Un très fort vent de contestation souffle sur le Nigéria

Nabil El Bousaadi

La contestation qui avait débuté, il y a trois semaines sur les réseaux sociaux, à l’initiative de la jeunesse nigériane à l’effet de dénoncer les violences policières a fini par descendre dans les rues et par condamner le pouvoir central et sa mauvaise gouvernance dans diverses villes du pays qui compte 200 millions d’habitants et qui, outre un chômage massif des jeunes, abrite le plus grand nombre de personnes vivant dans l’extrême-pauvreté dans le monde.

Les jeunes nigérians réclament une meilleure représentation sur la scène politique, des avancées sociales, l’emploi ainsi qu’une hausse des salaires. Autant de raisons pour lesquelles, depuis vendredi, les marches ont continué à rassembler des milliers de personnes dans les principales grandes villes du sud du pays.

Une correspondance de l’AFP a rapporté que les tensions qui ont éclaté ce lundi entre manifestants et forces de l’ordre à Abuja, la capitale fédérale – des heurts que les manifestants imputent à des «casseurs» – auraient poussé la police à faire usage de bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants. Mais il n’y a pas eu que çà dans la capitale fédérale puisque plusieurs maisons et voitures auraient été incendiées et que trois personnes auraient péri selon Mariam Yusuf, le porte-parole de la police de la ville. Craignant que ces violences ne soient le fait de «voyous» parrainés et mandatés, Amnesty International qui déplore que depuis le début de la contestation, au moins 18 personnes, dont deux policiers, sont décédées d’après un décompte de l’AFP, rappelle qu’il appartient aux «autorités nigérianes de protéger les manifestations».

Lundi, à Benin-City, la situation a dégénéré lorsque des groupes de jeunes – payés, dit-on, par des responsables locaux – s’en sont pris violemment à des manifestants et que deux postes de police ont été attaqués.

Profitant du chaos qui règne dans la ville, plusieurs détenus se sont échappés d’une des prisons de Benin-City ; ce qui a poussé le gouverneur à instaurer un couvre-feu de 24 heures à partir de lundi après-midi.

A Lagos, le poumon et la capitale économique du pays qui abrite près de 20 millions d’habitants, les protestataires ont mis la ville à l’arrêt en bloquant ses routes après que, la veille, les autorités aient procédé à la fermeture des écoles. Plus tôt dans la journée et toujours selon l’AFP, des manifestants auraient été confrontés, au moins à deux reprises, à des hommes munis de bâtons et de couteaux qui auraient attaqué leurs cortèges.

Plusieurs barrages ont été érigés sur les principaux axes routiers de la ville par des bandes de jeunes très énervés et, dans le centre de la ville, un poste de police aurait été incendié dans la matinée par des «casseurs» si bien que, d’après un correspondant de l’AFP présent sur place, plusieurs coups de feu auraient été tirés.

Il n’en fallait pas plus, évidemment, pour pousser Babajide Sanwo-Olu, le gouverneur de l’Etat de Lagos à imposer, ce mardi, «un couvre-feu de vingt-quatre heures dans tout l’Etat à partir de 16 heures» au motif que «les manifestations pacifiques ont dégénéré en un monstre qui menace le bien-être de la société».

Si donc ce mouvement de révolte a eu pour origine une dénonciation des violences policières et notamment celles exercées par cette unité de police dite SARS (Special Anti-Robbery Squad)  accusée de racketter la population, de procéder à des arrestations illégales, à des actes de torture et même de meurtre, force est de constater que bien que cette unité de police ait été démantelée, la grogne populaire a fini par viser le chef de l’Etat Muhammadu Buhari et par appeler ce dernier à démissionner. Ainsi, sur les pancartes et les banderoles brandies par la population, on pouvait lire : «Tous ceux âgés de plus de 65 ans devraient quitter le gouvernement, Buhari en fait partie» ou encore «Buhari est un mauvais garçon».

Le vent de la révolte au Nigéria va-t-il continuer à souffler aussi fort ? Va-t-il finir par emporter le chef de l’Etat ? A l’heure qu’il est, rien ne permet d’en douter mais attendons pour voir…

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