Dernier ouvrage de l’auteur tangérois Ali Benziane
Propos recueillis par Karim Ben Amar
Docteur en pharmacie, Ali Benziane est un poète, écrivain et essayiste tangérois. Passionné par les Lettres depuis sa plus tendre enfance, et après avoir soutenu sa thèse de doctorat, il a opté pour un Master en philosophie et didactique des sciences. Ali Benziane a publié un roman : « Le mur des paresseux” (Editions Orion), ainsi que deux recueils de poésie : “Tingis” (Editions Onze) et “Couronne d’épines” (Editions Orion). Son dernier ouvrage, intitulé « L’épreuve de vérité : que nous révèle l’après-Covid ? »(édition Fiat Lux), est un essai philosophique consacré au monde de l’après-pandémie. Entretien.
Al Bayane : Pouvez-vous nous présenter votre dernier ouvrage ?
Ali Benziane : Ce livre qui s’intitule « L’épreuve de vérité : que nous révèle l’après-Covid ? », est un essai de synthèse de ce que je considère comme une crise globale qui touche plusieurs domaines : scientifique, économique, socio-culturel, spirituel… et qui a été révélée par la pandémie il y a presque trois ans maintenant. Pour moi, les deux termes qui qualifient le mieux ce que nous avons subi sont « syndémie » et « psycho-pandémie ». En effet, les répercussions de cette crise totale concernent presque entièrement le domaine psychique, tant la transformation profonde du monde post-Covid présage un changement d’envergure des rapports humains, totalement inédits dans l’Histoire. Ce sont les mécanismes de cette transformation de la société mondialisée que j’essaie de comprendre et d’analyser dans ce livre. Pour cela, je me suis placé sur le terrain du concept, donc philosophique mais aussi ontologique et métaphysique pour apporter des pistes de réflexion qui permettent d’avoir la hauteur nécessaire à une étude aussi complexe.
Votre essai est donc une critique du monde post-Covid ?
La crise du Covid marque le début d’un totalitarisme global dont la brutalité est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Peu d’intellectuels ont eu le courage ou l’intuition salutaire de dévoiler cette vérité insoutenable, ils se comptent sur les doigts d’une main… Parmi eux, Mehdi Belhaj Kacem, considéré par beaucoup comme l’un des philosophes les plus doués de sa génération, qui m’a fait l’amitié et l’honneur d’introduire mon essai par une préface de haute volée. J’insiste longuement sur le rôle d’une science dévoyée, totalement aveuglée par son dogmatisme, dans l’avènement d’un monde proprement anti-humain. N’oublions pas que toutes les doctrines totalitaires ont utilisé la science pour contrôler les corps et les esprits… et nous sommes en plein dedans, mais cette fois à l’échelle planétaire ! Les multinationales toutes puissantes (GAFAM etc.), les instances internationales, comme l’OMS, financées par les oligarchies qui imposent leur vision du monde à coup de milliards de dollars sous couvert de philanthropie (Bill Gates et consorts) sont en train de précipiter l’humanité dans un monde où le devenir anthropologique de l’homme est menacé par une technologie destructrice. En effet, au cours de cette pandémie, l’humain a été relégué au second plan. Et au lieu d’être soigné, il a servi de cobaye pour des expérimentations scientifiques basées sur une nouvelle technologie, dont les défenseurs les plus acharnés sont (comme par hasard) celles et ceux qui réclament l’avènement d’un nouvel Homme augmenté, à savoir les chantres du transhumanisme. Bien sûr, certains pays s’en sont sortis mieux que d’autres dans la gestion de la pandémie, et le Maroc en fait partie. Les bonnes décisions sanitaires ont été prises au bon moment, ce qui fait du Maroc l’un des rares pays à avoir su privilégier le soin dans ses politiques sanitaires.
Peut-on prétendre que votre ouvrage est pessimiste ?
Les périodes de confinement préconisées par l’OMS (avant que celle-ci ne fasse volte-face après la généralisation des politiques vaccinales) et les mesures sanitaires drastiques souvent incohérentes sont une catastrophe psychique dont on commence tout juste à mesurer les conséquences, surtout chez les enfants. A cela, vient s’ajouter le contrôle des esprits, à l’échelle individuelle cette fois, exercé par les réseaux sociaux de manière de plus en plus importante, ainsi que l’hégémonie du virtuel exacerbée par le confinement qui entre pleinement dans le cadre de ce nouveau mécanisme de pouvoir. C’est vrai que le constat que je dresse peut pousser au désespoir, mais je donne des pistes de sortie dans la dernière partie du livre. Je considère qu’un redressement est possible uniquement sur le terrain spirituel en retrouvant une transcendance qui, par la pratique de ce que j’appelle le “jeu divin” (que ce soit à travers l’Art ou la spiritualité), permet de contrer l’immanentisme intégral de ce nouveau totalitarisme. Mes conclusions feront sûrement couler beaucoup d’encre dans un monde où l’on croit encore aux vertus salvatrices de la démocratie et d’un humanisme à deux vitesses… Mais le débat d’idées, toujours passionnant et enrichissant, est aussi l’un des buts de ce livre qui risque de secouer bien des consciences…
Pourquoi avez-vous opté pour une maison d’édition française ?
Après mûres réflexions, j’ai choisi de publier ce livre dans une maison d’édition française pour plusieurs raisons. Mais, selon la formule consacrée, cela ne l’empêchera pas d’être disponible dans toutes les bonnes librairies du Royaume. Force est de constater que le milieu littéraire au Maroc est en piteux état… les gens ne lisent plus et les écrivains sont souvent livrés à eux-mêmes face à un éditeur qui a baissé les bras en faisant le minimum syndical. Si les romanciers se sentent dévalorisés, que dire des essayistes et des philosophes ! Les rares qui publient encore des livres de ce genre au Maroc les destinent à une niche d’universitaires et une poignée d’esprits curieux… Il y a un vide immense dans le domaine de la pensée philosophique au Maroc, en particulier francophone. Et pourtant, le Maroc a produit des penseurs éminents, reconnus au niveau international, comme Mohammed Aziz Lahbabi par exemple… Certains profitent de ce vide en se faisant passer pour des intellectuels de premier plan, alors que leur « travail » est d’une pauvreté conceptuelle affligeante. Il ne suffit pas de mettre sa photo en couverture d’un livre avec la mention « philosophie » pour devenir le nouveau Nietzsche marocain !
Des projets en vue pour l’avenir ?
Mon ambition serait d’approfondir les concepts inaugurés dans cet essai d’un point de vue purement philosophique. Je me donne donc le temps d’élaborer un ouvrage qui serait une réflexion plus poussée sur ce nouveau monde à venir. Je suis également en train d’écrire mon deuxième roman et je prévois pour l’année prochaine la publication d’un deuxième essai consacré aux rapports entre l’inspiration poétique et la spiritualité, en particulier le soufisme.