Quand la crise dévoile la face cachée de l’iceberg

Ecoles privées et écoles publiques

La crise  désigne  tout événement qui survient  de façon inattendue  provocant ainsi une déstabilisation d’une organisation (Etat, entreprise..) et qui a des conséquences néfastes à plusieurs niveaux. La gestion de crise nécessite, de la part des responsables de  l’organisation d’entamer un certain nombre de procédure et de respecter des étapes, en autres : le recentrage sur les valeurs de l’organisation, la transparence, la présence sur le terrain, l’écoute des membres de l’équipe, la conservation du niveau et des exigences, l’adoption d’une attitude positive, le maintien du sang-froid et l’anticipation de la crise pour une meilleure préparation.

Le contexte de la crise est souvent caractérisé d’incertitudes, de zones d’inconfort qui obligent les responsables  à prendre des décisions en l’absence d’informations valides et crédibles pouvant les aider à la surmonter.

Une crise particulière

Aujourd’hui, une crise difficile peut toucher  plusieurs secteurs ; qu’ils soient, sanitaires, financiers, économiques, environnementaux, …), ce qui oblige tous les états à instaurer une culture de crise  dans ses différentes  structures, pour avoir de l’appui.

Le monde a connu cette année une crise particulière, celle de la « pandémie de coronavirus »  qui a touché tous les états en étranglant leurs économies qui traversaient une tempête colossale et dont la plupart étaient entrées dans un ralentissement brutal.

La propagation rapide du virus a obligé les états d’imposer le confinement de milliards de personnes à travers le monde et qui ont incontestablement changé les modes de consommation des citoyens  et les modes opératoires de plusieurs organisations et structures (écoles, entreprises, …).

Dans un total de 113 pays, plus de 849 millions d’étudiants et d’élèves  avaient déjà été contraints de quitter leur université ou école. En raison d’une urgence de santé publique, les universités et  les écoles ont été  fermées, et des instructions ont été données par les responsables pour assurer  la continuité de l’enseignement et l’apprentissage par le biais de programmes utilisant des approches et des solutions innovantes.

Au Maroc, le ministère de l’Education nationale a annoncé dans un communiqué diffusé en fin journée le vendredi 13 mars 2020, la suspension de tous les cours, des jardins d’enfants jusqu’à l’enseignement supérieur à compter du lundi 16 mars 2020, du public, du privé et de la mission, une décision qui s’inscrivait dans le cadre des mesures de prévention visant à contenir la propagation du Coronavirus « Covid-19 ».

D’emblée, plusieurs cadres pédagogiques et administratifs ont été mobilités pour  mettre à disposition suffisamment de ressources numériques et audiovisuelles et de kits didactiques pour les besoins d’un enseignement et d’une formation à distance en faveur des apprenants.

Cette nouvelle situation a dévoilé de réels problèmes à plusieurs niveaux, notamment en ce qui concerne la relation entre les parents d’élèves et les écoles privées. En effet, une fois le confinement a été déclaré, les familles se sont trouvées dans un nouveau mode de vie, les affrontant à des réalités nouvelles et  leur permettant de découvrir plusieurs choses qu’ils ignoraient avant.

Le confinement a obligé la plupart des  parents à être présents et à répondre aux besoins imposés par les nouveaux modes d’enseignement : acquisition d’ordinateurs, d’imprimantes, de Smartphones ; abonnement internet….Beau nombre de parents ont découvert pour la première fois, les matières enseignées et les apprentissages qu’en font leurs enfants. Ils ont également connu de prés les enseignants et les enseignantes des différentes matières. Tout cela était possible grâce aux diverses solutions utilisées « google-meet, zoom, whatssap,… ». Mais, la chose la plus frappante, c’est quand plusieurs parents ont été déçus par le niveau de leurs enfants au moment où toutes les évaluations qui figurent sur leur bulletin de notes ont été qualifiées de bonnes ou d’excellentes.

Le Coronavirus a montré que plusieurs établissements même du secteur privé n’avaient pas les moyens pour accompagner ses apprenants via les nouvelles solutions et se sont contentés à mettre des fichiers « pdf » ou des vidéos en ligne ou en les envoyant sur whatsapp, imposant ainsi aux familles un nouveau paradigme d’enseignement et d’apprentissage et qui a changé les rôles des familles et des foyers. Ces derniers sont devenus des écoles où les mamans et les papas jouaient le rôle des enseignants et des  enseignantes. Ils étaient obligés de rester toute la semaine à la maison «confinés» et impliqués dans un engagement réel et sérieux, et sans indemnisation.

Les écoles privées quant à elles, étaient vides, fermées, …à l’exception de l’administration qui était présente pour appeler et rappeler les parents d’élèves de payer les frais de scolarité des cours à distance.  Certaines de ces écoles, ont tardivement appliqué l’enseignement à distance et ont bénéficié de deux tranches de vacances. D’autres, ont demandé aux parents d’élèves non seulement de payer la totalité des frais de scolarité, mais aussi les frais de transport dans une période où les élèves étaient confinés…. Des parents ont déclaré qu’ils ont payé la totalité des frais annuels de scolarité et de transport, voir même les frais de la cantine et de certaines activités parascolaires…

Un contexte de pertes d’emplois pour des parents

Les impacts économiques néfastes de coronavirus ont provoqué la perte d’emploi chez plusieurs parents d’élèves et la mobilisation d’un important budget pour la plupart des parents, pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur leçons.

Un climat où régnait une grande pression s’est rapidement établit. En effet, à côté de la charge assumée par les parents, les écoles privées ont poussé le bouchon en faisant pression aux parents d’élèves via l’envoi de message et en les appelant à chaque fois pour payer la totalité des frais.   Cette situation, qui d’ailleurs était dans toutes les villes du Maroc, a engendré un mouvement des parents qui se sont rapidement réunis dans des groupes de whatssap, de face Book ou de télégramme et ont commencé à poser leurs problèmes et à dévoiler beaucoup de choses jamais discutées avant en société. Ils ont posé le problème des prix exorbitant des frais d’inscription, de l’assurance, des hausses annuelles des prix sans l’accord des parents, du matériel scolaire non utilisé, de la constitution de l’association des parents d’élèves et de sa crédibilité, du vrai niveau de leurs enfants, des notes données aux élèves, etc.

Plusieurs réactions ont été faites de la part de certains avocats qui ont averti les parents des dénis faits par la plupart des écoles privées et de l’importance d’avoir un contrat d’assurance portant le nom de chaque apprenant et le montant qui ne dépasse pas les 75 dhs. D’autres réactions ont été faites par des boites d’assurances pour confirmer et appuyer les déclarations des avocats témoins. Même le chapitre 5 portant sur l’enseignement à distance de la loi  06.00 formant statut de l’enseignement scolaire privé, n’explicite en aucun cas  l’aspect financier, en cas d’arrêt des cours suite à une crise quelconque.

Le bras de fer entre les écoles privées et les parents d’élèves s’est poursuit. Les parents d’élèves dénoncent le comportement « irresponsable » de certains « lobbys » de ces écoles privées qui exigent le paiement des frais de scolarité des mois d’avril, mai et juin, malgré la « suspension » de l’enseignement depuis le mois de mars. Selon plusieurs parents d’élèves, ces écoles ont montré un manque de “solidarité exceptionnel”, surtout après la polémique, soulevée par une organisation qui défend les intérêts des écoles privées. Cet organisme avait demandé à l’exécutif de bénéficier du fond de gestion de la pandémie, suite à la crise économique qui les a impactées. Certains  établissements, ont accepté d’exonérer les ménages ayant perdu toute source de revenu durant la crise, et  ont obligé les  parents, censé n’avoir pas été impacté par la crise, de régler la totalité des frais. Toutefois, beaucoup de parents d’élèves refusent de payer et réclament des rabais. Mais l’offre de l’école d’une remise a été tout carrément rejetée. Suite à ces malentendus et à ces montées de tensions, des réunions associant des représentants des parents et des écoles privées ont été organisées dans toutes les académies régionales de l’éducation et de la formation  pour trouver des terrains d’entente et qui ont abouti à des communiqués communs.

Certains opérateurs privés se sont engagés à assurer la continuité pédagogique, à n’exclure aucun élève de l’enseignement à distance sous aucun prétexte, à déduire les frais de transport et de restauration, à offrir des exonérations, totales ou partielles, ainsi que des rééchelonnements de paiement, et enfin, à ouvrir la porte du dialogue avec les parents pour régler tous les différends ou malentendus.

Malheureusement, les tenions ont continué d’augmenter entre les deux parties, des settings ont été organisés tantôt par les coordinations des parents d’élèves et par la fédération marocaine de l’enseignement et de la formation privés et l’Alliance de l’enseignement privé au Maroc qui ont  annoncé une grève nationale, d’avertissement. Les représentants du secteur ont dénoncé le manque de soutien de l’état aux écoles privées qui vivaient leur pire crise financière, et craignaient des faillites en cascade d’ici la prochaine rentrée.

Une liste noire…

En l’absence d’un consensus entre les parents d’élèves et les responsables de plusieurs écoles privées qui refusaient toute discussion, plusieurs demandes de départ vers d’autres établissements et de migration vers les écoles publics ont été enregistrés. Devant ce constat, et en réponse aux meneurs de grèves et aux coordonateurs des différents alliances, des listes noires ont été établies par certaines associations d’écoles privées pour empêcher tous ses protestataires d’aller enregistrer leurs enfants dans une autre école privée. Comme, certaines de ces écoles ont déclaré la poursuite des parents aux tribunaux, une arme brandie pour que les parents d’élèves s’acquittent des montants de scolarité des mois de confinement. Elles ont aussi ajouté de la pression en  fixant un délai très court avant la fermeture de leurs portes. Un nombre considérable de parents d’élèves a déposé des demandes de départ des enfants vers d’autres établissements et ce en présence d’un huissier de justice. En outre, des centaines de parents d’élèves ont eu recours à la justice pour dénoncer la réquisition par certains établissements de documents appartenant à leurs enfants, y compris des attestations de diplôme du baccalauréat.

Bien que ce problème a pris l’aspect d’une opinion publique et pour laquelle des groupes parlementaires se sont saisis du dossier, appelant le ministère de  tutelle à intervenir, les différends entre écoles privées et parents d’élèves n’ont pas  été résolus et attendent la nouvelle rentrée scolaire 2020-2021 pour laquelle les écoles privées souhaiteraient que l’enseignement se fait en présentiel.

Les écoles privées ont tiré beaucoup d’enseignement de la crise provoquée par CORONA VIRUS ; et c’est pour cette raison que la plupart d’entre elles se sont précipitées à préparer de nouvelles contrats d’inscription comprenant des clauses qui les protègent quelques soient les circonstances et obligent les parents d’élèves à payer la totalité des frais même pendant les moments de crises.

Les directions régionales et face aux afflux des élèves des écoles privées vers les établissements publiques ; à publier dans ce sens une note pour organiser ces mouvements qui peuvent perturber la carte scolaire.

Dans cette conjoncture économique peu porteuse, les ménages qui ont inscrit leurs enfants dans les écoles privées, et qui se sont retrouvés à cause de cette crise dans de grandes difficultés financières, ont déclenché le phénomène de migration vers l’école publique. C’est aussi un indicateur qui renseigne sur le regain de confiance progressif des familles marocaines dans l’école publique qui a connu ces dernières années plusieurs actions et efforts qui trace une nouvelle voie pour l’éducation.

Directeur Adjoint du Centre d’Orientation et Planification de l’Education.

Chercheur Associé au Laboratoire Education et Dynamique Sociale. FSE.Rabat

Directeur de la Revue Marocaine d’Evaluation et de la Recherche Educative.

*(Directeur Adjoint du Centre d’Orientation et Planification de l’Education.

Chercheur Associé au Laboratoire Education et Dynamique Sociale. FSE.Rabat Directeur de la Revue Marocaine d’Evaluation et de la Recherche Educative).

Related posts

Top