La question Rohingya devant l’Assemblée Générale de l’O.N.U

Aung San Suu Kyi, dirigeante birmane détentrice du Prix Nobel de la Paix devait répondre, aujourd’hui mardi, devant l’Assemblée Générale des Nations-Unies, des persécutions et des exactions menées par l’armée birmane contre la minorité musulmane dite des Rohingyas.

Considérés comme étant des étrangers dans une Birmanie à dominante bouddhiste (90%), les Rohingyas ont un statut particulier – celui d’apatrides – et ce, alors même que certains d’entre eux vivent dans le pays depuis plusieurs générations. N’ayant accès ni au marché du travail, ni aux écoles ni même aux hôpitaux, cette minorité musulmane vit dans des conditions qui ne peuvent, dans le meilleur des cas, que la pousser qu’à l’exil. En conséquence, ce sont plus de 400.000 qui, en trois semaines, ont fui vers le Bangladesh voisin transformant le sud du pays en l’un des plus grands camps de réfugiés au monde et poussant sa Première ministre à faire le voyage jusqu’à New York pour « appeler la communauté internationale et l’ONU à faire pression sur la Birmanie pour que soient rapatriés tous les réfugiés rohingyas chez eux».

Pour rappel, le Haut Commissariat de l’Organisation des Nations Unies pour les droits de l’Homme ayant qualifié de «nettoyage ethnique», donc de «crime contre l’humanité», les exactions commises par l’armée birmane contre la minorité musulmane des Rohingyas cantonnée dans l’Etat d’Arakan à l’Ouest du pays, l’O.N.U  avait décidé d’envoyer dans la région une mission d’enquête mais que le Gouvernement de Birmanie, sans aller jusqu’à déclarer qu’il bloquerait la mission onusienne au motif qu’une telle démarche ne ferait qu’attiser le conflit, avait, toutefois, indiqué qu’il s’en «dissociait globalement», qu’il mènerait sa propre enquête et fait dire par son ambassadeur auprès du HCDH que la situation «s’est stabilisée» dans l’état d’Arakan.

Il convient de signaler qu’au Myanmar, nom officiel de la Birmanie depuis les élections législatives de Novembre 2015 ayant permis l’accession au pouvoir de l’ancienne dissidente , «il y a deux pouvoirs» qui sont, d’un coté, le gouvernement de la Première ministre Aung San Suu Kyi et de l’autre la Tatmadaw qui n’est autre que l’armée birmane placée sous le commandement du Général Min Aung Hlaing, digne héritier de la junte militaire.

Et si ces deux pouvoirs, qui fonctionnent de manière indépendante, «ne se demandent pas leur avis respectifs sur la conduite des affaires» si l’on en croit un expert étranger basé à Rangoon, l’image de l’ancienne dissidente aurait considérable pâli aux yeux de la communauté internationale d’abord eu égard à son silence quant à la terrible répression qui s’abat sans relâche sur la communauté musulmane dite des Rohingyas puis à cause de l’absence de tout projet économique qui viserait à développer l’un des pays les plus pauvres d’Asie.

Mais la dirigeante birmane qui avait convenu de se présenter devant l’Assemblée Générale des Nations-Unis pour répondre de la question rohingya après que le Secrétaire Général de l’O.N.U. lui ait enjoint de mettre un terme sans délai à la tragédie vécue par ladite minorité, s’est rétractée à la dernière minute et a annulé sa venue à New York et promis d’aborder la question «rohingya» lors d’un discours à la Nation qu’elle prononcera ce mardi à 10 h (heure locale) à partir de Naypyidaw, la capitale administrative du pays.

Apportant d’ordinaire un soutien sans faille à l’armée birmane dans l’opération d’épuration du pays de sa minorité musulmane menée sous couvert d’une prétendue intervention antiterroriste, Aung San SuuKyi prendra-t-elle le risque de se mettre à dos la toute-puissante Tatmadaw? Rien n’est moins sûr à l’heure qu’il est mais osons espérer qu’elle y parviendra et attendons, pour cela, d’entendre son fameux discours à la Nation!

Nabil El Bousaadi

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