Alors que le Maroc multiplie les initiatives pour promouvoir l’émancipation des femmes, notamment à travers des célébrations nationales et internationales, une ombre persistante ternit ces avancées : la violence basée sur le genre, qui continue de faire des ravages. À l’occasion de deux événements récents – la 9ème édition du Prix « Tamayuz » de la femme marocaine, le 23 octobre 2024, et la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre 2024 – le contraste est frappant.
Célébration des réussites féminines
Le 23 octobre 2024, la 9ème édition du Prix « Tamayuz » a salué les réalisations exceptionnelles des femmes marocaines dans des domaines variés, de l’entrepreneuriat à l’action sociale. Ce prix, créé pour reconnaître les initiatives féminines, symbolise une volonté politique de promouvoir l’épanouissement des femmes et de valoriser leur rôle dans la société.
Ces figures féminines incarnent un Maroc en mouvement, prêt à mettre en avant des femmes leaders, innovantes et résilientes. Pourtant, cette célébration des réussites ne peut occulter une réalité sombre qui persiste, à peine un mois plus tard.
Une violence qui persiste
Le 25 novembre 2024, le Maroc s’est joint à la communauté internationale pour marquer la Journée pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Cette journée a marqué le lancement de la campagne Tous UNiS (25 novembre – 10 décembre) – une initiative de 16 Jours d’activisme qui s’achèvera le jour de la commémoration de la Journée des droits de l’homme (10 décembre).
Sous le slogan des Nations unies « Toutes les 11 minutes, une femme est tuée », cette journée a une fois de plus mis en lumière une dure réalité : malgré les progrès, des millions de femmes, au Maroc comme ailleurs, continuent de vivre sous la menace de violences physiques, psychologiques ou économiques.
Selon les données du Haut-Commissariat au Plan, près de 57% des femmes marocaines ont déclaré avoir subi une forme de violence, un chiffre qui démontre l’ampleur du problème. Les lois existantes, bien que progressistes sur le papier, peinent à être appliquées de manière efficace, et l’accès aux mécanismes de justice reste limité, surtout dans les zones rurales.
Un défi universel
Le Maroc est en retard, certes, mais le monde entier l’est sur cette question. La violence basée sur le genre reste un fléau mondial. Aucun pays au monde n’a encore réussi à l’éradiquer totalement, prouvant que le combat pour la sécurité des femmes est loin d’être achevé.
Le contraste entre ces deux événements révèle une double réalité : alors que des femmes marocaines brillent sur les scènes nationales et internationales, d’autres continuent de lutter contre des abus quotidiens, souvent dans l’ombre et le silence.
Un changement culturel nécessaire
Au-delà des lois, c’est la transformation des mentalités qui constitue le véritable défi. Les normes patriarcales, les tabous sociaux et le manque de sensibilisation freinent l’impact des initiatives existantes. Pour réellement changer les choses, il est impératif d’investir dans des mesures structurelles :
- Éducation : sensibiliser dès le plus jeune âge à l’égalité et au respect des droits des femmes.
- Application des lois : garantir que les victimes puissent accéder à la justice sans peur ni obstacles.
- Mobilisation collective : inclure tous les acteurs, y compris les hommes, pour en faire une cause partagée.
Un paradoxe à dépasser
Le Maroc est à la croisée des chemins. Les efforts déployés pour célébrer la femme marocaine à travers des événements comme le Prix « Tamayuz » doivent s’accompagner d’une lutte acharnée pour éradiquer les violences. Ces célébrations doivent inspirer des actions concrètes pour garantir aux femmes marocaines non seulement la reconnaissance de leurs réussites, mais aussi un environnement sûr et respectueux.
Le combat pour les droits des femmes ne peut se résumer à une journée ou un prix. Il doit devenir une priorité quotidienne, portée par tous les acteurs de la société.
Le Maroc au pied du mur
À l’heure où les Nations unies appellent à une mobilisation universelle sous le thème « #PasDExcuse. TOUS UNiS », le Maroc doit faire le choix de la cohérence. Certes, le Royaume accuse encore un retard dans la lutte contre les violences faites aux femmes, mais il serait injuste de l’isoler : cette bataille reste mondiale, car aucun pays n’a encore réussi à éradiquer totalement ce fléau.
Célébrer l’émancipation féminine à travers des événements est essentiel, mais cela ne peut dissimuler l’urgence d’éradiquer les violences qui gangrènent la société. Chaque femme marocaine, qu’elle brille sur une scène ou souffre dans l’ombre, mérite un environnement où ses droits sont non seulement reconnus, mais protégés. L’épanouissement et la sécurité doivent aller de pair, sans compromis.
Par Rachida Daidai