Nabil El Bousaadi
A qui le tour, serait-on tenté de dire quand après les deux coups d’Etat qu’a connu le Mali d’Ibrahim Boubakar Keïta et l’éviction du président guinéen Alpha Condé moins d’une année après sa reconduction contestée pour un troisième mandat, est venu, cette semaine, le tour du président du Burkina-Faso, Roch Marc Christian Kaboré, auquel le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba reprocherait son « incapacité » à faire face aux groupes jihadistes.
En effet, ce mardi 25 janvier 2022, les burkinabés ont appris, à leur réveil, que leur président a présenté sa démission, la veille, et qu’un gouvernement militaire dirige, désormais le pays, après avoir suspendu la Constitution et dissout le gouvernement et l’Assemblée Nationale.
Mais si les burkinabés ont été pris de court, on ne peut pas en dire autant de l’ancienne puissance occupante dès lors qu’à en croire Antoine Glaser, fondateur et ancien rédacteur-en-chef de « La Lettre du Continent », une publication qui connaît parfaitement les dessous de la politique africaine, « Roch Kaboré avait pris une certaine distance vis-à-vis de la France » et cette dernière lui reprochait de ne pas vouloir réformer son armée.
Antoine Glaser ajoute, par ailleurs, qu’ « on a le sentiment que, dans la bande sahélo-saharienne, les dirigeants se bunkérisent dans leurs capitales, qu’ils abandonnent l’espace rural aux jihadistes et qu’ils ont renoncé à tous leurs pouvoirs régaliens d’éducation et de santé. Au Burkina, il y a eu 2.000 morts et des millions de déplacés. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible de continuer dans la même situation ».
Autant de raisons pour lesquelles, après avoir fermement condamné ce coup d’Etat, le président français Emmanuel Macron ne s’est pas empêché, pour autant, de déclarer, sur les ondes de RFI, qu’ « il ne faut pas sous-estimer la fatigue et l’épuisement que créent des attaques permanentes de groupes terroristes qui viennent affaiblir les forces armées d’une part et qui viennent aussi profondément fragiliser le lien avec la population et les institutions légitimes ».
Il est donc clair qu’au-delà des critiques de Paris concernant la stratégie sécuritaire du président Roch Kaboré, c’est surtout le ras-le-bol de la population qui semble avoir permis aux militaires de reprendre le pouvoir et ce, d’autant plus que, dans une note publiée, ce mardi, par le site « Africa Intelligence », il est clairement rapporté que Paris aurait travaillé, depuis septembre dernier, « sur des scénarios de prise du pouvoir par des militaires » car si le président burkinabé « avait accepté la présence de l’opération Sabre constituée de forces spéciales françaises près de Ouagadougou », il est resté, tout de même, très réticent quant à la présence de Barkhane dans son pays par crainte que la jeunesse burkinabé n’assimile ce « renfort » à un retour, plus ou moins déguisé, au Burkina-Faso, des forces de l’ancienne puissance occupante.
Le président Roch Kaboré aurait donc été désavoué non seulement par son armée et ses compatriotes qui sont descendus, ce mardi, dans les rues de Ouagadougou pour apporter leur soutien aux putschistes mais également par la France qui, selon « Africa Intelligence » aurait proposé à l’ex-président « une exfiltration d’urgence » dès dimanche avant de perdre le contact avec lui le lendemain.
Mais qui est donc le nouvel homme fort du Burkina-Faso ?
Agé de 41 ans, le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ayant écarté du pouvoir Roch Marc Christian Kaboré, qui restera, pour l’Histoire, le premier président civil du Burkina-Faso à avoir été démocratiquement élu, en 2015, est un officier formé à l’Ecole militaire de Paris qui présidait, par ailleurs, le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR).
De quoi demain sera-t-il fait au Burkina-Faso et qui a pris place dans le viseur des putschistes dans cette partie du monde en proie à d’incessants coups d’Etat ?
Attendons pour voir…