L’icône Farouk Abou Aïssa tire sa révérence

Le Parti communiste soudanais en deuil

L’annonce a été faite par le Secrétariat du Comité central du Parti  communiste soudanais. Farouk Abou Aïssa, dirigeant charismatique du PCS, s’est éteint dimanche, à l’âge de 87 ans. Il a été de tous les combats de son pays, de son peuple et de la Nation arabe.

Militant communiste soudanais dès la première heure (au début des années 50 du siècle dernier), le défunt a été un combattant infatigable pour les droits humains, dans son pays comme dans le monde arabe. La cause palestinienne perd en lui un défenseur des plus acharnés. Au Soudan natal, il a été un farouche opposant au colonialisme britannique et un opposant irréductible aux dictatures qui avaient gouverné le soudan contemporain.

Et, avant son décès et malgré l’âge, le défunt était un véritable rassembleur de l’opposition soudanaise, pour unifier son action contre la dictature trentenaire d’Omar El Bachir à la chute duquel il a amplement contribué.

C’est également un dinosaure du droit universel qui nous quitte. Durant son exil en Egypte, il est porté, en 1983, à la tête de la prestigieuse Union des avocats arabes (UAA), dont il assurera la présidence pendant deux décennies. Il la marquera par son engagement sans faille pour la défense des droits humains et démocratiques, partout et surtout en Palestine occupée.

Le Parti communiste soudanais, en annonçant le décès de ce leader charismatique, a déploré la perte d’un dirigeant hors pair, d’un grand combattant pour la liberté.

L’UAA et l’Organisation arabe des droits de l’homme ont perdu l’un des fondateurs les plus dévoués aux causes arabes.

Un dinosaure du droit

Le défunt, très jeune, s’était engagé dans la Ligue des étudiants communistes, pour mener le combat contre l’occupation coloniale britannique, avant d’occuper les devants de la scène politique et juridique du Soudan meurtri par la succession des dictatures.

Son histoire et parcours sont parsemés de chartes qui vont de celle du Rassemblement national et démocratique à la charte de l’unanimité nationale, en passant par celle des Forces du changement et de la liberté.

Il a connu la prison dans toutes les étapes cruciales que son pays a traversées. De l’ère coloniale à la dictature de Omar El Bachir, en passant par celle de Noumeiry.

Et pourtant, le Parti communiste avait soutenu Nouméry, qui se proclamait de l’Union socialiste, quand il avait chassé Ismail Azhari du pouvoir. Le défunt faisait partie des ministres communistes au sein du premier gouvernement sous Nouméry où il détenait le poste de ministre des Affaires étrangères. Mais vite, le nouveau dictateur, tout en se proclamant socialiste (sic) fit preuve de répression et établit un plan d’austérité social. Ce qui fait monter les désaccords et l’hostilité à un pouvoir servant les intérêts impérialistes, capitalistes et réactionnaires dans la région.

Le souvenir d’Abdelkhalek Mahjoub

C’est ainsi que la contestation populaire était à son comble. Elle atteint, en 1971, son paroxysme, y compris dans les casernes. Un groupe d’officiers «révolutionnaires» proches du PCS organisa une tentative de coup d’Etat militaire contre le régime dictatorial de Jaafar Nouméry.. L’opération échoua et le PCS en a payé, rapidement, un lourd tribut. Ses principaux dirigeants, exilés à l’époque en Grande Bretagne, ont été exécutés après l’interception par Kadhafi de l’avion qui les ramenait de Londres vers Khartoum… et leur remise à Nouméry.

Tous y passèrent… Abdelkhalek Mahjoub, le SG du PCS, et ses compagnons ….à l’aube d’un 28 juillet 1971. Achafi Ahmed Achheikh, Babkir Annour, Hachem Al Aatta…

Ils furent accusés, avec le commandant Aatta, d’avoir participé aux préparatifs du putsch du 19 juillet.

Le grand journaliste Eric Rouleau, qui était l’envoyé spécial du journal Le Monde avait décrit, non sans grand émoi, les péripéties d’un sumulacre procès expéditif, en des termes bouleversants et dit avoir «assisté à un combat, aux multiples rebondissements, entre un homme solitaire et la machine conçue pour le broyer : une cour martiale, siégeant au sein d’un camp militaire, et dont la mission était de le condamner à mort dans les plus brefs délais». (Lire notre encadré ci-après).

Oui Mahjoub et ses camarades représentaient un danger pour la dictature et il fallait vite les liquider. Ils devaient passer vite au peloton d’exécution, sans tarder. Tous suivirent, après Joseph Garang, leader du sud animiste.  Nouméry  avait peur aussi de ce sud combattant qui s’opposait à l’application de la « chariâa », la loi islamique, à des populations qui n’étaient pas musulmanes !

Fatima Ibrahim, la «Angela Davis» du Soudan et «passionaria» du monde arabe, avait écrit au ministre de « a justice, dans un pays où la justice est assassinée» pour dénoncer la liquidation de la direction du Parti, dont son propre mari, leader du puissant syndicat de l’époque.

Mission accomplie contre la dictature

Le défunt s’était distingué par sa présence contre la dictature, durant les cinq dernières années. Sa dernière privation remonte à décembre 2014, à 82 ans, quand il restera, sans jugement, dans les geôles de la dictature jusqu’en août 2015, pour être libéré, sous la pression de la rue soudanaise et de la solidarité internationale.

Son tort est d’avoir soutenu une alliance patriotique et démocratique avec les «rebelles du sud».

Son arrestation et son emprisonnement ont renforcé sa conviction, malgré l’âge à vouloir en découdre avec la dictature.

A la tête, en tant que président, de l’alliance des forces de l’opposition, regroupant les «Forces nationales de consensus (NCF), Farouk Abu Issa, s’est remarqué, encore malgré l’âge, par sa détermination à renverser le régime militaire de Omar El Bachir par le biais du soulèvement populaire. D’ailleurs il était l’interlocuteur privilégie des forces ayant signé «l’Appel du Soudan», dont notamment le Front révolutionnaire soudanais (SRF), le Parti national Umma (NUP) et le NCF.

Farouk Aïssa était de tous ces combats qui expliquent son fort engagement et sa détermination à mettre fin à la dictature, née après la période transitoire de Siwar Addahab, lui aussi, balayé par la dictature de Omar El Mehdi.

Il aura combattu tous les dictateurs qui se sont succédé, depuis l’indépendance du pays, sans relâche.

 En 2018, il prend la tête d’un mouvement populaire de défiance à Omar El-Bechir, un autre putschiste, arrivé au pouvoir par le bruit des baïonnettes qui a mis fin au pouvoir démocratique de Sadek El Mehdi, venu en tête des élections démocratiques organisées par le général Siwar Addahab, qui avait mené le changement issu d’un soulèvement populaire qui mettra fin, en 1985, au règne de Nouméryri.

Alors que le secrétaire général du PCS, Mokhtar Al Khatib, et d’autres dirigeants sont arrêtés, Farouk Abou Aïssa élargit le mouvement de protestation à tous les véritables patriotes, progressistes et démocrates.

Oui il peut dormir en paix. Au moins il a vécu le grand moment historique qui a chassé le dictateur Omar Mehdi. Même si le combat se poursuit, aujourd’hui, dans d’autres conditions. Et la lutte continue!

Que ce grand combattant de la liberté et de la démocratie repose en paix.

Que sa famille politique et les siens, ainsi que tous les patriotes et démocrates du soudan libre soient assurés de nos condoléances attristées et de notre grande compassion.

«Nous sommes à Dieu et à Lui nous revenons».

Mohamed Khalil

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