Le rapport de la Cour des comptes 2023-2024 à la Chambre des représentants et la cherté de la vie
M’Barek TAFSI
La Chambre des représentants a consacré, mardi 11 février 2025, une séance plénière à la discussion du rapport de la Cour des comptes 2023-2024, avant de tenir une autre consacrée à la clôture de la première session de l’année législative 2024-2025.
Intervenant au cours de ce débat, au nom du groupe du progrès et du socialisme, la députée Nadia Touhami a souligné la portée démocratique de cet exercice qui intervient dans le cadre des requis de la pleine reconnaissance de la transparence et de l’intégrité, de l’amélioration du système de gouvernance, de la consolidation de l’Etat de droit et de l’assainissement du climat général de toutes les pratiques négatives ou corruptives nuisibles au processus démocratique du pays et à son développement.
La portée démocratique de ce débat
Ce faisant, elle a tenu à rappeler avec considération les rôles multiples et fondamentaux des juridictions financières avec leurs honorables cadres.
Elle a rappelé également les attentes des contribuables, principalement en ce qui concerne la consécration effective de la culture et du principe de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, et en ce qui concerne le souci d’œuvrer pour que les politiques, les programmes et les mesures publics aient un impact positif réel et tangible sur les citoyens marocains.
L’entêtement du gouvernement à ne pas prendre les mesures fortes et concrètes requises
Dans ce cadre, elle a tenu à attirer de nouveau l’attention du gouvernement sur l’extrême gravité de son entêtement à ignorer les manifestations de la montée des tensions sociales et des grandes difficultés économiques et de son refus systématique à prendre les mesures fortes et concrètes requises par la situation pour faire face à la cherté de la vie, à l’augmentation des prix, à la détérioration du pouvoir d’achat de l’ensemble des Marocains, à l’exacerbation sans précédent des taux de chômage, à l’augmentation de la pauvreté, à la cherté des prix et à la baisse du pouvoir d’achat de l’ensemble des Marocains, en particulier des couches démunies, de la classe moyenne et des salariés plus précisément.
Elle a souligné aussi la nécessité pour le gouvernement de promouvoir véritablement l’économie et l’investissement nationaux et de soutenir les entreprises nationales, en particulier la micro, petite et moyenne entreprise.
A cet égard, elle n’a pas manqué d’exprimer son étonnement que le gouvernement, face à des conditions économiques et sociales difficiles, persiste dans son orientation de normalisation avec les rentes, les monopoles, la prévarication et les conflits d’intérêts, et ce au service des intérêts d’un groupe restreint de lobbies financiers aux dépens de l’ensemble des citoyennes et des citoyens.
Cela s’ajoute à l’exploitation par certaines composantes de ce gouvernement des programmes et des moyens publics dans une course électoraliste prématurée et par des moyens illégaux, en violation des exigences de la bonne gouvernance et d’une vie démocratique saine.
Malheureusement, le gouvernement continue de faire preuve de faiblesse politique et communicationnelle, et de s’adonner à de pratiques régressives contraires aux principes de la constitution et de la démocratie, car il a non seulement adopté un discours de satisfecit démesuré et d’autosatisfaction excessive, en prétendant avoir réalisé des succès mensongers au niveau social, mais cherche également à museler les voix, par des menaces, du harcèlement et des représailles contre les voix dissidentes. De telles tendances vont à l’encontre des acquis du pays en matière des libertés et de l’édification démocratique, institutionnelle et des droits humains.
A propos du rapport de la Cour des comptes
Revenant au rapport de la Cour des comptes 2023-2024, Nadia Touhami s’est arrêtée en premier sur la question de l’eau, rappelant que son groupe salue l’amélioration de l’approvisionnement en eau, à travers la mise à disposition des ressources financières requises pour accélérer l’achèvement des divers ouvrages hydriques.
A cet égard, le gouvernement doit également assumer sa responsabilité en mettant les rares ressources en eau du pays au service de sa sécurité hydrique et alimentaire, à travers le contrôle de la demande, la lutte contre le vol de l’eau, l’arrêt de l’hémorragie du stock stratégique des eaux souterraines, et la réduction des cultures grandes consommatrices d’eau, dont la plupart sont destinées à l’exportation. Il doit également œuvrer pour rationaliser l’expansion des périmètres d’irrigation et l’utilisation des eaux d’irrigation agricole, a-t-elle dit, rappelant que la superficie agricole équipée de systèmes d’irrigation localisés ne dépasse pas pour le moment 50% de la superficie totale irriguée, sans perdre de vue la nécessité de réduire les énormes fuites dans les réseaux de transport des eaux.
Au niveau du système d’investissement, il est en effet inquiétant que la Cour des comptes ait constaté que l’exécution de la stratégie d’amélioration du climat des affaires n’a pas dépassé 31%, a-t-elle dit. Cela confirme la baisse des indicateurs de transparence et de concurrence loyale, enregistrée par d’autres institutions nationales officielles. Cela explique aussi la baisse de l’investissement privé, a-t-elle expliqué.
Elle a ajouté que son groupe s’interroge également avec la Cour des comptes sur l’issue de la charte nationale d’investissement. Il se demande aussi pourquoi le gouvernement s’abstient jusqu’à présent de promulguer le décret sur la réglementation du soutien aux micro, petites et moyennes entreprises, qui constituent 93% du tissu entrepreneurial du pays. Et ce à l’heure où l’opinion publique continue de s’interroger au sujet du soutien, des exonérations et des méga-contrats impliquant des conflits d’intérêts flagrants, comme c’est le cas du contrat pour l’usine de dessalement d’eau de mer de Casablanca, mais sans réponse claire et convaincante de la part du gouvernement et de son chef.
En ce qui concerne le système de santé, le groupe du progrès et du socialisme réaffirme que le succès du gouvernement en matière de couverture sanitaire universelle ne va pas au-delà des aspects administratifs, sachant que le GPS a pleinement assumé sa responsabilité au niveau de la facilitation du parachèvement de l’arsenal juridique afférent.
Cependant, la réalité montre aujourd’hui que plus de 8 millions de citoyens sont toujours privés de la couverture sanitaire et qu’un grand nombre de familles sont contraintes de payer leur cotisation en raison de l’indice d’exclusion et injuste, bien qu’elles soient socialement incapables de cotiser.
Même les assurés et les ayants droit supportent plus de la moitié du coût des soins médicaux, principalement en raison de la cherté exorbitante des prix des médicaments et de la faible disponibilité des médicaments génériques.
De plus, les chiffres indiquent que la couverture sanitaire a été détournée de ses objectifs sociaux originaux et nobles, au profit des intérêts de certains lobbies de cliniques privées qui se propagent comme des champignons, et épuisent la plupart des ressources des caisses de la couverture sanitaire dont la pérennité et l’équilibre sont menacés.
En ce qui concerne la réforme fiscale, le groupe du PPS réitère son appel à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et à procéder à une véritable évaluation des mesures de réforme de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur la valeur ajoutée et de l’impôt sur le revenu, dans le sens de parvenir à une véritable justice fiscale, en gardant à l’esprit que les salariés sont toujours ceux qui supportent la grande partie des recettes fiscales.
Le gouvernement devrait également parachever l’évaluation anticipée de l’impact socio-économique des exonérations fiscales, ainsi que la réforme de la fiscalité locale.
S’agissant des chantiers de la réforme de l’administration publique et de la transformation numérique, ils constituent des exemples du grand écart entre les affirmations du gouvernement, selon lesquelles il a accompli des réalisations sans précédent et la réalité qui prouve son échec, étant donné que seulement 23 % des services sont numérisés.
En ce qui concerne l’évaluation de la stratégie nationale de lutte contre l’analphabétisme, il est grave qu’un quart des citoyens marocains continuent de souffrir du fléau de l’analphabétisme, malgré les milliards de Dirhams dépensés pour l’Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme.
Ce ne sont là que quelques-uns des points, parmi d’autres, que le groupe du PPS a tenu à soulever dans le cadre de la discussion du rapport de la Cour des comptes. C’est l’occasion aussi pour lui de renouveler son appel à la Cour des comptes pour qu’elle redouble d’efforts afin de valoriser les améliorations apportées à l’administration publique et de mettre en lumière les expériences réussies, y compris en ce qui concerne les collectivités territoriales qui constituent l’épine dorsale de la démocratie territoriale.
Le groupe parlementaire du PPS aspire également à ce que la sélection des tâches de surveillance sera entourée du souci de rentabilité et de critères dont la première préoccupation est l’estimation du niveau des risques et des enjeux financiers, selon la députée.
M’Barek TAFSI