Les musulmans américains craignent une vague d’hostilités

Après la fusillade commise à San Bernardino

par un couple d’origine pakistanaise

Usa musulmanLes musulmans des Etats-Unis craignent d’être victimes d’une vague d’hostilités après la pire fusillade du pays en trois ans, commise mercredi à San Bernardino par un couple d’origine pakistanaise.
«Il y a de toute évidence la crainte d’un contrecoup» contre les musulmans a admis à l’AFP Abed Ayoub, directeur juridique du Comité anti-discriminations américano-arabe.
Selon lui, une importante population arabo-musulmane vit dans la région de San Bernardino, ville de 200.000 habitants à une heure de Los Angeles.
Depuis la fusillade qui a fait 14 morts et 21 blessés mercredi, aucun incident affectant cette communauté n’a été signalé. Pourtant, «nous devons rester prudents, étant donné l’atmosphère (tendue) et ce qui s’est passé à Paris il y a quelques semaines», a poursuivi M. Ayoub.
Un commando se revendiquant de l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) a fait 130 morts dans différents sites à Paris le 13 novembre, le pire attentat jamais commis en France.
Si les autorités américaines ont jugé prématuré de parler de terrorisme à San Bernardino, elles ne l’excluent pas.
«Il est possible que ce soit lié au terrorisme (…). Il est aussi possible que ce soit lié au lieu de travail», a déclaré le président américain Barack Obama.

Syed Farook, 28 ans, et sa femme Tashfeen Malik, 27 ans, ont tiré mercredi avec des fusils d’assaut lors d’un déjeuner de Noël réunissant des employés des services locaux de santé, où Farook travaillait.
La police a retrouvé chez eux, dans leur voiture et sur eux un arsenal de plus de 6.500 cartouches ainsi qu’une douzaine d’explosifs.
Le couple avait confié son bébé de six mois à une proche et leur voiture avait été louée quelques jours plus tôt, suggérant une préparation soignée.
Pourtant, les proches de Farook, qui avait épousé Tafsheen Malik en juillet 2014 en Arabie saoudite, n’avaient vu aucun signe avant-coureur.
«Pourquoi a-t-il fait une chose pareille ? Je n’en ai aucune idée», s’est désolé un beau-frère de Farook, Farhan Khan, se disant «choqué».
«Nous n’avons jamais vu de signe de radicalisation», a affirmé à l’AFP Mahmood Nadvi, assistant imam de 39 ans à la mosquée de Dar Al Uloom Al Islamiyah of America.
Nizaam Ali, étudiant de 23 ans, connaissait Farook avant même son mariage. Il venait prier «deux à trois fois par semaine (pendant) sa pause déjeuner», a-t-il raconté, soulignant que Syed Farook n’était pas venu «depuis deux à trois semaines».
Gasser Shahata, 42 ans et sans emploi, l’a décrit comme quelqu’un de «calme, timide» et poli.

Le rêve américain

Selon lui, Farook «vivait le rêve américain: il était marié, il avait une fille, l’an dernier il avait gagné 77.000 dollars. Il avait tout pour être heureux».
De son épouse pakistanaise, les fidèles de la mosquée savent peu de choses. «Je l’ai vue deux ou trois fois mais je n’ai jamais fait sa connaissance. Elle était voilée de noir des pieds à la tête», décrit Nizaam Ali.
Ce jeune homme avoue lui aussi avoir peur à présent de discriminations de la part d’Américains qui assimileraient tous les musulmans à des islamistes radicaux.
«Nous avons demandé à la police d’augmenter la sécurité» vendredi pour la principale prière de la semaine, a-t-il signalé.
L’imam Mahmood Nadvi insiste: en aucun cas, quelqu’un préparant une attaque «ne peut prétendre être un vrai musulman».
Tout comme «ceux qui attaquent les centres de planning familial ne représentent certainement pas tous les Chrétiens», a renchéri sur CNN Hussam Ayloush, du Comité de relations américano-islamiques (CAIR), évoquant la fusillade vendredi dernier qui a fait trois morts dans le Colorado (ouest).
L’association de musulmans Ahmadiyya Muslim Community, qui organise des veillées de prière en hommage aux victimes de San Bernardino, a rappelé la présence de cette communauté dans la région «depuis près de trois décennies, et nous n’avons jamais vu une telle horreur».
Dans le quartier résidentiel où vivait le couple de tueurs, bouclé par la police, Ekram refuse d’avoir peur.
«Nous n’avons fait de mal à personne, j’attends de même des gens», a relevé cette Tunisienne de 32 ans, mère de trois enfants et qui porte un voile blanc.
Au même moment, une voiture passe près d’elle, et le conducteur lui crie avant de disparaitre: «Terroriste!».

Par Sara Puig

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