L’industrie du tourisme au Maroc
Saoudi El Amalki
Parler du tourisme, c’est avant tout poser une question fondamentale. Existe-t-il une volonté franche d’asseoir une réelle industrie du tourisme pérenne et compétitive ? On n’aura pas certainement nulle peine à rétorquer par la négative, au regard des déficits douloureux ayant caractérisé les diverses expériences du secteur, durant de longues décennies.
Quand on apprend que pour le compte de 2021, une année de pandémie par excellence, la Turquie par exemple, aurait drainé plus de 31 millions de visiteurs pour une recette qui s’élèverait à plus de 24,5 milliards de dollars, on n’aurait, en fait que les yeux pour pleurer cet attristant sort. Depuis déjà des lustres, notre pays allait prôner, dans les schémas prioritaires à tracer, le volet du tourisme, compte tenu des atouts naturels dont regorge le territoire national, en particulier son potentiel climatique, balnéaire, culturel, exotique, hospitalier, sécuritaire et patrimonial.
Pour concrétiser cette politique publique, il s’est attelé à mettre en œuvre des infrastructures et des aménagements de haut standing, étalés sur des décades renouvelées, sans grand succès du reste. Le plan Azur sur lequel comptait le « génie marocain », s’était soldé par un revers cinglant, dilapidant ainsi des deniers publics, à coups des dizaines de milliards de dhs.
Sans parler de l’échec des « VISIONS » décennales. Le promoteur aérien qui devrait en principe servir de locomotive du décollage au secteur, à l’instar de nombre de destinations concurrentielles, lui tournait le dos pour des conquêtes plutôt commerciales tout s’en étant livré à une approche «monopoliste» du ciel et se recourant à la trésorerie de l’Etat pour éponger sa dette chronique.
Gare au privé qui se hasarde à se lancer à la création des sociétés de l’aérien, car son aventure sera vite avortée à l’image de celle de feu Wakrim Belahcen d’Agadir qui en faisait les frais, suite au chagrin essuyé ou la présente tentative de l’opérateur «sahraoui» dont le projet se profile à l’horizon et bien d’autres ! La succession des décideurs du département dont la quasi-majorité, loin de provenir du domaine, était incapable de mettre sur pied une plénitude au domaine, brillait par son incompétence dans les rouages du tourisme, alors que les vrais stratèges de la profession qui donnaient leurs preuves, moisissaient dans les méandres de l’abandon.
La formation des professionnels dans différentes branches du métier, fait à présent défaut, en raison de la fermeture de certaines écoles spécialisées, à Rabat ou à Benguerir. Nombre de cadres aguerris, lauréats ou formés sur le tas, ont déserté le secteur, surtout en ces moments de pandémie et ne comptent plus revenir pour avoir trouvé refuge ailleurs, puisqu’ils sont las de broyer du pain noir.
Au fil du temps, il s’avérait que le secteur était relégué au second plan en termes de priorité économique car, à aucun moment, on ne sentait qu’il y avait une franche volonté de l’Etat de s’y mettre pour de bon, en dépit des saupoudrages qu’on ne cesserait de lui administrer aux façades. Aujourd’hui, on s’est trouvé sans véritable industrie de tourisme, à l’éventail d’offre diversifiée et de prestations attractives, à même d’attirer la clientèle et pérenniser les taux de retour, en rupture avec la dépendance des velléités à la conjoncture compromettante pouvant survenir, de temps à autre.
C’est donc l’absence totale de cette volonté de l’Etat d’en faire un leitmotiv réel de l’économie nationale qui n’est jamais au rendez-vous, comme il en a déjà fait à propos de l’industrie automobile ou encore l’aéronautique, l’énergie renouvelable et, bien auparavant l’agriculture et la pêche. Tous ces énormes chantiers qui mettent le pays dans la cour des grands de la planète, furent édifiés, tout d’abord, par une Volonté Royale notoire et, de ce fait, par l’injection de gros moyens et l’implication de compétences.
Sans ses trois piliers fondateurs, le tourisme demeurerait à la merci de l’improvisation et du tâtonnement dont profitent des pannés du service central et ses filiales, ainsi que certains responsables indéboulonnables du secteur au royaume.