Les funérailles au Cameroun: honorer à tout prix le défunt!

Les Camerounais «savent» saluer la mémoire des défunts et ce, moyennant souvent des sommes colossales. Si au Nord du pays à obédience musulmane, les obsèques ont lieu le jour- même ou le lendemain du décès et se font dans la sobriété, dans la plupart des régions du pays, l’inhumation du défunt peut se tenir des semaines voire un mois et plus après le décès. La cause, réunir préalablement toutes les conditions matérielles, humaines et financières pour accompagner «dignement» le disparu dans sa dernière demeure. S’en suivent généralement des funérailles au cours desquelles des sommes excessives sont dépensées et des rites particuliers sont pratiqués en la mémoire du défunt. Les détails.

Au Cameroun, il est commun de voir un corps passer des semaines à la morgue, le temps pour sa famille d’organiser des obsèques dignes de son rang social. Généralement, l’enterrement a lieu dans le village du défunt, sauf si de son vivant celui-ci en avait décidé autrement. En moyenne, l’inhumation peut se dérouler deux semaines après le décès. Entre ces deux semaines, des veillées de recueillement, de prières, sont organisées au domicile du défunt. Le jour des obsèques, un cortège transporte et accompagne le cercueil depuis la morgue jusqu’aux différents lieux de cérémonie : église, village, domicile familial, tombe…et le défunt «retourne à la terre d’où il a été tiré». Mais ce n’est pas l’au revoir ultime, car le même jour, une semaine, des mois ou une année plus tard, en fonction de la région et des dispositions financières de la famille, sont organisées des funérailles gigantesques pour honorer la mémoire du disparu.

Les funérailles sont une cérémonie visant à rendre un honneur à la mémoire du défunt. Chez le peuple des grassfields ou Bamilékés du Cameroun, elles constituent l’un des rituels sacrés. Ceci dit, les dépenses importent peu tant qu’un hommage est rendu au défunt. Dans cette région du pays, les funérailles sont l’occasion de resserrement des liens sociaux entre les vivants et de redistribution de richesses. C’est aussi une cérémonie d’intercession auprès de dieu pour la mémoire du défunt. Selon la cosmogonie bamiléké, entre le moment de la mort et celui des funérailles, le défunt est entre deux mondes. Pendant ce moment, selon les croyances traditionnelles, il peut apporter protection, bénédiction et prospérité aux siens. La cérémonie des funérailles est donc l’occasion de bénéficier de ces grâces et de permettre au défunt de quitter «l’entre deux mondes» et de rejoindre le paradis. Elle draine invités, membres de la famille, connaissances par milliers.

Au cours de cette cérémonie, plusieurs rites sont pratiqués par ce peuple, entre autres une phase de lamentations. Celle-ci est marquée par des danses spéciales au cours desquelles une photo agrandie du défunt est présentée à l’assistance. Ces pleurs ont pour but d’implorer le pardon des ancêtres pour accepter le nouveau venu. Ces cris de lamentations sont également ponctués de tirs de feu qui visent à éloigner les mauvais esprits et à «tuer la mort». Après une heure de gémissements, les tambours retentissent au milieu de la cour et on n’entend plus des pleurs, mais cette fois des cris de joie et des youyous. Les coups de fusils traditionnels reprennent alors allègrement, chacun danse de joie pour signifier «la victoire de la vie sur la mort» et remercier les ancêtres d’avoir accueilli le nouveau venu. Un repas copieux et du vin sont par ailleurs servis à l’assistance à cette occasion

Dans d’autres ethnies, comme les Beti, les funérailles sont également organisées mais avec une moindre intensité. Elles se déroulent en trois étapes. Les petites funérailles interviennent neuf jours après l’inhumation. A cette occasion, les proches du disparu mangent sur sa tombe, les autres invités se tiennent à l’écart. Pendant les grandes funérailles, la famille prépare une fête au cours de laquelle une messe religieuse est prononcée. S’en suit la commémoration du premier anniversaire du décès.

Si les funérailles sont traditionnellement et selon les croyances ethniques, l’occasion de «rendre hommage» au défunt, on assiste malheureusement à des dérives, au mercantilisme, à l’ostentation. Plusieurs entreprises s’enrichissent sur la base de celles-ci, notamment à l’ouest du pays où la pratique est très courante. Pour d’autres encore, l’organisation des funérailles est l’occasion de démontrer la puissance matérielle de la famille du disparu.

Danielle Engolo

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