Safouan Bouayad persiste et signe : « le tourisme est le secteur le plus impacté »

Entretien avec le délégué régional du tourisme à Tanger

Karim Ben Amar

Le tourisme est le secteur le plus impacté par la pandémie. Toute la chaîne de valeurs est durement touchée par cette crise sanitaire et la fermeture des frontières qu’elle a engendrées. Pour en savoir plus sur la portée de cette crise devenue économique pour le secteur, l’équipe d’Al Bayane est allée à la rencontre du délégué régional du Tourisme à Tanger, Safouan Bouayad. Cette ville portuaire est, à l’instar des villes touristiques du royaume et du monde, touchée de plein fouet par cette crise désormais endémique. Quel est l’état des lieux du secteur ? Quelles solutions pour relancer le tourisme ? Qu’en est-il de la destination Tanger post-Covid ? Safouan Bouayad nous dresse un tableau réaliste. Tour d’horizon.

Depuis la nuit des temps, Tanger s’organise et grandit autour de ses côtes : son littoral. Comme toute ville portuaire, le maritime est un domaine primordial pour le développement et l’épanouissement de la cité, et ce n’est pas en 2022 que cela va changer. Dès la fermeture des frontières, en mars 2020, Tanger a commencé à dépérir. Toute la chaine de valeurs du secteur du tourisme de la perle du Détroit a été sévèrement impactée par la fermeture des frontières aériennes mais surtout maritimes.

C’est au siège de la délégation du Tourisme située sur le boulevard Pasteur communément appelé «boulevard », que nous avons rendez-vous. Bâtiment de l’époque où Tanger était internationale, il se démarque par son architecture coloniale.

Il est près de 11H lorsque nous sommes reçus par Safouan Bouayad. D’entrée, le délégué nous expose l’état du secteur du tourisme à Tanger. « Le tourisme est sans nul doute le secteur le plus durement impacté par la pandémie à cause de la fermeture des frontières. Toute la chaîne de valeurs pâtit de cette crise sans précédent ».

En effet, le secteur a connu une baisse vertigineuse qui atteint 89%. En d’autres termes, cela veut dire que le tourisme est quasiment en faillite. «2 ans de pandémie, ce n’est pas facile pour les professionnels du secteur ». Et d’ajouter, « L’année 2019 était une année de pic, au même titre que 2020, puisque entre janvier et février, notre pays a réalisé le chiffre atteint en 2019 ».

Cet engouement pour la destination «Maroc», a encouragé les professionnels du secteur à investir, et donc s’endetter pour recevoir les touristes dans les meilleures conditions. « De nombreux crédits ont été contractés par les professionnels du tourisme. Mais depuis que la pandémie est devenue mondiale, les crédits sont payés dans la souffrance ».

Vente à prix bas

Quant à la nature portuaire de la ville de Tanger, Safouan Bouayad explique que « le secteur du tourisme à Tanger dépend principalement du port. Les ferrys et bateaux de croisières qui débarquent dans notre ville sont un véritable levier pour la ville. Chaque bateau de croisière transporte en moyenne près de 2000 croisiéristes. Ces voyageurs durant l’escale, font vivre toute la chaîne de valeurs. Du guide, en passant par les transports touristiques, les bazars ainsi que les restaurants et cafés de la Médina. Tout le monde était ravi d’accueillir les visiteurs ».

Pour information entre 2020 et 2021, ce sont 115 escales qui ont été programmées pour débarquer à Tanger. En 2022, et jusqu’à présent, ce sont quelques 93 escales qui sont au programme, mais il n’y a encore aucune visibilité. Ne pouvant accoster à Tanger pour cause de fermeture des frontières, le bateau de croisière débarque dans les villes espagnoles de Cadiz ou Valence.

Souvent lorsqu’on pense au tourisme au Maroc, l’ancienne Médina est un passage obligé pour tout amoureux du pays. A ce sujet, Safouan Bouayad nous déclare que «850 millions de dirhams ont été investis dans la valorisation du patrimoine, la restauration, la signalétique, les circuits touristiques, etc».

D’ailleurs, une aide au secteur du tourisme à hauteur de 2 milliards de dirhams a été prévue par l’État. A ce sujet, le délégué du tourisme nous affirme que 1 milliard de dirhams est prévu pour les indemnités de 2000 dirhams dont bénéficient les travailleurs du secteur depuis le début de la crise et qui va s’étendre jusqu’en mars 2022. Tandis que le milliard restant sera dédié à la rénovation, et l’entretien des hôtels. Il concède cependant que les modalités d’application se font attendre.

En réponse à une question sur les solutions viables pour soutenir le secteur, Safouan Bouayad préconise le gel des taxes jusqu’à une réelle amélioration de la situation. C’est-à-dire pas avant 2024. «Après cette crise, il faudra redonner confiance en la destination Maroc ». Et de poursuivre, « la vente à prix bas n’est pas une mauvaise idée puisque le secteur est en quasi-faillite. Nous avons bien vu que le tourisme national ne peut couvrir le tourisme international. Il faut faire des actions pour encourager le tourisme. Comme par exemple la mise ne place de bons de vacances ».

« Le tourisme national ne représente pas 30% du marché total. Cependant, il permet de colmater les brèches. Il faut être conscient que le secteur du tourisme représente 12% du PIB, soit plus que le phosphate. C’est pour cette raison que ce domaine, autrefois porteur, est particulièrement atteint par cette crise. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toute la chaîne de valeurs est en perdition ».

Il n’y a pas d’autres solutions pour surmonter et dépasser cette crise que l’ouverture des frontières. Une chose est sûre, il n’y aura pas de relance sans l’ouverture des frontières, aériennes mais surtout portuaires», a-t-il conclu.

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