Le chanteur enchanteur

Mohamed El ghaoui au théâtre Mohamed V

Abdelouahad Zaari Jabiri

Jeudi à 20h au théâtre Mohamed V. Salle comble, un public mélomane assoiffé de musique authentique du patrimoine, après un break de deux ans dû à la pandémie, des hôtes de marque : le président de l’association Ribat alfath Abdelkrim Bennani, les compositeurs Abdellah Issami et Ahmed Aloui, La grande diva Latifa Raefat.

Le présentateur Tarik El bakkali nous en annonce déjà la couleur et la soirée tiendra bien sa promesse, elle sera passionnante et très éclectique. En préambule un verset coranique est psalmodié par le jeune imam de la mosquée Taiba  à Sala al jadida, Ahmed Achiri, lauréat du premier prix international de psalmodie du saint coran.

Abdeslam sefiani ouvre le bal avec des morceaux de choix de la chanson andalouse et soufie dont  le public  a scandé les refrains en battant avec  précision la mesure, son frère Adnane enchaine avec un répertoire soufi, et déchaine l’enthousiasme du public, qui sera encore plus ravi par la prestation  de Mohamed Elghaoui, le crooner atypique, si l’ en est, non seulement il chante mais nous enchante par sa façon si primesautière et très amusante d’animer la soirée en interpellant l’auditoire à grand renfort de générosité et d’empathie, en particulier les artistes de renom qui ont mis un point d’honneur à être là, et que Mohamed Elghaoui a tenu à leur rendre un vibrant hommage, en chantant leurs chansons cultes, « Ya dak al insane » écrite par Ahmed Tayeb Laalaj- figure emblématique de la création artistique-  interprétée par le ténor de la chanson Abdelhadi Belkhayat et composée par l’artiste racé Ahmed Alaoui à qui Mohamed ELghaoui a demandé de se lever sous les salves d’applaudissements du public, « nidae lhassan » écrite par Fthallah lamghari, et composée par Abdellah Issami, présent parmi le public qui l’a applaudi très fort.

 Et on n’était pas au bout de nos surprises, la diva de la chanson marocaine Latifa Raefat  est venue inopinément prendre part à la fête en tant que spectatrice, mais Mohamed ELghaoui l’a conviée à monter sur scène sous les acclamations du parterre  qui lui a demandé à brûle -pourpoint point la chanson fétiche «3lach  ya ghzali», écrite par Tayeb Laalej, composée par Abderrahim Sekkat et interprétée par l’ancêtre de la chanson Maati Ben kacem. L’auteur de la fameuse chanson « l 3horba wl3chk lgadi », a tenu aussi à rendre un hommage posthume à son pygmalion le compositeur Mohamed Belkhayat.

Ainsi, l’assistance se surprenait-elle à fredonner des chansons mystique, romantique ou patriotique merveilleusement écrites par les plus belles plumes du Maroc qui étaient légion par le passé et qui tranchaient avec la médiocrité de la prétendue chanson moderne actuelle qui nous agace tant par sa trivialité que par sa cacophonie. Aussi Mohamed Elghaoui n’a-t-il pas manqué de rendre un vibrant hommage à tous ces paroliers qui nous ont légué de très jolies pépites et qui sont hélas relégués aux oubliettes : Abdellah Chekroune, Ali Haddani, Abdellatif Jawahiri, Ftahallah lamghari, Mehdi Zeriouh,  Jamal el ouazzani Tahar sebbata, Hassan Moufti, Mohamed Kouach et surtout Tayeb Laalaj, autant de grands virtuoses du verbe sans lesquels la chanson marocaine n’aurait jamais connu son prestige.

On fit aussi la part belle, comme l’exige le contexte de la fête du Mouloud, aux chants mystiques euphorisants de Saida Alaoui, Aicha Doukkali et Yassir Cherki qui ont électrisé l’assistance par les rythmes issaouis, on a aussi apprécié la virtuosité du violoniste soliste Adnane Elalami.

Mais le clou de la soirée était sans conteste, le moment très émouvant où Mohamed ElGhaoui a convié tous les chanteurs présents à chanter à l’unisson la chanson culte «Nidae Al Hassan». Le public a beaucoup apprécié et il le lui a montré.

Vers minuit le spectacle s’est terminé sur les rythmes entrainants et les pulsations obsédantes des Gnawas qui n’ont pas manqué, comme à l’accoutumée, de mettre le public en transe.

Cette soirée d’envergure, comme sait si bien organiser le directeur du théâtre et l’homme affable Mohamed Benhssaine, a été placée sous le signe de la modération religieuse, l’intégrité territoriale et la tolérance que nous mettons un point d’honneur à préserver sous la houlette du Souverain Mohamed VI.

 Son éclectisme renvoie à la spécificité du Maroc censé être un melting pot culturel et religieux au grand dam d’une infime frange de notre société qui a tendance à se raidir, se radicaliser ou adopter la thèse séparatiste que nos voisins font vainement miroiter.

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