Réplique : Acte citoyen et vecteur de légitimité
Cela mérite d’être relevé et souligné d’emblée : l’annonce de la date du prochain scrutin législatif constitue une première dans les annales de la jeune démocratie marocaine.
Ce qui pourrait passer pour un geste anodin du processus électoral dans une démocratie stabilisée apparaît dans notre contexte comme un acquis indéniable. On revient de loin, en effet. Et en la matière aussi il ne faut pas avoir la mémoire courte. Dans le long cheminement de la lutte des forces démocratiques pour un système électoral fiable, la date du scrutin fut l’un des enjeux majeurs. Un flou pas du tout artistique planait toujours sur le devenir électoral. Aujourd’hui, la transparence de l’ensemble du processus commence par l’établissement d’un calendrier précis assurant aux différentes échéances leur première crédibilité. Et assurant au système une dynamique qui relance le débat public et à l’ensemble de la machine un souffle nouveau. Cela n’a pas manqué d’avoir ses premières conséquences pour le champ politique. Un emballement s’est emparé des différents acteurs du système dès l’annonce de la date du 7 octobre comme prochain rendez-vous électoral pour le renouvellement de la première chambre.
Très vite le débat s’est focalisé sur des aspects techniques relatifs au mode du scrutin, au seuil électoral voire carrément au profil idéal du futur député. Cela a une importance indéniable, certes, notamment du point de vue de la perfectibilité du système. Sauf que, à trop se focaliser sur les modalités du vote, cela donne souvent l’impression que la classe politique a d’abord le souci de son avenir ; et que les sortants cherchent le meilleur moyen aux apparences techniques pour « revenir », en garantissant leur réélection par les moyens du scrutin lui-même. De quoi éloigner davantage les citoyens d’un processus en forte demande de légitimation populaire.
Notre camarade Mohamed Nabil Ben Abdellah a bien fait d’attirer l’attention au sein de ce concert de propositions et de contre-propositions, sur un élément fondateur sinon crucial de tout l’édifice démocratique, à savoir la participation. Pour le PPS en effet, l’enjeu politique essentiel des prochaines échéances électorales est le degré de mobilisation et de participation des citoyens. Celle-ci est déterminante non seulement pour garantir au scrutin un niveau élevé de légitimité mais elle est aussi un moyen pour plus de mobilisation au service des programmes de réforme défendus par les forces démocratiques et assurer au processus de changement enclenché par l’actuel gouvernement, des garanties populaires de réussite.
Une bonne participation au processus électoral se traduit en amont par le nombre d’inscrits et en aval par le taux de participation au scrutin.
Les deux aspects méritent un large débat avant d’entamer un échange tout aussi fructueux sur les modalités du vote et sur quel type de parlement nous voulons pour notre pays.
Pour la question de la participation, il s’agit de rappeler quelques principes et d’évacuer quelques clichés qui circulent à ce propos. Le scrutin dit universel exprime en effet la volonté d’assurer une très large participation de tous les citoyens. Son universalité dit justement qu’il s’agit d’un acquis arraché de haute lutte. La participation n’ jamais été évidente ; elle a été toujours un processus à mener, un édifice à construite, un combat à mener. Dans l’agora grecque, modèle fondateur de la démocratie, les esclaves étaient exclus du jeu. Pendant de longs siècles le scrutin était censitaire, c’était-à-dire que le droit de vote était tributaire d’un niveau d’imposition auquel était soumis les citoyens. Les femmes étaient exclues du vote jusqu’à une date récente. Aujourd’hui, l’universalité est un acquis garanti par les textes majeurs, inscrit dans la constitution, et qui est sans cesse perfectionné. C’est un droit qui a connu un élargissement permanent reflétant le degré de maturité des systèmes politiques et d’évolution des mœurs : notre parti a été pionnier dans ce sens en appelant très tôt par exemple, à ouvrir le système électoral à la jeunesse (notamment en baissant l’âge électoral à 18 ans et 21 ans).
Le défi a changé de nature ; il s’agit de la désaffection des citoyens à l’égard des élections et qui apparaît déjà au niveau des inscrits dont le nombre est bien en-deçà de la proportion de la population correspondante. Faut-il pour autant recourir à des mesures administratives du genre de l’inscription automatique pour tous ceux arrivés à l’âge légal du vote ? Le débat est lancé. Je plaide pour ma part pour une approche pédagogique et volontariste. La démocratie demeure et doit rester un acte citoyen libre. Il s’agit de mener des politiques et des actions innovantes et inspirées de l’esprit du temps pour convaincre ceux qui ne sont pas inscrits à le faire. Il y a mille et une actions à mener dans des pratiques de proximité pour capter, séduire et convaincre ceux qui hésitent à faire le geste de s’inscrire. On peut imaginer des déplacements des bureaux d’inscription chez les citoyens dans les universités, les usines, les souks, les lycées et les grandes places publiques…inventer des formules participatives via les possibilités offertes par le numérique.
Mohammed Bakrim