Par Mustapha Labraimi
La palme revient au porte-parole du gouvernement qui lors de sa conférence de presse, jeudi dernier, affirmait que « le gouvernement agit également dans cette même direction », celle de Abdelilah El Ajjout, poissonnier de son état à Marrakech.
Ce jeune de 21 ans, voulait vendre la sardine à un prix défiant toute concurrence. Il fut interdit et sanctionné avant d’être rétabli dans son commerce. Son objectif déclaré était de permettre aux pauvres de consommer le poisson. L’acte de bravoure de « Moul Lhoute » a démontré que le circuit commercial en vigueur n’obéissait ni aux lois du marché régies par l’offre et la demande ni par « le laissez aller laissez faire » censé réguler l’économie sans intervention du gouvernement. Au fait, la « main invisible » de nombreux intermédiaires et spéculateurs contrôle le circuit de distribution et impose le prix qui lui est favorable dans une opacité causée à dessein.
Faut-il rappeler que la tutelle gouvernementale chargée de la pêche maritime expliquait la hausse des prix « par les dynamiques d’offre et de demande, et qu’ils subissent également l’influence des coûts d’exploitation des navires de pêche ainsi que des conditions météorologiques pouvant affecter leur activité. De surcroît, la formation des prix de vente des produits de la mer se plie au même principe et est influencée par les coûts de transport, les frais de la chaîne de distribution, ainsi que par les marges bénéficiaires des intermédiaires et des détaillants, notamment lors des périodes de forte demande ». Cette « direction » du gouvernement a été démentie par l’action du jeune poissonnier. Ce dernier s’est limité à s’approvisionner directement auprès des pêcheurs et à limiter sa marge bénéficiaire pour rentrer en concurrence honnête et loyale avec les tenanciers du marché. La direction du jeune poissonnier était en phase avec les aspirations populaires contrairement à celle du gouvernement qui est dans « un autre oued ». La suite des événements a donné raison à Abdelilah « Moul Lhoute » alors que la défiance populaire ne cesse de grandir envers le gouvernement dont la parole n’est pas en phase avec son action.
Le tollé provoqué par le prix de la sardine auparavant aurait été le même pour d’autres denrées alimentaires ; car les prix ne cessent d’augmenter sans crier gare. La vague provoquée par le poissonnier de Marrakech a provoquée des remous ailleurs ; le prix des œufs et du poulet se trouvent ainsi révisés. « Une résistance citoyenne » (peut-on lire) se fait jour face aux mécanismes d’un marché ouvert à la spéculation et à l’enrichissement sur le dos des masses populaires sans que le gouvernement s’occupe à mettre en œuvre les réformes structurelles et l’encadrement juridique nécessaire à la transparence des circuits commerciaux et à la préservation du pouvoir d’achat de la très grande majorité de la population.
L’unanimité faite sur l’effet de certaines pratiques sur la hausse des prix par : « la multiplicité des intermédiaires dans le circuit de distribution de certains produits, la spéculation et les monopoles, la répercussion exagérée de la hausse des coûts de production sur les prix de vente, l’augmentations injustifiées des prix… » ne semble pas pousser le gouvernement dans la direction de la réforme. Il se suffit « d’effets de manche » au lieu de les retrousser et agir en conséquence pour répondre aux doléances légitimes de la population et l’assurer du meilleur.
La modernisation du commerce intérieur nécessite, entre autres dispositions, la révision de l’arsenal juridique qui l’encadre et l’instauration des règles et des mécanismes de lutte contre la spéculation pour protéger le consommateur. Plus globalement, c’est dans le cadre de la consolidation du processus démocratique dans tous ses aspects que la réussite de cette réforme sera assurée. Car, en fonction de sa zone de chalandise, occupant un local exigu ou une grande surface, se faisant à proximité ou à distance par voie électronique, ambulant ou pratiqué à même le sol, avec des produits de qualité ou avec des rebuts en fin de vie, le commerce intérieur au royaume est à l’image de la société inégalitaire que nous constituons. Dans l’attente, la sardine a levé le voile …