Quelques bribes d’une vie, le début et le cheminement d’une carrière autodidacte

Portrait

Bannour  : Un artiste de l’oasis qui cultive la marge

Par Dr Mustapha Faouzi, directeur territorial ANDZOA, Zagora

Mohamed Bannour est né dans la ville de Zagora, au milieu d’une palmeraie luxuriante avec la simplicité des résidents de cette vallée, elle lui a insufflé beaucoup de valeurs et lui a inspiré ses talents de peintre depuis son bas âge.

Ayant pris le chemin de l’école, à l’instar des enfants de sa génération, où le partage, l’entraide et le soutien sont le symbole de la classe, de la cour et du village….

Ses conditions familiales n’ont pas encouragé l’enfant et l’adolescent qu’il était, à poursuivre ses études universitaires ayant arrêté au niveau du collège.

Attiré vers l’art, inspiré par ce milieu où il vit, oasis verdoyante, architecture vernaculaire en terre façonnée par les mains dextres des maâlems, l’ensoleillement et la vivacité des couleurs sont pour beaucoup de choses dans sa perception.

A Zagora : La rencontre avec Madame Marie-France PEREZ

Une rencontre a vraiment marqué sa vie liée d’amitié avec des amis français qui visitent Zagora chaque année, fidèles à cette contrée, qui est devenue un véritable pôle d’attraction pour beaucoup de visiteurs et de touristes qui sont habituellement reçus avec beaucoup de soins et une hospitalité légendaire.

Une noble Dame, un ange surgit dans ce groupe, un grand professeur des arts plastiques, échantée, a aimé profondément cette destination des oasis, s’est installée au quartier Ennakhil à la ville de Zagora, et ce au cours des années soixante-dix.

Cette dame dispensait pendant cinq ans consécutifs des cours des arts plastiques, peinture et design intérieur…à des jeunes de Zagora dont il faisait partie…

La technique de madame Marie- France PEREZ est inspirée par sa relation avec Madame Louise Martineau à travers l’art classique et le dessin à deux mains. Cette période a été couronnée par un diplôme signé par l’auguste professeur madame Perez.

Après l’obtention du diplôme, il commençait à mettre en valeur son talent et ses capacités d’art aux moyens de tableaux et de pièces qu’il avait confectionné à des fins d’exposition et de contact direct avec les amateurs et les dégustateurs de la toile. Mais le lieu d’exposition avec des normes fait défaut.

Galerie d’exposition : Maison de jeunes et hall des hôtels

A l’époque, la maison des jeunes de Zagora était le point de rencontre de tous les talents qui ont un goût pour la peinture et les expositions. Toute sa vie est liée aux expositions et aux recettes qu’il récoltait ses ventes aux touristes. La lecture du livre KASS HAYATI « كاس حياتي », de l’écrivain marocain Driss Elkhouri, lui a permis, grâce au style imagé et pertinent, de retracer un pan de sa vie où il a trouvé à la page 33: « comment l’artiste peut commercialiser ses tableaux dans un temps record…. », via l’exposition dans les halls des hôtels.

A l’hôtel « la fibule du Draa », avec son cadre authentique et féérique, était le haut lieu de ses expositions.

Le tournant de sa vie : La rencontre avec la sociologue marocaine Fatima MERNISSI

Au souk d’Agdz, à 90 km au nord de la ville de Zagora, sa première rencontre avec l’auteur « les sindibads marocains », la sociologue marocaine Fatima Mernissi, était avec des touristes en visite à la vallée de Draa. Saisissant cette occasion, la sociologue ne voulait pas rater l’occasion de converser avec Bannour et son acolyte OUBERKA, pour satisfaire sa soif sociologique afin de trouver des réponses à ces interpellations comme suit :

Qu’est ce qui s’est passé durant les années 1990 et qui a encouragé Bannour à démarrer sa carrière d’artiste ?

Était-ce l’apparition de la parabole ou les ONG…, ?

Était-ce l’afflux des touristes dans les années 1990 ou l’apparition des cybercafés et l’accès à l’internet à la fin de la décade ?…

Les deux artistes, raconte Feue Mernissi,, c’est la combinaison  entre le satellite et l’action civique qui les a sauvés du désarroi où ils étaient, car si la parabole leur a permis de se brancher sur les centaines de télévisions qui émettaient par satellite, le risque de dispersion et de confusion était énorme. Et c’est là que les ONG (allusion à l’ADEDRA : Association de développement de la vallée de Draa), qui insistaient sur le devoir civique des jeunes de lutter contre la désertification pour sauver les sites préhistoriques, la faune et la flore menacées, les ont aidés à se focaliser sur le projet local communautaire. (F. Mernissi, les Sindibads marocains, p145-147).

A son retour Fatima Mernissi, après trois mois,  invitait à sa charge, l’artiste pour faire une exposition au niveau de la galerie Dar Bellarj à Marrakech. Elle présentait l’artiste aventurier au public : « je vous présente Mohammed Bannour, l’artiste que j’ai rencontré au souk d’Agdz, et qui possède une carte de visite, que moi-même en tant que professeure universitaire ne la possédais pas… ».

En 2003, Bannour voyageait en Espagne avec une autre artiste de la vallée de Dadés, Fatima Mellal sur invitation de la sociologue pour participer au centre culturel de Gijon lors de la semaine culturelle sous le thème : «  le Maroc civique ».

L’auteur « des AIT DEBROUILLE » préférait travailler avec des artistes et les femmes de Taznakht (province de Ouarzazate). Elle a même sollicité notre artiste pour les couvertures des Beaux livres comme les jardins des amoureux, les 50 mots de l’amour…

Bannour ne cessait de répéter les qualités humanistes du sociologue et de ses bienfaits qui ont contribuées à l’épanouissement de sa carrière et sa personnalité : « elle m’a offert plusieurs opportunités à travers des rencontres avec des artistes internationaux,  des expositions au niveau de la galerie Marsam de M  K. Chraibi, qui a rassemblé à l’époque un réseau de plus de 170 artistes.. ». J’ai également contribué avec Mernissi dans les caravanes civiques et j’ai même participé à son livre intitulé« trésors et merveilles de la vallée de Draa ».

Un rêve qui pourrait enfanter la réalité

Le rêve de Bannour, était le rêve de l’écrivain Jabrane Khalil Jabrane :

J’AI UN REVE, ET MON REVE A D’AUTRES REVES

L’idée de ce projet-rêve est d’avoir son propre atelier, qui fut partager avec la sociologue lors des rencontres ; l’artiste a pu avoir un lot de terrain sur un espace surplombant une colline qui dominait la vue panoramique de Tesergat à la commune territoriale de Ternata, de la vallée de Draa. « J’ai commencé petit à petit la construction de mon propre atelier, inaugurait en 2003 en l’honneur de madame Mernissi », s’exprimait BANNOUR avec fierté en ajoutant « Mernissi m’a encadré dans tout mon parcours, elle achetait ma production à plusieurs reprises, sur ce, et pour lui rendre hommage, j’ai décidé d’attribuer mon futur projet de résidence d’artiste le nom de « FATIMA MERNISSI ».

Enfin, un Gouverneur qui « épouse » l’art

L’autorité provinciale a sollicité Bannour pour égayer sa ville et redonner vie à un grand squelette d’arbre en sculptant sa carcasse pour lui redonner signification historique du Maroc profond dont ses racines en Afrique et ses rameaux en Europe. Chose faite et concrétisée avec la participation d’un sculpteur qui n’est autre que Abdelhafid TAQOURIT. Saisissant cette occasion de réaménagement de la place, Bannour a participé à la rénovation du célèbre panneau monument commémorant « Tombouctou 52 jours à dos de chameau » rappelant ainsi le rôle incontournable que revêtait l’oasis de Zagora dans le commerce transsaharien.

Certes, l’avenir est en marge

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