LCI: Après des propos «injurieux» à l’encontre du continent
Jamal Chabli (MAP)
Trois jours après les insultes adressées à tous les Africains sur l’une de ses chaînes de télévision, la France, à quelques exceptions près, ne semble pas s’en émouvoir pour autant, ne serait-ce que par courtoisie à ses citoyens d’origine africaine.
Tant et si bien que les deux éminents chercheurs, qui ont tenu cet échange surréaliste en direct, se sont fendus de justifications incongrues pour se détourner de leurs responsabilités, alors que leurs propos invraisemblables sont clairs comme l’eau de roche.
Leur déni de la réalité est plus choquant que leur réflexion. Les excuses d’après coup ne changent rien à la donne. Le mal à été fait, en toute conscience mais en mauvaise connaissance des causes.
Dans leur délire discursif, les deux prestigieux experts en médecine ont proposé, sans sourciller, de faire des Africains une sorte de cobayes d’un vaccin expérimental contre le nouveau coronavirus. A aucun moment de leur dialogue, ils ne semblaient ignorer qu’ils étaient en train de parler d’êtres humains et non pas de rats de laboratoire.
S’ils sont tellement soucieux de la vie de gens vivant à mille lieues, ils auraient dû, d’abord, avoir une pensée pour leurs proches voisins, qui se meurent tous les jours dans l’indifférence totale et à qui on refuse masques et respirateurs.
Il y a quelque temps, les politiques, les philosophes et le commun des mortels en France se sont déchirés, durant des semaines, autour du terme «féminicide» ou encore sur l’utilisation de «pain au chocolat ou chcolatine».
Quand il est question d’une offense à l’encontre de plus d’un milliard d’êtres humains, c’est silence radio, comme si les Africains étaient une race de sous-hommes, dont les états d’âme ou les sentiments ne méritent aucune considération.
Depuis la diffusion de cette séquence troublante, aucune réaction officielle de quelque nature que ce soit n’a été communiquée. Apparemment, on confond bien liberté d’expression et liberté de diffamer.
Hormis les réactions révoltées de quelques personnalités connues par leurs positions de principe sur les questions de racisme, il paraît que le mépris des Africains ne dérange pas outre mesure dans l’Hexagone.
Jusque-là, les chaînes françaises, qui s’emballent pour tout et pour rien, semblent dire «Circulez, il n’y a rien à voir». Les médias écrits brodent autour d’une dépêche d’agence insipide. Les fameux experts, dont la salive gicle sur les plateaux de télévision en discutant de coronavirus, font l’autruche.
Chez les citoyens des pays diffamés, il était tout à fait attendu que cet incident suscite une levée de boucliers et une vaste campagne de révulsion. L’émoi est à la mesure de l’affront. L’incrédulité des débuts a vite cédé le pas devant une immense colère, qui risque de ne pas retomber de sitôt.
Célébrités ou citoyens lambdas, tout le monde partage le même
sentiment de dégoût et d’incompréhension face à la banalisation et la
libération de la parole raciste dans un pays pour lequel leurs ancêtres ont
versé leur sang.
Faisant preuve de promptitude, le Club des avocats du Maroc a pris les devants
et décidé de porter plainte pour «diffamation raciale» auprès du procureur de la République française contre le professeur
Jean-Paul Mira, chef du service de réanimation à l’hôpital Cochin de Paris,
dont l’idée d’expérimenter le vaccin sur les Africains a été soutenue par son
interlocuteur Camille Locht, directeur de recherche à l’Institut national de la
santé et de la recherche médicale (Inserm).
Advienne que pourra, le présent incident doit interpeller tous les Africains sur l’impératif de revoir en profondeur leurs rapports au reste du monde et à repenser sérieusement leur avenir commun.
Pour qu’un jour, le professeur Mira, dont le pays évacue ses malades vers l’Allemagne et manque terriblement de masques, fasse tourner sa langue mille fois avant d’évoquer un contient qui a recouvré sa liberté au prix de grands sacrifices.
L’Afrique n’a plus droit à l’erreur et doit se pencher, comme les autres et dès à présent, sur la préparation de l’après pandémie, qui ne doit se construire qu’à travers plus d’intégration et la mise en œuvre effective du principe de la «préférence continentale».