Les diamants sont éternels

James Bond, Sean Connery  et les autres

Mohammed Bakrim

«Entourez-vous d’êtres humains, mon cher James. Il est plus facile de se battre pour eux que pour des principes»

Ian Fleming

C’est l’un des mythes fondateurs de la modernité issue de la seconde moitié du XXème siècle. James Bond en incarne l’une de ses expressions majeures en devenant un phénomène mondial. Né en occident, le mythe a voyagé à travers la planète : on parle de 4 milliards de spectateurs, c’est-à-dire un habitant sur deux de notre chère terre aurait vu un opus au moins de la célèbre saga. Le premier film de la série, James Bond contre Dr No (1962) a été vu par 20 millions de spectateurs ! un record pour l’époque.

La mort récemment du comédien d’origine écossaise, Sean Connery a remis aux devants de la scène le phénomène James Bond.  Il en fut le symbole absolu non seulement parce qu’il fut le premier à l’incarner à l’écran mais aussi parce qu’il lui donna une touche très particulière restée inoubliable dans la mémoire des cinéphiles d’avant les super héros tendance Marvel movies.

James Bond est d’abord un personnage en papier ; il est né en 1953 sous une forme littéraire dans un roman écrit par un ancien espion britannique, Ian Fleming devenu auteur de romans dans sa retraite dorée. Le sémioticien italien Umberto Eco a consacré une brillante analyse au personnage dans un ouvrage collectif «le cas Bond» paru en Italie en 1965.  Umberto Eco  a donc très tôt saisi, au-delà du produit de consommation de masse, la dimension mythologique du personnage en analysant les structures narratives du récit qui le porte. Il dresse les contours de l’archétype de la mission bondienne à partir de la vingtaine de romans et nouvelles publiées par Fleming entre 1953 et 1966, les dernières l’étant à titre posthume.

Pour Umberto Eco «il y a déjà, dans Casino Royale, tous les éléments permettant de construire une machine fonctionnant sur la base d’unités assez simples soutenues par des règles rigoureuses de combinaisons». Une machine qui explique le consensus de réception et le double succès de la saga aussi bien du côté des masses qui l’apprécient que du côté des «lecteurs les plus raffinés». C’est la conséquence d’une machine narrative, une « combinatoire» écrit-il autour d’oppositions binaires.

«Les romans de Fleming sont construits sur une série d’oppositions fixes qui permettent un nombre limité de changements et d’interactions» souligne Umberto Eco. Une opposition qui se décline à travers des caractères et des valeurs : «Bond et son supérieur hiérarchique M» un rapport dominant-dominé;  «Bond et le méchant», «la femme et Bond» ou encore «le méchant et la femme» figurent parmi ces oppositions, facilement identifiables dans les romans comme dans les films.

Au cinéma, le succès est aussi une formule bien huilée avec au centre du dispositif, le cast. Le  personnage mythique a donné lieu à une galerie de comédiens dont sont devenus des stars en passant par la case James Bond. Il  fut incarné par six comédiens. Sean Connery  marqua définitivement le célèbre numéro 007 qu’il interpréta sept fois. Il s’identifia au personnage ; et le personnage s’identifiait à lui. Au point que sur les conseils de son agent, il arrêta en 1967 avec On ne vit que deux fois. Il reviendra une dernière fois en 1971 avec Les diamants sont éternel ; les cinéphiles garderont alors le souvenir d’une interprétation qui allie charme, séduction, efficacité.

C’est à George Lazemby, mannequin australien qu’échoit d’assurer la suite en 1969 avec Au service de Sa Majesté. Il ne restera pas longtemps, par calcul, mais il a apporté une touche au personnage avec une dimension romantique…qui va même se marier !!! Son départ ouvre la voie à Roger Moore, celui à qui l’auteur de la saga avait pensé en imaginant le personnage. Il commence avec Vivre et laisser mourir (1973) et jouera au total dans sept films. Viendront ensuite Timothy Dalton, dans une version ratée commercialement ; Pierce Brosnan avec un style dans la lignée de Sean Connery lui permettant de jouer dans quatre films dont le célèbre Golden Eye (1995) avec l’inoubliable générique sur une chanson de la bombe Tina Turner. Enfin, un cycle se clôt avec  l’arrivée de Daniel Craig, visage que retiennent les nouvelles générations de cinéphiles incarnant un James Bond sobre, tourmenté à l’image de l’air du temps. Présent dans 5 films dont le 25è de la série, Mourir peut attendre dont la sortie est prévue pour 2021, si Corona le permet.

Par la même occasion, on annonce que pour la première fois, une femme va incarner l’agent numéro 007. Il s’agit de Lashana Lynch, une comédienne noire britannique d’origine jamaïcaine. Non seulement, on est dans l’ambiance post Me Too mais on dirait que le cinéma avait déjà anticipé l’arrivée de la séduisante Kamala Harris à la maison blanche comme première femme vice-présidente.

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