Architecture: Ce qui pourrait changer au niveau de la formation

Alors que le rôle de l’architecte est déterminant dans la planification et le développement durable des villes, la formation en architecture demeure entachée de plusieurs défaillances. Celles-ci ont fait l’objet d’une étude pilotée par la direction de l’architecture du ministère de tutelle et dont les résultats ont été présentés lors de la 1ère conférence des écoles d’architectures, organisées les 25 et 26 février à Ifrane.

Sur les cinq écoles d’architecture de statut public opérationnelles, seule l’ENA de Rabat arrive à tirer son épingle du jeu. Celles de Fès, Marrakech, Tétouan et Agadir sont confrontées à une série de difficultés liées notamment aux conditions de leur mise en place en tant qu’annexes de l’ENA de Rabat. Le déficit en matière d’encadrement par des enseignants permanents est patent, la filière conduisant au statut d’enseignant chercheur étant notamment restreinte au détenteur d’un doctorat universitaire dont l’effectif est faible. Ces établissements tentent d’y remédier en s’appuyant sur des partenariats avec les acteurs régionaux, tel que le conseil régional, l’université, l’école des beaux-arts et les centres culturels.

Mais avec une infrastructure et à un encadrement limités, l’offre de formation en architecture reste en deçà de la demande. Selon cette étude, l’accroissement du nombre de bacheliers notamment dans les branches scientifiques et techniques accentue la pression sur l’offre en formation dans l’enseignement supérieur et sur les établissements de formation en architecture en particulier. Sur les 12 000 demandes d’inscription au concours d’accès aux cinq écoles nationales d’architecture (Rabat, Tétouan, Fès, Marrakech et Agadir), le nombre d’admis à ces écoles est limité à 240 étudiants. Cela explique le faible nombre d’architectes exerçant au Maroc. En effet, le Maroc dispose de quelques 4000 architectes dont un quart exerce dans le secteur public (Etat, collectivités territoriales), tandis que les trois quarts les trois quarts exercent en tant qu’architectes sous un statut libéral.

Le nombre d’architectes inscrits au tableau de l’ordre rapporté à la population du pays 3 indique un ratio d’un architecte pour 8380 habitants, ratio qui reste inférieur par rapport à des pays de niveau de développement comparables (Egypte, Tunisie) alors que la moyenne européenne est d’un architecte pour 1500 habitants.

Face à ce constat, le ministère de l’Aménagement du territoire s’est doté d’un schéma stratégique pour la formation en architecture à l’horizon 2030. Selon le ministre, Abdelahad Fassi Fihri, ce schéma vient pallier le manque de vision dans ce domaine et intervient dans un contexte marqué, entre-autres, par l’ouverture d’une nouvelle génération d’écoles dans le cadre de partenariat public et l’accroissement des besoins en formation des architectes pour accompagner les grands chantiers de développement. Ainsi, plusieurs changements sont prévus au niveau de la formation. Le plus important concerne l’alignement sur le système LMD.

Segmentation du cursus en LMD

Cette segmentation de la formation initiale permet de réduire la formation à 5 ans et de délivrer le diplôme d’architecte généraliste à la fin de la cinquième année, considéré désormais, comme le socle de la diversification des métiers qui peut conduire à une formation post-Master selon les cas. Soit à un cycle doctoral à bac + 8, sanctionné par un doctorat en architecture,  soit à un diplôme d’approfondissement et/ou de spécialisation (DSA) à bac + 6 ou à bac + 7. Les architectes diplômés peuvent en outre suivre le parcours les conduisant en deux ans à exercer la maîtrise d’œuvre en exercice libéral. Actuellement, le cursus DENA se décline en 12 semestres dont l’organisation est assimilée à celle des cycles LMD, soit : 3 ans+ 2 ans +1an.

La formation à la maitrise d’œuvre renforcée

La feuille de route de la tutelle prévoit aussi la séparation entre la formation académique et la préparation à l’exercice de la maitrise d’œuvre. Actuellement, la formation dispensée par les écoles d’architectures est jugée insuffisante, ne permettant pas au lauréat d’assumer immédiatement la maitrise d’œuvre, une fois diplômé. Pour cela, il lui faut, une période d’immersion dans le milieu professionnel pour acquérir une expérience pratique et être confronté à la réalité du terrain. Il est donc proposé un cycle de formation à la maitrise d’œuvre adossé à un programme étalé sur deux années, alternant entre des cours de mise en situations professionnelles et des stages dans une structure d’agence agréée, sanctionnées par des rapports de stages tous les six mois.

Le stage professionnel, une obligation

Le stage professionnel est considéré comme un pas essentiel dans l’intégration du monde professionnel. Pour cela, le schéma de la direction de l’architecture propose d’arrêter une date butoir pour le démarrage de l’opérationnalisation du stage professionnel à inscrire comme condition pour les nouvelles admissions aux écoles d’architecture.  Dans la même lancée, une plateforme nationale des offres de stages devrait être mise en place sur la base d’un recensement des agences et des structures d’accueil et une liste de «maitre de stage» arrêtée selon des critères définis par les écoles et la profession et renouvelée régulièrement.

Le privé appelé à la rescousse

Le département de l’Aménagement du territoire veut s’ouvrir sur le secteur privé pour booster l’offre en formation. L’on affirme que ce choix ne signifie pas pour autant, un désengagement de l’Etat d’un secteur sensible et stratégique pour le développement du pays. Dans ce sens, le processus, doit être encadré, pour éviter un dispositif de formation à double vitesse : l’un pour l’enseignement public et l’autre pour le secteur privé, avec des écarts au niveau des moyens financiers, des ressources humaines. Ainsi,  le dispositif d’évaluation, de contrôle et d’accréditation des programmes de formation sera renforcé en s’appuyant sur les prérogatives de l’Agence nationale d’évaluation et d’assurance qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Dans la même logique, les opérations d’inspections des écoles et le principe de réédition des comptes seront renforcés. Toutefois, la stratégie du ministère prévoit de dissocier la reconnaissance des diplômes des écoles d’architecture privées de l’accès à la maîtrise d’œuvre, en plus de clarifier la procédure d’équivalence des diplômes délivrés par des établissements étrangers.

Hajar Benezha

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