Entretien avec Khalid Outaleb, directeur du Grand Prix Hassan II : Le tennis marocain a besoin du temps pour rebondir

Entrant dans le cadre du Circuit international Mohammed VI, le 28e Grand Prix Hassan II continue sur sa série rose et progresse d’une année à l’autre.Cette année et comme à son accoutumée, il est dirigé d’une main de maître grâce à Khalid Outaleb, directeur du tournoi et responsable des compétitions internationales au sein de la FRMT. Ancien champion du Maroc et du RUC, son club préféré, Outaleb a remporté le National à double reprises en 1984 à Tanger et 1988 à Khémisset. C’est en cette dernière année qu’il a regagné le Maroc après avoir terminé ses études supérieures aux Etats-Unis.

 

 

 

Khalid Outaleb a eu également le mérite de marquer les circuits internationaux organisés par le Maroc à l’époque comme le tournoi Omar Ben Omar et le PLM d’Agadir en plus des rencontres de la Coupe Davis entre 1988 et 1993 et bien sûr le Trophée Hassan II qu’il a rejoint en 1988 où il a joué trois fois au tableau final quand il fut numéro 1 du Maroc à trois reprises.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Khalid n’est autre que le fils de Larbi Outaleb, un vieux routier qui a marqué le tennis national pendant de longues années. Ancien joueur classé et ancien directeur du Trophée Hassan II et capitaine du Maroc en Coupe Davis, Larbi Outaleb a tout simplement assuré la relève. Tel père, tel fils
Aujourd’hui, Khalid Outaleb est toujours là prenant le relais de son père en tant que directeur de ce grand tournoi casablancais. Il n’a pas hésité à répondre à nos questions pour nous éclairer encore plus sur le tennis et les tennismen, ici et ailleurs.

Question : Quels sont les objectifs principaux que la FRMT espère atteindre lors de cette nouvelle édition du Grand Prix Hassan II ?

Khalid Outaleb : « Tout d’abord, il faut assurer la réussite du tournoi, parce que le Grand Prix Hassan II c’est plus qu’un événement, c’est 28 ans d’histoire. Il y a de grandes stars que j’ai fréquentées dans ce tournoi lorsque j’étais joueur. On est donc appelé à réussir et à écrire une nouvelle page de l’histoire d’une manifestation qui a commencé en 1984 à Marrakech. Notre objectif principal est aussi de garder un standing et une notoriété qui soient vraiment au niveau de ce que voulait Feu Hassan II, c’est-à-dire un grand tournoi international de tennis en Afrique. Il faut aussi faire honneur aux anciens joueurs qui ont participé à ce tournoi, aux anciens entraineurs, aux anciens présidents, dirigeants, directeurs, employés…  et à tous les gents qui ont beaucoup donné à ce tournoi qui a commencé avec 50.000 dollars et qui est aujourd’hui doté de 450.000 euros (environ 600.000 dollars), et qui fait partie des plus grands tournois du monde. C’est le grand sentiment que j’ai à chaque fois que je mets les pieds au complexe Al Amal, ce qui me pousse à donner plus pour hisser encore plus haut la barre de ce grand tournoi casablancais. »  
 

Question : Depuis quand vous êtes à la tête de la direction du GP Hassan II ?
 

K.O : « J’ai assumé cette responsabilité pour la première fois en 2002. C’était un grand honneur pour moi, car Younes El Aynaoui  remporta  cette année le titre du Grand Prix Hassan II en succédant à Hicham Arazi qui fut le premier à remporter le titre en fin des années 1990. Après je me suis éclipsé durant quelques années pour cause d’un mal entendu avec quelques membres fédéraux de cette époque avant de revenir en 2008. Je suis donc au Grand Prix Hassan II pour la 5e année successivement, en tant que membre fédéral et responsable des calendriers internationaux de la FRMT, qui sont aujourd’hui au nombre d’une trentaine organisés annuellement au Maroc. »
 

Question : L’année dernière, un certain superviseur anglais du GP Hassan II qui n’a pas visité le Maroc depuis 10 ans, a constaté que le Complexe Al Amal n’a pas changé. Au contraire, le complexe casablancais s’est détérioré au moment où il s’attendait à une infrastructure innovée qui aura l’aspect d’un petit « Roland Garros » en France par exemple. Qu’en pensez-vous… ?
 

K.O : « Malheureusement, je suis d’accord avec lui, le tournoi grandi chaque année et on veut faire venir des joueurs plus connus mais ce qui reste encore à soigner c’est cette grande infrastructure casablancaise qui ne bouge pas et qui n’est pas encore à la hauteur de son grand tournoi. Je suis désolé et déçu que la Fédération ne soit pas aidée par la Communauté urbaine de Casablanca qui n’a rien fait pour assurer la réfection du Complexe Al Amal. Il y a des problèmes concernant les travaux du  Cour Central qui ne sont pas encore terminés. Il y a des litiges qui attendent des solutions au niveau judiciaire concernant le magazin de sport de Mchich qui est fermé et dont on ignore les causes. Il y a des problèmes concernant la réception de l’ouvrage, ce qui fait que le Central n’est pas encore réceptionné. On ne sait vraiment pas ce qui se passe entre l’entrepreneur du Complexe et les responsables de la Communauté urbaine de la ville. On ne peut pas commencer de parler et discuter comment et par qui il devra être géré que lorsqu’une solution soit trouvée juridiquement… »

Question : L’opinion publique sportive en générale et tennistique en particulier ne tient plus à ce rendez-vous qui n’est plus comme avant pour cause du manque du spectacle et surtout de l’absence de véritables joueurs marocains ayant l’étoffe de champions comme ce fut le cas pour le duo El Aynaoui-Arazi. Qu’en pensez-vous ?

 

K.O :  « On a bien remarqué qu’à l’époque des trois mousquetaires El Aynaoui, Arazi et Alami, on n’avait pas besoin de la motivation du public, ni de l’animation. Le spectacle et le public étaient vraiment là. Maintenant, du jour au lendemain, quant ledit trio n’est plus là, on s’est trouvé contraints de penser et de réfléchir à tout ce qui doit relever le niveau d’un tel événement comme le Grand Prix Hassan II. C’est depuis 2008 qu’on a commencé à travailler pour revoir toute l’animation et tout le spectacle qu’il faut. Mais malheureusement le complexe d’Al Amal  n’est toujours pas au rendez-vous et ne permet pas d’accueillir le grand public.  A l’exception du Central, l’infrastructure d’Al Amal n’est pas assez développée pour recevoir beaucoup de monde.
Entre le restaurant et le Central, il n’y a rien au complexe Al Amal, il n’y a rien pour attirer les gens qui aiment le tennis et qui peuvent se déplacer même en l’absence de joueurs du terroir… sachant bien que l’une des meilleures solutions c’est d’avoir des joueurs marocains à la hauteur».
 

Question : Que pensez-vous de la relève marocaine qui tarde encore à venir ?

K.O : «il faut dire que la chance a tourné le dos aux joueurs marocains d’aujourd’hui qui n’arrivent plus à tracer leur chemin vers la gloire. On donne comme exemple Réda El Amrani, un joueur talentueux et sérieux qui a pu atteindre un bon classement au niveau mondial, sous le barre de 200. Mais malheureusement, il a été victime des blessures qui l’ont éloigné des stades. Chaque sport a besoin d’une locomotive pour continuer à briller, le tennis l’est aussi. Auparavant, il y avait la génération de Omar Laïmina qui a poussé de bons joueurs comme Houcine Dislam, Dlimi, Assouadi… Ensuite cette génération a tiré vers le haut Outaleb, Chakrouni, Ridaoui, puis vint la génération d’El Aynaoui, Arazi, Alami… Chaque génération a eu sa locomotive jusqu’à maintenant où on est toujours dans l’attente des champions escomptés après la génération qui n’a pu s’émanciper comme Rabii Chaki, Réda El Amrani qui ont abandonné pour cause de blessures et déjà ces deux joueurs devaient ramener avec eux des espoirs mais en vain. Donc on a eu une cassure après la génération de Mounir El Arej et Mehdi Tahiri jusqu’à aujourd’hui. On a donc une panne à réparer et qui demande du temps. On n’a eu que des joueurs de seconde division sur lesquels on ne comptait pas beaucoup et qui se disputent corps et âme pour assurer leur présence dans les grands tournois qu’organise le Maroc aujourd’hui mais qui sont malheureusement classés au dessus de la barre 600 et qu’on leur demande de faire au moins comme Réda El Amrani. Il faut donc attendre une autre génération que celle qui a joué les récents matches de la Coupe Davis avec Mehdi Ziadi, seul joueur ayant réussi de bons résultats au niveau des jeunes, les autres n’ont rien fait dans la catégorie des juniors et ne peuvent ainsi satisfaire au niveau des séniors. Il faut donc penser à l’avenir et attendre la génération d’après avec les jeunes qui, aujourd’hui, à 14 – 15 ans comme Kader Benabdellah, Chekrounoi et les autres cadets – juniors, jouent pour vraiment construire une équipe d’avenir. On est contraint de vivre une période creuse de pas moins 3 à 4 années. Il faut de la patience et du travail sérieux pour qu’on puisse y arriver, c’est sûr et certain… »

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