Ecrire sur l’art est un acte poétique

Chronique

Par M’barek Housni

« le meilleur compte-rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie » Charles Baudelaire

Écrire sur l’art est une manière d’écrire de la poésie. L’art et la poésie creusent dans un même champ, dans un champ commun, abstraction faite de l’outil utilisé. L’instrument, sans dénigrer son importance, permet la réalisation et l’emploi, jusqu’au produit fini : le texte et la création artistique, le texte qui l’assemble en son sein.

Le texte sur l’art possède l’attrait d’une expérience poétique, dans le sens où les mots employés s’essaient à être des mots relevés au niveau de la création et non pas de simples instruments qui véhiculent un avis dans les meilleurs des cas, ou une simple description plate et neutre. Le jeu de la poésie n’a jamais été d’informer ni d’accompagner, mais de refaire le monde.

Mais peut-on créer à partir de ce qui a été créé auparavant ? Sur une œuvre baignant dans la solidité de son exécution finie et éternelle ? Oui, car tout l’enjeu et le plaisir sont là. Plaisir double en fait : admirer (ou le contraire) et écrire le texte poétique.

Cela s’entreprend avec les mots d’un Charles Baudelaire, mais sans parti pris, lui qui a écrit :« Je crois sincèrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, […], c’est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d’horizons».

Mais aussi en suivant les indications lumineuses d’un Guillaume Apollinaire. En s’inspirant de son génie de créateur : « Aujourd’hui, les  poètes  (….) n’ont pas pris parti d’admirer toute chose nouvelle. Ils s’efforcent de la distinguer pour que les forces qu’elles peuvent apporter ne soient pas perdues ».

Ouvrir des horizons, distinguer des forces de ce qui est nouveau, voilà les deux défis esthétiques que doit s’imposer une lecture poétique de l’art,  un texte où la poésie rime comme inspiration déclenchant le processus écrivant et objectif à atteindre.  Et sans nulle prétention à les égaler, il faut faire à chaque fois appel à leur héritage, eux qui ont consacré l’écrit sur l’art comme genre littéraire à part entière. Donc c’est en poète qui a affaire aux mots qu’il est impératif d’oser écrire sur des recherches artistiques qui suscitent des mots suggérant un monde de beauté corrélative à des idées où le vrai est synonyme d’une connaissance.

À travers leurs écrits sur l’art, on apprend à regarder. En pistant leurs traces, on apprend à écrire ce que « regarder » veut dicter et dicte toujours. Écrire des textes teintés de créations en images d’artistes de tous bords. Et ce dans l’objectif tracé par un Vassily Kindinsky dans son monumental « Du Spirituel dans l’art » qui voyait en la peinture « un art et l’art dans son ensemble n’est pas une vaine création d’objets qui se perdent dans le vide, mais une puissance qui a un but et doit servir à l’évolution et à l’affinement de l’âme humaine »

Alors on écrit au gré des expositions vues, des artistes rencontrés, et d’appels à textes pour des catalogues. Aucune visée déterminée au départ sauf celle de porter à l’écrit certaines individualités artistiques dignes d’être connues et suivies. Ils doivent refléter la riche variété de tendances, oscillant entre le local et l’universel. Elles doivent montrer, à mon humble avis, une maîtrise du sujet et/ou du vocabulaire artistique, et une connaissance double : celle de l’art plastique et celle des exigences de la culture et des sociétés comme des expériences artistiques, les individualités variées et riches en signes et en symboles, et les problématiques qui les travaillent, leur rapport à  la chose, à l’expression sur la chose. On y piste des références diverses puisées différemment d’un artiste à l’autre, ce qui a pour conséquence louable de générer une palette riche en thèmes et en techniques inventées ou assimilées. Cela va de la mémoire à l’identitaire, de l’onirique au magique, du fantastique au réel réévalué à l’aune d’approches plus ou moins mimétique, et surtout du poétique au mystique. C’est l’abstraction, courant et conviction assumés, qui est à l’honneur dans des travaux soumis à la perception et à la contagion heureuse par le mot. C’est le figuratif, lorsqu’il est dépassé par la réalité d’un tableau, d’une sculpture, d’une installation ou autre œuvre inclassable.. C’est l’art issu d’une idée alliée à une ferveur, à un étonnement sans limites. C’est l’art dans sa large histoire. C’est là où la poésie est donnée à voir par une énergie nouvelle ou un visu rayonnant.

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