Profitant d’un contexte international particulièrement désordonné, le président Turc Recep Tayyip Erdogan voudrait bien en finir avec les milices kurdes syriennes ; ces fameuses «Unités de protection du Peuple» (YPG) proches du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). C’est ce qu’il avait dévoilé lorsqu’il s’était écrié à la tribune de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) : «La Turquie a perdu assez de temps jusqu’ici pour intervenir contre le marécage terroriste à l’est de l’Euphrate. Nous n’avons plus la patience d’attendre un jour de plus».
Le président turc qui a à cœur d’empêcher les kurdes syriens de s’installer durablement dans une zone qui se trouverait non loin de celle occupée par les Kurdes du PKK, en guerre contre Ankara, entend instaurer une zone-tampon allant de la frontière irako-syrienne au bord du Tigre jusqu’à Alep et Idlib où sont déjà stationnées les troupes turques.
Pour rappel, entre Août 2016 et Mars 2017, les troupes turques avaient mené l’opération «Bouclier de l’Euphrate» puis celle dite «Rameau d’olivier» en Janvier 2018 qui leur avait permis de prendre Afrin au nord-ouest de la Syrie et d’en déloger les YPG considérés comme étant un groupe terroriste.
La victoire turque ayant été vécue comme un traumatisme par les FDS, troupes occidentales essentiellement françaises et américaines, ces dernières avaient interrompu leurs opérations contre les combattants de Daech.
Le même scénario s’est reproduit en Octobre dernier afin de contraindre Washington à tempérer l’ardeur d’Erdogan après les bombardements effectués par son aviation. Aussi, si elle venait à être concrétisée, la nouvelle « tentative » du président turc ne pourrait que rouvrir une plaie encore béante.
Mais force est de reconnaître, toutefois, que la présence, le long de cette zone, de soldats américains qui assistent les milices YPG et leur offrent une couverture aérienne afin de les aider à déloger les combattants de l’Etat Islamique, constitue une sérieuse entrave aux visées d’Erdogan.
Et si, après moult tractations entre les turcs et les américains, Washington avait convenu de convaincre les milices YPG de quitter la ville de Manbij, ces derniers ont refusé cet arrangement et menacé d’arrêter leur combat contre les forces de l’Etat Islamique encore présentes en divers endroits de Syrie.
Or, il serait bien malvenu de se passer des services des YPG qui, ce lundi 17 décembre, ont – encore une fois et, bien entendu, avec l’aide des américains et des français – prouvé leur efficacité en délogeant Daech de Hajine, son ultime bastion territorial même s’il lui reste encore d’importantes zones désertiques et rurales d’où poursuivre son combat.
Enfin, si l’on tient compte de l’imminence d’une intervention turque dans le nord de la Syrie, de l’alliance objective entre Ankara, Téhéran et le Qatar contre l’Arabie Saoudite, des révélations dont dispose la Turquie sur l’affaire Khashoggi pour accabler Riyad protégé par Washington; tout ceci ajouté au rapprochement qui a lieu entre Ankara et Moscou au titre de l’approvisionnement gazier de la Turquie et de l’achat d’une centrale nucléaire et de missiles S400 fabriqués par la Russie, on peut penser que les américains vont bien finir par livrer à Erdogan son ennemi-juré et principal instigateur du coup d’Etat qui avait failli l’éliminer en Juillet 2016, le théoricien islamique Fethullah Gülen. Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi