Tunisie: Les chantiers titanesques qu’attendent le Président Kaïs Saïed

Trois semaines après l’entrée en vigueur des mesures exceptionnelles en Tunisie, avec le gel des activités du parlement, le limogeage du chef de gouvernement Hichem Mechichi et d’un certain nombre de ministres et de gouverneurs, un sentiment d’optimisme prudent continue à régner dans le pays.

Pour de nombreux experts et analystes de la scène politique tunisienne, rien ne sera plus comme avant, l’islam politique a cessé d’être une alternative crédible en Tunisie, en suscitant le 25 juillet dernier la colère et l’exaspération des Tunisiens qui ont dénoncé le «hold-up» des acquis de la révolution par Ennahdha et sa responsabilité dans l’immobilisme général dans le pays.

Le grand mérite de l’opération diligentée le 25 juillet, à travers l’activation de l’article 80 de la Constitution, est d’avoir peut-être débarrassé le pays de l’emprise pesante et paralysante d’un parti, dont la gestion des affaires du pays depuis 2011 a été qualifiée de «calamiteuse sur tous les plans».

Aujourd’hui, au moment où le président tunisien Kaïs Saïed continue à plaider qu’il est en train d’agir conformément aux dispositions de la Constitution et que les institutions du pays continuent à fonctionner normalement, le facteur temps commence à se faire sentir.

D’après les analystes, avec la nouvelle donne, il importe surtout de ne pas décevoir les attentes des Tunisiens exaspérés par 11 ans de «dérive politicienne» et de définir une feuille de route qui permet de les rassurer tout en redonnant aux institutions un nouveau souffle qui rompt avec la cacophonie qui a longtemps régné.

En attendant qu’un nouveau chef de gouvernement soit désigné et de connaître quel sort sera réservé à l’Assemblée des Représentants du Peuple, le président de la république est en train de faire le grand ménage.

En témoignent le limogeage de nombreux ministres, de gouverneurs, de hauts responsables, de PDG d’entreprises, la levée de l’immunité à de nombreux élus objets de poursuites judiciaires, la mise en examen de certains responsables et l’interdiction de voyages à l’étranger d’un nombre indéterminé de hauts cadres.

Il ne se passe pas un jour sans constater l’intervention directe du chef de l’Etat tunisien sur divers problématiques touchant le pouvoir d’achat, l’organisation des circuits de distribution, la dénonciation explicite de faits de corruption et le rappel de la nécessité absolue d’appliquer la loi contre tous ceux qui sont responsables des malheurs des Tunisiens et de leur mal vivre.

Au-delà de l’ambiguïté qui continue à entourer la durée de cette période exceptionnelle, des réactions mitigées de la classe politique et du jeu d’esquive auquel s’adonne le mouvement Ennahdha, plus que jamais divisé, sans pour autant jeter totalement les armes, un grand nombre de chantiers attendent le président tunisien.

Le premier et, non des moindres, consiste à sauver la jeune démocratie, en changeant le système politique afin de préserver la stabilité politique sécuritaire et sociale du pays, alors que le second consiste à mener une lutte efficace contre la corruption qui a gagné toutes les sphères et tous les secteurs.

Il s’agit aussi de l’impératif de restaurer la confiance des Tunisiens et de ne pas les décevoir, ainsi que d’engager les réformes essentielles dans les domaines des finances publiques, de l’investissement, l’éducation, la santé, du développement des régions, l’emploi, la justice, des circuits de distribution et de réhabiliter la valeur de l’effort en faisant valoir que le travail le seul ascenseur social.

Pour réussir son pari, le Président Kaïs Saïed, qui est obligé d’agir vite et dans le bon sens, est contraint de choisir un gouvernement de compétences capable de sortir le pays du tunnel.

Il est appelé aussi, selon les experts, à dire la vérité aux Tunisiens pour qu’ils participent à ce changement qui sera aussi douloureux que long.

En attendant que le contenu de la feuille de route soit annoncé, l’on se demande si dans le contexte actuel hésitant, une opération «mani pulite» est suffisante pour changer de fond en comble la donne.

Tourner définitivement la page d’un passé récent, sauver l’expérience démocratique, restaurer les institutions républicaines et le prestige de l’Etat, faire valoir la primauté du droit et de la loi, remettre le pays au travail constituent une entreprise de longue haleine, mais pas impossible dans ce pays maghrébin de 12 millions d’habitants.

Une entreprise qui supporte mal les hésitations ou les improvisations. D’où la nécessité de mettre un terme au flou et pour le président de la république, qui bénéficie d’un fort soutien populaire actuellement, d’abattre rapidement toutes ses cartes, soulignent ces analystes.

Il va falloir, insistent de nombreux politologues, préciser les contours du futur système politique et de préciser si le pays pouvait se contenter de revoir la loi électorale, cause principale de la dispersion des pouvoirs, ou de voir le chef de l’Etat aller jusqu’au bout de ses intentions en amendant la Constitution de 2014 afin de l’expurger des ambiguïtés et des insuffisances qu’elle comportait et en optant pour un changement radical de la donne politique.

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