L’ami américain

septembre 2001. Cela est certainement la conséquence de la sédimentation de beaucoup de faits en rapport avec le Maroc en général, ses paysages, sa culture,  sa musique et son cinéma.
L’on se rappelle son soutien à l’expérience d’atelier de formation pour les jeunes cinéastes, son coup de cœur pour Nass El Ghiwan et l’opération, initiée par sa fondation, pour la restauration de la copie de Transe (Alhal), le film de Maanouni dédié au Groupe mythique de Hay Mohammadi. Et puis dernièrement, son soutien à la sortie parisienne du film «Mort à vendre» de Faouzi Bensaidi et les propos élogieux qu’il a prononcés à son égard.
C’est un immense acquis non seulement pour le festival de Marrakech, le cinéma au Maroc mais pour l’ensemble de l’image du Maroc. Nous sommes, faut-il le rappeler, en présence de l’un des plus grands cinéastes du monde. Une des figures de proue du cinéma américain contemporain. Il fait partie du groupe qui a renouvelé ce cinéma à travers de nouvelles thématiques en symbiose avec l’esprit du temps et à travers une approche esthétique nourrie de cinéphilie et d’ingrédients puisés dans la culture moderne voire de la sous-culture des périphéries urbaines. Auteur au sens plein du mot, il a réalisé un ensemble de films qui ont toujours marqué leur moment et l’histoire du cinéma. La  Palme d’or à Cannes n’est que l’expression de l’un de ces moments forts ; mais il y a aussi des films discrets mais qui ont séduit les cinéphiles, je pense en particulier à After hours, à La couleur de l’argent…
On peut parler de circulation récurrente de signifiants scorsesiens. On  peut citer des exemples. Au niveau du cast, nous retrouvons, son partenariat stratégique avec Leonardo DiCaprio ; avec Les infiltrés, nous assistons à une troisième présence d’affilée dans les trois derniers films de Scorsese. Une figure du héros réadapté à la nouvelle approche de Scorsese d’après la période Robert de Niro. Scorsese construit  sa filmographie sur des cycles portés par des individualités fortes : des sujets extraordinaires face à des situations extraordinaires. DiCaprio a inauguré ce nouveau cycle avec Gangs of New York, un retour/relecture  sur un mythe fondateur d’Amérique ; puis une biopic avec Aviator pour retrouver avec Les infiltrés, les communautés constituées : la mafia, la police.
Signifiants récurrents aussi l’urbanité, la violence, la filiation, l’héritage catholique, l’appartenance identitaire, la figure féminine rédemptrice… renforcés ici par l’apport des gadgets de la modernité : le téléphone portable est plus qu’un accessoire, c’est un actant, un acteur du drame, l’ordinateur (en  filigrane le film traite d’un trafic de microprocesseurs haut de gamme à valeur stratégique qui vont être livrés par le syndicat du crime à des trafiquants chinois : le péril jaune, une angoisse américaine !)
Les personnages scorsesiens sont éminemment urbains : la ville ici comme western contemporain enjeu de forces antagonistes où le mal sévit masqué, dévoilé dans un déchaînement de violence ; cinéaste new-yorkais par excellence, mais qui se déplace aussi vers un autre espace qui reprend le même schéma d’enfermement. Déplacement communautaire aussi, outre les Italiens, dans Les infiltrés, ce sont les Irlandais qui sont au centre du dispositif.

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