Réplique : Parler de la télévision

Un commerce florissant pendant  ce mois sacré…

 «La publicité est partout, la critique nulle part»

Jean-Louis Comolli

Les jours se suivent et le discours généré par la programmation télévisuelle se répète en s’enfermant dans des clichés qui reprennent comme par un effet de contamination ce qui est censé être reproché justement à la télévision. Comme s’il fallait tout simplement obéir à une mode. Le paysage donne ainsi l’impression d’être marqué par un paradoxe : une production cathodique diversifiée, florissante et très consommée et un discours d’escorte en déphasage avec la réalité qu’il décrit.

Une situation qui trahit les limites de la pratique discursive autour de la télévision. Au-delà du contexte particulier du ramadan, ces limites émanent de facteurs plus intrinsèques, inhérents au média lui-même : on ne critique pas la télévision parce qu’elle n’existe pas. Elle est trans-média ! N’ayant pas sa propre syntaxe, la critique de la télévision puise dans le champ lexical de genres plus «nobles». C’est le contraire par exemple de la critique cinématographique qui fonde sa légitimité, en partie, sur l’existence d’un méta discours fonctionnant d’une manière cohérente grâce à un appareil conceptuel, grâce à une terminologie, à un vocabulaire spécifique. Dans son livre  Introduction à l’analyse de la télévision (chez Infocom-ellipses;  Paris) François Jost Professeur à la Sorbonne nouvelle chargé du Centre d’études des images et des sons médiatiques note à ce propos « si l’analyse filmique a ses outils, la nouveauté de l’exercice pour la télévision explique que la terminologie manque bien souvent. Lorsqu’on regarde la télévision pour se distraire, les émissions sont perçues globalement, dans leur flux continuel, sans que nous fassions les efforts de perception et de mémoire suffisants pour prendre conscience de la façon dont se constitue le sens ou dont se structure le temps ».

Toute analyse suppose en effet la nécessité d’un vocabulaire qui caractérise les phénomènes observés et qui facilite ensuite la communication des résultats acquis. Le prestige de la critique cinématographique n’a pas d’autre secret si ce n’est celui de ce métalangage enrichi par un apport théorique se nourrissant  des derniers acquis de la recherche dans les différents domaines des sciences humaines (sémiologie, anthropologie…). Est-ce à dire que la critique de la télévision relève de la mission impossible ? Les dernières années ont vu des progrès notables vers la constitution d’une véritable théorie de la télévision posant ainsi les fondements d’une pratique critique raisonnée.

Des genres télévisuels ont joué comme précurseurs sur cette voie. Le Journal télévisé par exemple a constitué un corpus de choix, érigé en objet d’analyse. Certaines émissions qui ont marqué les années 80 et une grande partie des années 90 ont également généré un intéressant travail d’analyse ; nous pensons en particulier à tous les programmes inscrits dans le genre Télé réalité qui a trouvé son aboutissement et son prolongement dans les Loft stories et autres Nice people.

Globalement on peut relever que l’analyse de la télévision prend son point de départ autour de trois idées. D’abord la question des genres répartis en fonction de trois modes d’énonciation. : L’authentifiant (le jt , le documentaire, la télé réalité…), le ludique ( jeux, variétés…), le fictif ( séries, films…) ; mais poser la question des genres ne suffit pas. Il n’est pas aisé de « catégoriser » une émission, un programme, de l’ancrer à un genre sans un travail de recherche historique et théorique en rapport avec les autres pratiques culturelles, «Impossible de comprendre la fiction télévisuelle sans connaître le fonctionnement de la fiction en général». Il y a enfin une question centrale : le discours sur la télévision comme pratique sociale est traversé, sinon  «régulé» par des croyances et des savoirs. Une véritable critique de télévision est celle qui neutralise les premières (les croyances) pour se construire sur les seconds (les savoirs).

Mohammed Bakrim

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