Un accord sur une baisse massive de la production de pétrole était à portée de main vendredi après une réunion cruciale des pays exportateurs, Arabie saoudite et Russie en tête, alors que Ryad accueille dans la journée une réunion des ministres de l’Energie du G20.
Un communiqué de l’Organisation des producteurs de pétrole (Opep), publié après onze heures de discussions par visioconférence, a fait état vendredi matin d’une entente préalable sur une diminution de l’offre mondiale de 10 millions de baril de brut par jour (mbj) en mai et juin, lors de ces négociations menées sous l’égide de l’Opep et de la Russie, non membre du cartel.
Il reste cependant un obstacle: un pays non-membre du cartel, le Mexique, n’a pas donné son approbation. Or elle est indispensable pour entériner une décision à la hauteur de la crise qui frappe le secteur en ces temps de pandémie mondiale du coronavirus.
L’Arabie saoudite doit tenir vendredi à la mi-journée une réunion virtuelle, séparée, des ministres de l’Énergie du G20. Ryad espère élargir l’accord de réduction de la production de brut aux pays qui ne sont pas membres de l’Opep, dont les Etats-Unis et le Mexique.
En raison du confinement de la moitié de la population mondiale pour limiter la pandémie de Covid-19, du fort ralentissement des transports et de la baisse de la production industrielle, la demande de pétrole est en chute libre, alors même que l’offre mondiale était déjà en excédent.
Sur les marchés, on craignait des frictions entre Ryad, leader de l’Opep, et Moscou: c’est finalement le Mexique qui a fait obstruction, trouvant excessif l’effort de 400.000 barils par jour qui lui est réclamé, comparé à d’autres pays, selon l’agence d’informations financières Bloomberg.
Le retrait de dix millions de barils par jour en mai et juin, puis de 8 millions de juillet à décembre, serait pour l’essentiel supporté par l’Arabie saoudite et la Russie, mais au moins une vingtaine d’autres pays devraient participer à l’effort, d’après la même source.
La ministre mexicaine de l’énergie Rocio Nahle Garcia a indiqué sur Twitter que son pays avait, lui, proposé une baisse de 100.000 barils.
«Ils sont proches d’un accord, nous saurons bientôt ce qu’il en est», a voulu rassurer Donald Trump lors d’un point de presse jeudi à Washington, après un échange avec son homologue russe Vladimir Poutine et le roi Salmane d’Arabie saoudite.
«Ils annonceront probablement quelque chose aujourd’hui [jeudi] ou demain» vendredi, affirmait le président américain.
Alors qu’ils tournaient encore autour de 60 dollars il y a quelques mois, les cours du baril ont atteint en début de semaine dernière des niveaux plus vus depuis 2002. Le prix du baril selon le panier de l’Opep est juste au-dessus de 21 dollars.
Les 13 pays de l’Opep et leurs 10 pays partenaires, avec lesquels ils forment l’alliance Opep+, tentent donc de réagir.
Pour organiser cette réunion extraordinaire, l’Arabie saoudite et la Russie ont renoué le dialogue et mis fin à la guerre de prix et des parts de marché qu’ils avaient déclenchée après leur dernière conférence, le 6 mars à Vienne. Moscou, deuxième producteur mondial, avait alors claqué la porte de l’Opep+. Et Ryad, premier exportateur, avait ouvert les vannes et bradé son pétrole à destination de l’Europe.
Mais les deux pays ont ensuite été surpris par la rapidité de la propagation du virus qui a pénalisé la demande au moment où l’offre mondiale de brut est excédentaire.
Même en cas
d’accord, plusieurs analystes disent douter de la capacité des producteurs à
soutenir les cours.
«Une réduction de 10 millions de barils par jour en mai et juin empêchera
d’atteindre les limites de stockage et évitera aux prix de tomber dans un
abîme, mais elle ne permettra toujours pas de rétablir l’équilibre souhaité du
marché», selon les analystes de Rystad Energy.
Désireuse de forger la coalition la plus large possible, l’Opep+ avait pour la première fois invité des pays producteurs de pétrole extérieurs à son alliance. Le ministre russe de l’Energie Alexandre Novak a salué jeudi la présence de neuf pays supplémentaires, dont le Canada et la Norvège.
Les Etats-Unis, quoique conviés, ne peuvent participer directement à ces discussions en raison de leur sévère réglementation «antitrust» interdisant ce type d’entente. Le pays, qui n’est pas non plus membre de l’alliance Opep+, souhaite une réduction de l’offre pour stabiliser les prix, et redonner de l’air à leur industrie de pétrole de schiste, en grande difficulté.
Une nouvelle réunion de l’Opep est programmée le 10 juin, «pour décider de mesures supplémentaires, autant qu’il sera nécessaire pour équilibrer le marché».