Une bouteille à la mer …

La canicule s’emballe ! Le pic de chaleur est tel que des forêts s’enflamment et plusieurs dizaines d’hectares de végétation naturelle sont partis en fumée. Suite à « un énorme blocage anticyclonique entre le Maroc et l’Espagne », la chaleur sévit avec des températures extrêmes enregistrant des records. L’air est brulant, même la nuit. Le bord de mer est pris en assaut, et la littoralisation s’accentue.

Cette littoralisation rampante n’est pas nouvelle ou circonstancielle. Elle est patente partout le long de la zone littorale du royaume et sa maîtrise ne semble pas garantie malgré l’arsenal juridique mis en place pour assurer un aménagement « durable » à cet interface fragile entre la mer et l’arrière-pays continental.

A sa vulnérabilité physique s’ajoute la pression de la présence humaine et des activités développées ; d’autant plus quelles sont exacerbées par la « tentation de confisquer les ressources publiques pour l’enrichissement personnel ».

Espace convoité ; le littoral marocain est soumis à un bétonnage continu. La prolifération des constructions​, favorisée par l’opportunité foncière, se fait sous la forme de « pseudopodes amibiens » qui se dispersent en habitat dispersé. Les lotissements en front de mer s’érigent ; privatisant l’espace littoral et allant jusqu’à modifier, dans certains cas, la morphologie côtière.

S’ajoute à cette dégradation, le déversement des eaux usées dans la mer, soit directement, faute d’infrastructure adéquate, soit dans le cadre de « la maintenance et de l’entretien d’une station de traitement des eaux usées » comme cela fût relevée en mai 2017 aux abords de la mosquée Hassan II à Casablanca. Le coût de cet impact sur la qualité du littoral a été estimé à près de 1171 millions de dirhams, sur la base des prix de 2014, par une étude de la Banque Mondiale publiée en 2017.

L’exploitation anarchique des fonds littoraux pour l’extraction du sable, particulièrement à proximité de certains estuaires, a induit des reculs du trait de côte et à la fermeture de l’embouchure de l’Oum Er Rbia. Cette dernière situation est mal vécue par la population environnante qui ne comprend pas l’inertie des pouvoirs publics devant la catastrophe environnementale révoltante. La canicule et l’eutrophisation provoquent la mort des poissons qui surnagent, ventre en l’air, dans les eaux avariées de l’étendue d’eau stagnante de ce que fût l’estuaire de la « Mère du Printemps » sous les remparts d’Azemmour. Au secours, Votre Majesté. On se meurt par la hogra et la négligence incompréhensibles.

Dans la même zone, l’exploitation des algues rouges du littoral des Doukkala suscite des interpellations sur le sort réservé aux plongeurs qui cueillent le Gelidium sesquipedale des fonds rocheux en profondeur. Le temps du ramassage sur l’estran est révolu. La réglementation de la commercialisation des agarophytes semble privilégier le capital beaucoup plus que la population des pêcheurs traditionnels qui peinent à subsister et à faire vivre leurs familles. Le développement d’une exploitation réfléchie et durable des ressources algales reste encore à l’ordre du jour.

La pêche côtière, encore qualifiée d’artisanale, cherche encore sa « durabilité, sa performance et sa compétitivité » à travers son équipement, les aires de débarquement, la chaine de froid nécessaire, l’entreposage des produits de la mer et leurs commercialisations ainsi que la formation et la protection sociale des pêcheurs et de leurs familles. Ces derniers restent relativement mieux lotis que les ramasseurs de moules qui n’ont pas eu encore « le coup de pouce » de l’INDH à l’instar des escargotiers ambulants.

Les risques encourus par la zone littorale suite au changement climatique tels que l’élévation du niveau de la mer, l’érosion côtière, l’évolution du fonctionnement des écosystèmes, la salinisation des aquifères côtiers ne sont pas à négliger et pourraient exacerber les conflits d’usage de cet espace de transition et de ses ressources. La ressource en eau dans les zones de maraichage adjacentes est menacée et le recours au dessalement de l’eau de mer s’impose à cet effet et pour l’alimentation en eau potable des agglomérations.

La « peur pour l’environnement et l’écologie qui nous entourent, pour notre santé et (notre) alimentation ? pour nos forêts ? pour nos plages ? pour notre écosystème ? pour notre nature ? pour nos ressources ? pour nos espèces végétales et animales ? » qui est partagée avec d’autres habitants de notre beau pays est le message que porte cette « bouteille à la mer » dans l’espoir que l’aggravation de l’empreinte écologique du Maroc soit corrigée.

On ne peut que souscrire avec Hynd Bouhia (Policy Center For The New South, Février 2020, PB-20/08) aux six finalités du développement durable pour la société marocaine : 1. l’attractivité économique et sociale des territoires, 2. l’utilisation optimale des ressources naturelles, 3. la résilience de la société contre les chocs climatiques, énergétiques, technologiques, et économiques, 4. la protection des ressources naturelles et l’atténuation des externalités environnementales, 5. la cohésion sociale (la mixité et le lien social, les valeurs et la prospérité partagée, l’équité et la justice sociale, service public performant, la démocratie) 6. le bien-être du citoyen (l’accès à un environnement sain et durable, l’épanouissement par la culture, l’éducation, la santé, le droit à l’emploi,  ..).

C’est, « en démultipliant cette approche à tous les niveaux local, national, régional, (que) nous préparons un futur meilleur pour nos enfants et pour la prochaine génération. La réussite de cette transition vers un modèle de développement durable suppose la mise en place d’un nouveau pacte économique social et environnemental qui met tous les citoyens, et surtout les femmes et les jeunes, au cœur du processus de la prise de décision. ». Salam.

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