Transport à Casablanca: l’inter-modalité, l’autre urgence

En  cette période estivale, connue par une forte hausse du trafic routier, la capitale économique devient de plus en plus invivable.  Il faut dire que les automobilistes souffrent le martyre pour arriver à leurs lieux de travail ou pour rentrer chez eux en fin de journée.

C’est la galère totale ou presque. Au niveau de tous les ronds-points et des principales artères de la métropole, des embouteillages monstres, parfois injustifiés, bloquent la circulation.  «La densité de la circulation est devenue un fardeau quotidien qui nous oblige parfois à patienter pendant plus d’une dizaine de minutes devant un feu de signalisation», s’écrie un automobiliste sur le boulevard menant à la gare routière d’Ouled Ziane.

Selon Rachid Haouch, architecte, paysagiste et expert en haute qualité environnementale et environnement, ce constat s’explique d’abord par une croissance fulgurante du parc automobile s’élevant à 1 300 000 véhicules en 2014, selon les chiffres officiels. En plus, outre l’explosion urbaine, la facilité des crédits de voitures et la situation d’un transport en commun en état de décadence continue à pousser les citoyens à recourir à d’autres moyens de transport voire à se surendetter pour acquérir leurs propres véhicules, ce qui a aggravé la situation, tandis que les capacités de communication sont restées inchangées, souligne-t-il. Malheureusement, ajoute Haouch, «la politique publique de mobilité n’a pas anticipé ou du moins suivi cette évolution».

Ainsi, notre interlocuteur pointe du doigt les programmes initiés par les décideurs qui ignorent ou font l’impasse sur la notion de multi- modalité. Cela étant dit, la ligne du tramway a contribué à l’aggravation des problèmes de circulation sur les axes les plus critiques de la ville. En fait, cette ligne se situe dans le sens contraire de la trame urbaine et historique de Casablanca, explique-t-il. En termes plus clairs, la ligne du tramway a encombré la marche normale de la circulation, comme c’est le cas au niveau du Boulevard Zerktouni.

Autre point non moins important évoqué par Rachid Haouch : l’absence d’étude d’impact a posteriori. «Les artisans de ce projet, regrette Haouch, ont été contraints de supprimer certaines voieries,  ce qui a généré des effets pervers et a compliqué davantage la situation». Pour lui, «la construction des trémies pour corriger les défaillances  n’a fait que déplacer le problème». Haouch met l’accent sur la notion cruciale de l’inter- modalité, en tant que dimension centrale pour tout programme ayant pour objectif de faciliter la fluidité de la circulation.  «L’inter- modalité exige d’ailleurs la mise en place d’infrastructures nécessaires, notamment les espaces de parking et la mobilisation de plusieurs moyens de transport au cours d’un même déplacement», précise-t-il.

Mixité urbaine

S’agissant de Casablanca,  Rachid Haouch  évoque  le modèle de Barcelone qui devrait en principe servir de référence aux décideurs de la ville. «Cela signifie qu’une seule solution s’impose, celle d’envisager construire un seul tunnel liant les boulevards Zerktouni, la Résistance, Emile Zola, jusqu’à l’autoroute  et non pas de construire des trémies», déclare-t-il avec insistance. Autant dire qu’un plan des Déplacements urbains en bonne et due forme doit être assorti des espaces destinés particulièrement aux taxis et bus,  sans omettre encore les pistes réservées aux usagers de la bicyclette.  Comme quoi, le développement de réseaux de circulation douce est une condition sine qua non de tout projet urbain qui se veut ambitieux ou du moins correct.  A cela s’ajoute également l’état des trottoirs qui laisse amplement à désirer, sachant que 50% des déplacements à Casablanca se font à pied, d’où la nécessité de procéder à une bonne gestion de cet espace. Et ce n’est pas tout,  l’architecte de  Casablanca appelle les décideurs locaux à revoir la politique de transport en commun, qui devrait normalement  répondre aux attentes des citoyens, notamment au niveau de leur confort et sécurité.

En sus de cela,  la résolution du problème de transport doit être aussi étroitement liée à la mise en place du Plan des déplacements urbains, à commencer avant tout par «l’étude du régime des déplacements des gens au quotidien, soit leur provenance ou leur destination, car au final, les citoyens sont les principaux clients de toute politique publique, quelle qu’elle soit», note t-il.

Grosso modo, un plan d’aménagement doit prendre en considération la répartition spatiale des activités économiques et les différents types de logements, insiste  Rachid Haouch, mettant l’accent dans ce sens sur le fait que le «zonage» n’a plus sa place dans l’urbanisme de demain et que la mixité urbaine est la seule et unique voie pour propulser la métropole au rang qu’elle mérite.

Khalid Darfaf

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