Mendicité habituelle: agir ou sévir ?

Le fléau s’accentue de plus en plus au Maroc. Dans les grandes villes comme les petites, le phénomène de la mendicité se voit plus prégnant. Et les statistiques confirment cette réalité amère derrière laquelle un ensemble de facteurs sociopolitiques contribuent.

Partout où vous irez, dans les quartiers chics comme populaires, à la sortie des magasins ou des supermarchés, au niveau des terrasses des cafés comme à l’intérieur, dans les bus ou en encore et surtout, en vous arrêtant à un feu rouge, ils ne passeront pas inaperçus : des mendiants de différentes tranches d’âges, des deux sexes et maintenant, de nationalités différentes devenus partie du décor dans un l’espace public ! Telle est la réalité. Où se trouve la fuite ?  Pourquoi cette tendance s’est-elle répandue ? Quel est le remède à ce fléau ?

Le Maroc n’est plus ce pays où les choses se font en cachette parce que cela pourrait frôler la «hchouma». L’audace est devenue chose évidente et trop d’évidence devient coutume. Qui d’entre nous ne s’excuse pas une à deux fois par jour pour ne pas avoir de quoi donner la charité ! Ou juste parce qu’il y en a tout simplement marre. Et pourtant, la cadence de la mendicité ne fait que se fortifier, notamment avec la venue sur scène d’autre concurrents de pays différents de l’Afrique, mais aussi du Proche-Orient, comme les syriens réfugiés que l’on fréquente avec leurs enfants longer les boulevards, tantôt sous la canicule de l’été ou la pluie d’un hiver froid. Ou encore à l’entrée et la sortie de la mosquée, mais aussi, à l’intérieur de ce lieu de culte.

Par ailleurs, il faut dire que les problèmes de la mendicité dépassent celui, inquiétant certes, que cause le nombre en pleine croissance de ses pratiquants (es) et que justifient notamment l’interpellation dernièrement, à travers les interventions sécuritaires de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) dans le cadre de la lutte contre ce phénomène au titre des neufs premiers mois de l’année 2016, de 8.593 personnes, dont 1.177 mineurs, 2.492 femmes et 415 ressortissants étrangers. Ils le dépassent en ce sens que plus on en parle, plus il s’accentue et moins on y trouve un remède même du côté de la loi qui lui consacre aussi son volet à la mendicité et au vagabondage. Une loi qui ne parle pas au contexte marocain et comme calquée d’outre-mer. En la parcourant cette loi, il ne vous échappera pas qu’elle a bien veillé à mettre le bouchon dans les trous pouvant constituer une brèche qui laisserait apparent ce fléau social. Résultat : en vain !

Le phénomène est de plus belle une opportunité à saisir de différentes manières par ceux qui y recourent. De gré souvent, de force parfois, ou par peur parce que menacés, vous vous sentez comme harcelés et par conséquent obligés de frotter votre poche. C’est ce qu’indique d’ailleurs un communiqué de la DGSN qui note que «les arrestations ont concerné au total 159 cas de mendicité avec violence ou menace de violence».

Où se trouve la fuite ?

D’un côté, il faut dire que la source du problème oscille entre l’Etat d’une part et la société de l’autre. Mais beaucoup plus de l’Etat qui, en dépit du nombre grandissant des mendiants et vagabonds, se limite à interpeller la partie apparente de l’iceberg pour montrer son engagement dans une cause qui demeure, nonobstant les quelques efforts déployés, des plus négligées dans le pays. Nous pensons toujours que l’usage des mesures coercitives est la seule voie permettant d’éradiquer une anomalie. Pour le cas de la mendicité, aberrant serait de la part des parties concernées d’opter pour ce genre de remède pour mettre fin à cette pratique malsaine. Malsaine parce que le juste milieu n’existe pas. Quelque part en occident, on dit : «vive l’art et la manière». Et cela veut aussi dire qu’il suffit de choisir la voie la moins accablante et dérangeante.

Lorsque vous longez lorsd’une randonnée pédestre les rues et boulevards des villes occidentales, qui nous font rêver même par leur loi, les mendiants ne sont pas introuvables, tout au contraire ! Mais ce qui fait la différence, c’est que leurs mendiants à eux peuvent être étiquetés «artistes». Jusqu’à dire que dans plusieurs villes, des plus petites aux plus grandes métropoles, les vagabonds et les mendiants font partie de l’identité de la ville ; jusqu’à faire de certains endroits, des lieux fréquentés par les touristes de tous bords. Et bien sûr, erreur serait la tentative de rêvasser d’un tel panorama dans un Maroc où le «social» et la «culture» sont encore devancé par le «politique» et l’«économique»; même si ces les deux premiers aspects devront faire partie intégrante des deux aspects qui suivent !

Du côté de la société, difficile serait pour ses tranches défavorisées, souvent analphabètes et illettrées mais comportant aussi des diplômés de l’enseignement supérieur public (Licence et Master), de s’adapter à un contexte où les disparités sociales se voient et où certaines ascensions demeurent inexplicables. Evident alors qu’à part le «vol» ou la «mendicité», les alternatives se voient très minimes. Et pour éviter le pire, c’est à la «mendicité» que tend la plupart des souffrants du symptôme sociétal qu’est la précarité.

Maintenant, le problème le plus sérieux est lié aux moyens mis en œuvre pour mendier. Toujours dans le communiqué de la DGSN, il s’avère qu’il a aussi été interpellé « 189 cas de mendicité avec exploitation de nourrissons et de mineurs, ainsique 26 cas de mendiants se faisant accompagner de personnes en situation de handicap». En outre, et comme Les opérations de fouille et de palpation préventive réalisées dans le cadre de ces affaires l’ont montré, il a été procédé à la saisie de 35 couteaux de tailles différentes et de 22 boîtes de produits stupéfiants.

Dans ce cas-là, il est clair que c’est le reflux des idées noires et obscures construites dans la psyché de ce type de mendiant qui préfère aboutir à l’objectif dans un laps de temps plus court, jouent un rôle important. C’est la traduction d’un rejet de la société qui est à la base d’une deuxième idée, malheureusement pas fausse du tout, d’une mise à l’écart d’une partie de la société sans pour autant tenter de trouver des solutions qui répondraient aux besoins spécifiques de ces bannis.

Pourquoi cette tendance s’est-elle répandue ?

L’argent facile est une mauvaise habitude. Mais n’empêche que ce soit le cas de pas mal de personnes qui la préfère, cette habitude. Moins d’effort et un encaissement suffisant pour subvenir à ses besoins ne peut que satisfaire tout un chacun, surtout lorsque l’on s’est accoutumé à cette voie pour gagner son pain !

Dans la société marocaine, il faut apprendre à voir les choses des deux côtés de la rive. De la part de l’Etat plus que des citoyens qui offrent la charité selon les moyens respectifs de chacun et ce, à l’image du 6 qui peut être vu comme un 9, suivant le côté où l’on est placé. Lorsque nous remarquons la position de «bête noire» où l’on place symboliquement les mendiants et les vagabonds, il n’y a pas d’autres explications à cette appréhension que celle d’une «discrimination» qui s’accentue malheureusement de plus en plus.

Mal vus par leurs concitoyens, mal vus par les autorités, mal traités par les associations, mal gérés par le Système, qu’est-ce que l’on pourrait espérer de merveilleux de cette couche sociale ? Tout en sachant que la mendicité se fait à plusieurs niveaux, celle des couches défavorisées demeurent la plus ciblée par l’ensemble de la société, sans pour autant trouver des solutions adéquates au contexte marocain et pallier subséquemment ce fléau qui nuit !

Quel estle remède à ce fléau ?

Soumettant la question sur les remèdes à ce fléau de la mendicité à Saad Ben Abillou, acteur associatif depuis 7 ans et président de l’Association «Les Ponts de l’Espoir» depuis 2 ans, ce dernier avance que «l’on est encore loin d’aborder ce phénomène et de faire diminuer ce qui en ressort de problématiques, et que les ministère de tutelle devrait déployer des efforts considérables pour mieux appréhender cette question.» Ajoutant que : «les efforts fournis émanent uniquement de certaines associations et de groupes bénévoles qui offrent de leur propres ressources l’aide aux mendiants et vagabonds. Toutefois, cela cause un problème à financer tous les cas et des subventions de la part de l’Etat doivent être à l’ordre du jour si l’on veut vraiment pallier cette situation».

Il faut aussi, toujours selon monsieur Ben Abillou, opter pour une recherche sur le terrain et sortir de la pensée subjective. Considérer la recherche académique dans ce sens, est l’un des moyens les plus sûrs pour mieux appréhender et penser ce phénomène.

handicapesQuant aux étrangers (Syriens, africains etc.), il est à rappeler que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a exprimé sa solidarité à leur égard de ces derniers que les conditions difficiles poussent à la mendicité; avançant dans Son discours du 20 août 2015 que : «Face à cette situation, Je n’ai pas besoin d’inciter les Marocains à traiter ces gens comme des hôtes et à leur accorder toutes sortes d’aide et d’assistance. Je suis persuadé qu’ils partagent leurs souffrances et qu’ils ont à cœur de leur venir en aide, autant que faire se peut».

Ahmed Mesk

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