ADFM: Pour un code de la famille plus juste envers les femmes

C’est au nom du Code de la famille, entré en vigueur il y a 15 ans, que les femmes et les filles continuent de subir de grandes injustices en violation flagrante des dispositions de la Constitution de 2011, au contenu avancé, indique une étude de l’Association démocratique des Femmes du Maroc (ADFM), présentée, mardi à Rabat.

Au terme de cette étude, intitulée «la pratique judiciaire de la Cour de cassation en matière du code de la famille», présentée par la militante et avocate Atika Ellouaziri, l’ADFM recommande la révision du Code de la famille pour son harmonisation avec la Constitution et les engagements internationaux du Maroc en matière des droits de la femme et de la lutte contre la discrimination qui leur est faite.

Selon l’étude, ce travail a été réalisé dans l’objectif d’enrichir l’argumentaire pour une urgente révision du code de la famille, dont les dispositions n’ont fait qu’aggraver la situation sociale faite aux femmes et pérenniser les injustices sociales et familiales connues en ce qui concerne les mariages des mineures, la polygamie, le partage des biens en cas de divorce et d’autres sujets récurrents. Au niveau linguistique, le texte perpétue l’utilisation de certaines notions combien dégradantes de la dignité de la femme.

L’étude se focalise sur les arrêts de la Cour de Cassation, la plus haute juridiction du pays, en matière de famille,  qui sont peu nombreux par rapport aux décisions rendues dans d’autres affaires par cette même juridiction. Treize arrêts au total ont fait l’objet de cette étude.

Les affaires examinées par la Cour concernant le statut personnel et les successions en 2013, 2014 et 2015 ne représentent que 2,38% de l’ensemble des affaires traitées par la Cour.

Selon l’étude, cette situation s’explique notamment par le fait que plusieurs jugements rendus en la matière par les tribunaux de première instance ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en appel et de surcroit en cassation (mariage précoce des mineures, divorce « Chiqaq » ou polygamie etc…). A cela, il importe d’ajouter que nombreux sont les justiciables qui sont dans une situation financière précaire et que de nombreux autres parmi les femmes surtout ont totalement perdu leur confiance dans le système en place.

Mais ce qui complique encore la tâche à ceux qui désirent faire des recherches ou s’informer c’est que la Cour de cassation ne publie pas de manière régulière ses décisions. Elle ne les met pas non plus à la disposition des chercheurs.

En se contentant de publier certains arrêts qu’elle sélectionne, elle rend la tâche difficile à ceux qui désirent s’en informer.

Pour l’étude présentée, les arrêts de la cour consultés sont en général rédigés dans une langue archaïque et un style obsolète. Les rédacteurs continuent d’utiliser un jargon antique puisé dans les sources jurisconsultes anciennes, loin de la langue du Droit et de la terminologie juridique modernes.

Selon l’étude en question, même les dispositions du Code de la famille ne sont pas appliquées de manière équitable, moderne et efficace. Quant à leur interprétation, elle ne traduit guère l’esprit de la loi, qui s’est fixée comme objectifs de contribuer au développement de la société dans son ensemble.

L’interprétation du texte est souvent dictée par des considérations étroites et restrictives des dispositions de la loi à travers le recours notamment à des références anciennes. Cette tendance rétrograde ne reflète guère l’esprit et les objectifs du code de la famille. Elle ne correspond pas non plus aux dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir judiciaire et aux droits des justiciables, estime l’étude.

Les applications et les interprétations révèlent en d’autres mots les limites, les lacunes et les défaillances du Code de la famille et surtout les ambigüités qui marquent sa rédaction et qui facilitent par là même le recours à l’amalgame dans la formulation des motifs pour  justifier l’injustice faite aux femmes en matière de divorce, de partage des biens, de polygamie, de mariage des mineures, soit l’ensemble des affaires qui constituent la matière fondamentale du code de la famille.

Quant aux dispositions à forte connotation de droits humains de la Constitution de 2011, en particulier celles qui insistent sur l’égalité et la non-discrimination, elles ne trouvent aucun écho dans les arrêts et les motifs de la Cour de cassation, selon l’étude, qui souligne que l’on assiste plutôt à une régression en la matière depuis la promulgation de la Constitution de 2011.

L’étude révèle par ailleurs qu’il y a une sorte de clivage entre deux générations de magistrats de la Cour de cassation.  La majorité d’entre eux est issue d’une école traditionnelle attachée au référentiel fondamentaliste. Quant à la deuxième composante, elle est formée de jeunes magistrats ouverts au renouveau et à une interprétation plus ou moins positive des textes et à une plus grande observation des conventions et chartes internationales des droits humains. D’aucuns s’efforcent pour tenir compte de l’approche genre et se référer aux instruments internationaux dans leurs motifs.

Pour les rédacteurs de l’étude, le code de la famille en vigueur comporte en lui-même les sources de sa mauvaise interprétation, compte tenu de ses lacunes et des nombreuses exceptions qu’il prévoit et du caractère vague et général de nombre de ses dispositions qui facilitent leur mauvaise interprétation.

C’est pourquoi, la révision du texte en question s’impose pour en combler les lacunes et les défaillances, dissiper les ambigüités et les amalgames et instaurer un nouveau climat propice à l’émergence d’une justice plus équitable envers les femmes.

Ont pris part à ce séminaire, organisé avec l’appui des Pays-Bas, les activistes de l’AMDH et certains représentants de la presse nationale et étrangère et du corps diplomatique accrédité à Rabat.

M’Barek Tafsi

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