«Je veux créer des modèles de femmes rurales aux petites filles rurales»

Guidée par sa conviction, Lamia Bazir, l’icône Leadership de la femme rurale, continue à se mettre au service de l’intérêt général en investissant le secteur de l’entrepreneuriat social marocain.  Dans cette interview, la Présidente de «Empowering Women in Atlas » revient sur son parcours et ses ambitions mais aussi elle nous dévoile sa vision pour la femme marocaine du 21ième siècle.

Al Bayane : Être une femme au XXIe siècle, c’est comment pour Lamia Bazir?

Lamia Bazir : Etre une femme au XXIe siècle se veut une opportunité ! Pourquoi ?  Parce qu’avec les nouveaux moyens de communication, le digital, la fluidité des mouvements possible au niveau virtuel comme en réalité, la femme se trouve dans une phase très favorable dans le sens où elle a la possibilité d’apprendre, de saisir les opportunités et de s’exprimer librement…Etre une femme au XXIe siècle c’est aussi confronter une phase marquée par plusieurs maux, difficultés et un capitalisme assez féroce qui creuse des inégalités, des disparités et des frustrations, ce qui expose la femme à plusieurs défis et d’énormes obstacles, notamment le harcèlement et d’autres. Dans ce contexte, j’essaie d’optimiser ce que m’offre ce siècle en termes d’opportunités, à savoir l’accès à l’information et les moyens de communication pour faire entendre ma voix et la voix d’autres femmes. Mais, je reste ancrée dans une réalité d’un siècle qui est ravagé également par de nombreux problèmes sociaux dont les femmes sont le plus victimes.

Depuis 2012, vous vous êtes lancée dans l’entrepreneuriat social féminin. Pourquoi ce choix?

Je me suis lancée dans ce domaine pour mettre en pratique tout ce que j’ai acquis durant ma formation académique et mes expériences professionnelles. En effet, j’ai, durant mes études que ce soit au Maroc, en France et aux Etats Unis, acquis des outils qui sont normalement associés au modèle d’entrepreneuriat économique exclusivement. Ces outils sont notamment le fait d’être orienté sur l’action, d’avoir une approche axée sur les résultats et d’évaluer les projets. En même temps, j’étais toujours très ouverte aux perspectives et aux pratiques à l’international. D’ailleurs, j’étais représentante pendant un an au sein du Conseil économique et social des Nations Unies. Donc, l’entrepreneuriat social féminin m’a permis de combiner le pragmatisme des projets aux causes sociales et à l’importance d’avoir un impact sur notre réalité. En effet, je suis quelqu’un qui pense qu’il est inutile d’apprendre et d’avoir des diplômes sans revenir sur le terrain pour partager avec notre entourage nos expertises.

Par ailleurs, ce qui m’a poussée concrètement à mettre le pied dans le monde de l’entrepreneuriat social c’est une rencontre avec des femmes rurales dans l’Atlas. En parlant avec elles, j’étais persuadée par leur ambition, leur créativité, leur détermination, leur patience ou encore la solidarité entre elles. En 2013, j’ai créé avec ces femmes la Fondation de la femme et de la fille rurale.

Justement vous êtes à l’origine de l’initiative «Empowering Women in the Atlas». Quel bilan, faites-vous, aujourd’hui de ce programme?

C’est un programme dédié à 100 femmes des villages du moyen d’Atlas qui avaient des idées de projets, notamment dans l’artisanat, les produits de terroir…mais qui n’avaient pas nécessairement les compétences  et les moyens de gérer et faire réussir leurs projets. 90% de ces femmes étaient analphabètes. Donc, l’initiative leur a permis d’aller à l’Université  et de bénéficier des séances de coaching, de formations dans des domaines comme la comptabilité, la communication, la stratégie…Je suis très satisfaite de cette action parce qu’elle a permis aux femmes de s’outiller en connaissances et d’avoir des sources de financement, ce qui les a aidées à avoir confiance en elles et de réussir leurs projets. C’est déjà une réussite. Mais, la plus grande réussite pour moi est d’avoir casser les stéréotypes et prouver que les femmes rurales peuvent avoir le statut d’entrepreneur et de leader. Elles méritent donc l’attention, l’investissement et la formation pour qu’elles puissent de façon optimale jouer leur rôle de citoyennes.

Pourquoi, à votre avis, les entrepreneurs sociaux sont des femmes?

Il existe énormément d’entrepreneurs sociaux au Maroc qui sont des femmes pour différentes raisons.  Tout d’abord, je pense que la femme marocaine est non seulement ancrée dans la réalité sociale, économique, culturelle et politique du Royaume, mais vit cette réalité d’une façon plus intense que l’homme. En effet, elle assume souvent des responsabilités plus que l’homme puisqu’elle a une perspective et une vision plurielles.  C’est l’une des raisons pour lesquelles les projets sociaux et sociétaux chapotés par les femmes sont pertinents. Par ailleurs, la femme marocaine a beaucoup d’énergie, de détermination, d’endurance et de persistance. C’est ce qui fait d’elle une femme battante, capable de réaliser des projets et générer des sources de revenus pour leurs communautés.

Comptez-vous lancer ce genre d’initiative dans d’autres régions du Royaume?

Tout à fait, je souhaite généraliser ce programme dans d’autres régions du Maroc pour que l’impact aille au-delà du Moyen-Atlas. Je suis actuellement à la recherche de partenaires pour la mise en place d’un programme dédié à la petite fille rurale. Son objectif est de lutter contre l’abandon scolaire de la fille au niveau national et de créer des modèles de femmes rurales aux petites filles rurales.

Kaoutar Khennach

 

Biographie :

Diplômée d’un master en affaires internationales de l’université de Columbia à New York et d’un master en développement international de Sciences Po Paris, Lamia a nourri son parcours d’expériences professionnelles enrichissantes. Après une expérience chez Transparency International, la Ligue arabe et le Conseil économique et social des Nations unies à New York, Lamia Bazir est revenue au Maroc en 2014 afin de s’engager dans la société civile marocaine pour un développement humain «plus équitable». En 2015, elle a été honorée par les Nations unies et par le Groupe MBC qui lui ont décerné le Prix des Nations unies pour le volontariat de la jeunesse arabe. Elle est actuellement la représentante de l’ONDE.

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