de la joueuse de tennis Naomi Osaka et, depuis mardi en pleins JO de Tokyo, de la superstar de la gymnastique Simone Biles, ils n’hésitent plus à dévoiler leurs maux intérieurs.

Avec son impressionnante collection de records et de titres, Michael Phelps est considéré comme une légende de la natation et plus largement du sport, un extra-terrestre même.

Jusqu’à ce que l’Américain aux 28 médailles olympiques, dont 23 en or, devienne bien plus humain, en révélant en 2018, deux ans après sa retraite des bassins, qu’il avait souffert durant sa carrière de dépression, noyé ses anxiétés dans l’alcool ou encore songé au suicide.

Phelps, plus que tout autre star du sport, mesure donc la douleur de Simone Biles, grande favorite des épreuves de gymnastique à Tokyo, qui s’est mise en retrait du concours général par équipes après une performance en-deçà de ses standards au saut, avant de déclarer forfait pour le prestigieux concours général de jeudi.

« Je n’ai plus autant confiance en moi qu’avant (…) J’ai l’impression que je ne prends plus autant de plaisir qu’avant (…) Je dois faire ce qui est bon pour moi et me concentrer sur ma santé mentale », avait expliqué la quintuple championne olympique mardi, entre sanglots et sourires.

Ces images de Biles ont « brisé le coeur » de Phelps, a-t-il expliqué sur la chaîne de télévision NBC.

« Les JO sont quelque chose qui peuvent vous submerger, il y a beaucoup d’émotions en jeu, je pourrais vous en parler pendant des heures », a poursuivi l’ancien nageur, reconverti en consultant TV.

Et même s’il tente depuis des années de sensibiliser les instances et les sportifs eux-mêmes sur l’importance de la prise en charge psychologique, Phelps est conscient qu’il y a encore beaucoup à faire: par les sportifs en premier lieu, comme si révéler leurs faiblesses et fragilités pouvaient nuire à leur réputation et leurs performances futures.

« Il faut pouvoir demander de l’aide quand on vit des périodes difficiles (…) C’est quelque chose que j’ai eu du mal à faire durant ma carrière », a-t-il confié.

« J’espère que ce qu’il s’est passé (avec Simone Biles) va permettre aux gens d’ouvrir les yeux (…) Personne n’est parfait, c’est OK parfois de ne pas se sentir OK », a martelé le sportif le plus titré et médaillé de l’histoire olympique.

Avant Biles, une autre sportive de renom, Naomi Osaka, a craqué cette année durant un grand rendez-vous.

En mai dernier, la Japonaise a surpris le monde entier à l’occasion de Roland-Garros, en refusant d’abord de participer à la moindre conférence de presse, avant de décider de quitter prématurément le tournoi.

Elle avait ensuite expliqué qu’elle avait « traversé de longues périodes de dépression depuis l’US Open 2018 », le premier de ses quatre titres du Grand Chelem.

Selon Julie-Ann Tullberg, spécialiste de la psychologie dans le sport à l’université Monash en Australie, interrogée par l’AFP, « la question de la santé mentale a longtemps été sous-estimée comme cause de la contre-performance dans un environnement sportif aussi intense que les JO ».

« Désormais, les sportifs veulent parler de cette pression ouvertement et librement », poursuit-elle.

Dans le contexte particulier d’un monde vivant sous la menace du Covid-19, les sportifs sont aussi plus fragilisés: ils ont été privés pour la plupart de compétition, ont dû s’entraîner seuls de leur côté, leurs proches sont restés à la maison sur décision des autorités nippones pour éviter la propagation du coronavirus au Japon et ils doivent vivre dans un Village olympique en mode Covid, avec masques obligatoires et interactions limitées.

« La bulle du Village olympique a, à mon sens, un gros impact sur les sportifs: ils sont habitués à faire ce qu’ils veulent et à sortir, ils ne peuvent pas à Tokyo », note Julie-Ann Tullberg.

Loin de sa famille, Biles semble avoir perdu tous les repères qui en font l’une des meilleures gymnastes de l’histoire. Et si ces Jeux, qui devaient la faire rentrer dans l’histoire, étaient déjà finis pour elle, après de simples qualifications et un seul saut?

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