«Wi gskamden tfuyt», quand les corps malades vengent de leurs bourreaux

Le théâtre amazigh, malgré vents et marées, a le vent en poupe. Dans cet esprit, les troupes théâtrales amazighes ont pris part à la 18e édition du Festival national du Théâtre qui a eu lieu du 30 octobre au 7 décembre à Tétouan. Parmi les 12 spectacles sélectionnés dans la compétition officielle de cette année figurent «Pirikula», «Amnay» et  de la troupe Arif pour la culture et le patrimoine d’Al Hoceima.

«Wi gskamden tfuyt», «qui a brûlé le soleil», est un titre qui interpelle ! Une métaphore qui donne envie de découvrir ce que cache la pièce ainsi que la psychologie des personnages.

En effet, la pièce en rifain relate l’histoire de trois personnages otages de leurs obsessions ; trois personnages atteints psychologiquement et qui portent sur leurs épaules le désir de se venger de leur bourreau. Sur scène, les protagonistes incarnent un anti hommage à leur bête noire dans la vie. L’espace est clos. C’est un exil.

Pour ce faire, cet « anti hommage » est joué sur pièce avec une touche artistique due au premier personnage qui interprète son rôle en faisant usage de la soie. Le but, est d’essayer de présenter le portrait de la personne qu’elle voulait condamner. Quant au deuxième personnage, il a choisi de torturer son ennemi en le mutilant des mains jusqu’à l’enlèvement. La raison de la vengeance : il a assassiné son frère. Un autre personnage cette fois-ci, une femme qui a été violée, condamne son bourreau avec une sculpture sans âme. Son unique envie est de le recréer une deuxième fois.

Le troisième personnage est Aynes. Il hait son père à cause de sa mauvaise réputation dans le «douar». Il le dessine donc, mais sans traits de visage parce qu’il ne le connait pas. Chaque personnage essaie de révéler son problème à partir des flash-back. «La technique avec laquelle j’avais travaillé, est la technique par Zigzag », nous a précisé le scénariste Said Abarnous.

Selon le réalisateur, il n’a pas pu garder ce rythme d’écriture parce les personnages sont déchirés ontologiquement, psychiquement et existentiellement. Ce qui est un peu dur avec des personnages malades psychiquement, c’est de garder la chronologie et la logique. C’est la raison pour laquelle le réalisateur a adapté le spectacle qui n’était pas assez fidèle au texte.

Avec Amine Boudrika, ajoute Said Abarnous, le travail avec les comédiens fut à travers ce qu’ils avaient compris, et non pas à travers ce que le dramaturge veut dire. «C’est une très belle expérience avec toute l’équipe du travail», a-t-il fait savoir.

Par ailleurs, au niveau esthétique et technique, le théâtre amazigh a beaucoup évolué ces dernières années : de nouvelles sensibilités et tendances viennent de voir le jour. Certes, il reste encore un long chemin à parcourir pour que ce théâtre se réserve sa place.

«Pour ceux qui s’intéressent à la lecture chronologique de l’évolution du théâtre amazigh au Maroc, notamment au Rif, on pourrait citer 3 étapes fondamentales à savoir : les années 90 avec les associations amazighes qui portaient la cause, et qui est d’ailleurs présente dans les pièces jouées mais avec un esprit amateur», expliquait Said Abarnous.

De 2010 à 2012, la deuxième partie dont plusieurs réalisateurs, notamment de la ville Nador, ont pu s’en sortir de ce cercle classique de la pratique théâtrale, a-t-il ajouté. Selon lui, en 2004, le grand réalisateur Chaib Lmasoudi résidant au Pays-Bas, a donné un coup de main aux jeunes de la ville d’Al Hoceima pour aller plus loin. Avec la création de la troupe Tfswine, le théâtre connaitra une nouvelle étape et un nouvel esprit de travail. Et la troisième partie dont le théâtre amazigh ne constitue pas uniquement un élément de quota, mais à partir de l’année 2013 jusqu’à maintenant, il y a une reconnaissance du théâtre amazigh comme élément important du théâtre marocain, et qui pourrait donner une valeur ajoutée. Aujourd’hui c’est le professionnalisme qui dit son dernier mot, a-t-il conclu.

Mohamed Nait Youssef

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