Par Mustapha Labraimi
Parmi les maux universels dont souffre l’humanité, la corruption. Elle détruit la confiance dans les institutions et dans les relations sociales. Elle ronge les sociétés à des degrés divers et constitue un handicap sérieux aux efforts de développement entrepris ici ou ailleurs.
Dans la société inégalitaire que nous constituons au royaume, la corruption progresse ; beaucoup plus dans l’expectative du gouvernement.
On raconte dans les Doukkala que l’agriculteur connu par Ould 9arrad, humoristedans les souks où il pratiquait la halqa, avait participé à la réception donnée par Feu Sa Majesté Mohammed V dans son palais à Oualidia, lors de son périple à travers le royaume après l’indépendance. Ould 9arrad terminant sa présentation, Feu Mohammed V lui tendit une gratification. Ould 9arrad eut alors cette phrase « Qu’Allah bénisse le temps de Sidi, mettez cela dans ma capuche car j’ai juré de ne pas saisir avec mes mains ». Une dénonciation théâtrale de la corruption pratiquée par ceux dont l’autorité s’exerçait après la prononciation publique d’un serment officiel.
Depuis lors, tous les discours se rapportant à ce délit prônaient son éradication. Au contraire de cela, elle est devenue un fléau dont les manifestations se sont diversifiées, engendrées dans des circonstancesvariées,clandestines et obscures.
Selon une étude menée en 2023 par l’Instance Nationale de la Probité, la Prévention et la Lutte contre laCorruption, les marocains se préoccupent de la corruption après l’accès au logement, l’enseignement et la formation,l’emploi et le chômage,le pouvoir d’achat et le coût de la vie et la qualité des services de santé et des soins. Les Marocains résidant à l’étranger en sont doublement sensibles. Les préoccupations citées en premier composent l’assise de la vie des personnes ; ellesconstituent elles-mêmes des champs où s’exerce la corruption.
Omniprésente dans presque toutes les activités humaines, la corruption a ses hommes et ses femmes qui la propagent et qui font du passe-droit un mode de vie. Pots de vin, dessous de table, enveloppes hors projets, cadeaux et autres manières de graisser la patte rendent la loi inopérante ou au moins plus clémente dans les cas les plus flagrants. Ainsi, la corruption sape « les institutions et les valeurs démocratiques, les valeurs éthiques et la justice et (compromet) le développement durable et l’état de droit ».
Malgré ses méfaits et ses impacts reconnus, la corruption s’alimente d’une tolérance sociale qui la rend inhérente au système de gouvernance pratiqué. « C’est ainsi et pas autrement si l’on veut dépasser les défaillances et les dysfonctionnements, les obstacles réels ou créés à dessein qu’affronte toute entreprise. » Même l’Université et l’octroi des diplômes ont été gangrénés par le mal.
Les gains indus de la corruption alimentent son cercle vicieux, entre ses causes et ses conséquences.Briser ce cercle conduit à agir pourfaire valoir le mérite, pourla reconnaissance et la promotion des comportements éthiques, pourl’accès à l’information, pourla simplicité et la transparence des procédures, pourla gestion des situations de conflit d’intérêts, pourla reddition des comptes, pourl’efficience des organismes de contrôle et de surveillance, pour le renforcement du rôle de la société civile et pour tant d’autres fonctions nécessaires à rendre la société immune au passe-droit qu’elle que soit sa nature, son importance et la personne qui le commandite directement ou indirectement.
L’enrichissement illicite décrié dans notre société ne peut rester en dehors de l’interpellation judiciaire. Il ne s’agit pas d’engager une chasse aux fortunés dans notre société. D’ailleurs, maintes opportunités et plusieurs occasions s’offrent à celles et à ceux qui cherchent la richesse dans le royaume selon les dispositions légales et dans la transparence requise. L’espoir est de voir notre économie nationale assurer à l’ensemble cette possibilité sans discriminations ni privilèges indus. Il s’agit d’incriminer l’enrichissement illégal, dont l’origine serait uneconséquence de la corruption ou autre malversation. Ne pas s’en préoccuper, dans l’attente de trouver un équilibre,qui tarde à venir, « entre la présomption d’innocence et la responsabilisation », laisse « une autoroute » à la dépravation et à son expansion.
L’imaginaire populaire associe l’éradication de la corruption au développement de l’éducation et de l’avènement d’une vie économique prospère où l’intégrité publique est l’assise de la construction sociale. Le processus démocratique, dans tous ses aspects et particulièrement dans l’assainissement du processus électoral,en bannissant l’usage de l’achat des voix et toute autre dépravation visant la corruption de la représentation populaire, doit être consolidé efficacement et effectivement pour préserver la société de la déchéance du politique et de la politique. Il en va de l’épanouissement harmonieux de notre société.