Routes de la soie: un couloir économique entre la Chine et la Birmanie…

Si la visite effectuée le week-end dernier, en Birmanie, par le président chinois Xi Jinping – la première d’un chef d’Etat chinois dans ce pays depuis près de vingt ans – ouvre, pour le dirigeant chinois, «un nouveau chapitre» dans les relations entre les deux pays, elle constitue pour, Aung San Suu Kyi, la cheffe du gouvernement birman, «un moment historique».

Cette visite revêt, en effet, une importance capitale pour le dirigeant chinois dans sa stratégie d’ouverture de «nouvelles routes de la soie » puisqu’elle va lui permettre de construire un couloir économique Chine-Birmanie reliant l’Empire du milieu à l’Océan indien par lequel vont transiter ses importations d’hydrocarbure. Celles-ci vont donc pouvoir éviter le détroit de Malacca se trouvant entre la Malaisie et l’île indonésienne de Sumatra ; deux pays avec lesquels la Chine n’est pas en bons termes dès lors qu’elle entend agrandir ses eaux territoriales en mer de Chine méridionale.

Mais il n’y a pas que çà, car non seulement le président chinois est rentré chez lui après avoir signé, en deux journées, 33 accords avec la Birmanie ayant trait notamment à des projets d’infrastructure et à des investissements d’une extrême importance tels la construction d’une ligne de chemin de fer reliant le nord au centre de la Birmanie et d’un port à Kyaukphyu à l’ouest du pays dans l’Etat de Rakhine – épicentre du drame des Rohingyas et théâtre de violents affrontements entre l’armée et les rebelles séparatistes – mais aussi parce que cette visite a réellement consolidé un rapprochement entre les deux pays en ce moment où Pékin reste l’un des rares soutiens du gouvernement birman accusé par l’ONU de génocide à l’encontre de la minorité musulmane des Rohingyas et alors qu’en ce dossier la Cour Internationale de Justice devait rendre, ce jeudi, sa décision quant à d’éventuelles mesures provisoires contre la Birmanie.

Aussi, en reconnaissant une amélioration des relations entre les deux pays, Monywa Aung Shin, porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti au pouvoir en Birmanie, rappelle que «Pékin met son véto à tout ce que le Conseil de Sécurité de l’ONU veut faire contre la Birmanie» qui lui en est reconnaissante.

Mais si, sur le plan des infrastructures, Pékin entend, aussi, finaliser un projet de liaison ferroviaire à grande vitesse entre le port birman et sa province enclavée du Yunnan, ce «couloir économique» risque, par ailleurs, de soulever de nombreuses interrogations sur le plan de la sécurité car, avant d’atteindre la frontière chinoise, ce chemin de fer devra traverser les zones montagneuses du nord de la Birmanie où se terrent de nombreux groupes rebelles.

Force est de reconnaître, par ailleurs, qu’outre les problèmes sécuritaires se pose, également, la question de l’endettement du pays ; ce qui laisse très sceptique Khon Ja, une responsable de l’ONG Kachin Peace Network car «la Birmanie n’a ni l’expérience, ni les compétences techniques ni les moyens financiers pour négocier ce genre de projets».

Enfin, à l’aube d’une année électorale importante et alors que les relations entre les deux voisins connaissent déjà des frictions du fait de l’impact des barrages et des pipelines et qu’un sentiment anti-chinois est déjà présent au sein de la population birmane, il appartient à la Birmanie de se méfier des suites d’une trop grande dépendance à l’égard de l’Empire du milieu. Parviendra-t-elle à tirer son épingle du jeu sans trop de dommages après avoir signé autant de contrats en si peu de temps avec le voisin chinois ? Rien n’est moins sûr mais attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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