Aurait-on la latitude de se tanguer de franchir la transition ? Avec plus d’une centaine de films par an, touts métrages et formes confondus, la production du cinéma au Maroc prend de l’ampleur. En fait, il ne s’agit plus de cinéma AU Maroc, mais de cinéma DU Maroc.
La nuance est de taille, si l’on sait que voici quelques années auparavant, le cinéma dans notre pays battait excessivement pavillon étranger.
Aujourd’hui, l’émergence de la réalisation du cinéma proprement marocain bat nettement les suffrages d’Afrique et d’ailleurs. Mieux encore, elle rivalise, en termes de création, avec les cinémas les plus huppés, en faisant bonne figure dans les festivals du septième art les plus prisés.Cette floraison pollinique advient, en revanche, au moment où des dizaines de bâtisses de cinéma périssent, sous l’effet de la désuétude, partout dans le royaume.
Une controverse déplorable qui incombe, non seulement aux propriétaires de ses locaux à cours de moyens de subsistance, mais surtout à la politique culturelle dans notre pays, longtemps frappée par l’inertie. Face à cette démission, la furia associative, fort aguerrie par le beau legs des ciné-clubs d’antan, se lance vivement à la création d’une vingtaine de festivals thématiques de cinéma, à travers le territoire national.
Une belle contamination qui se faufile même dans les villes hors de l’axe central Casa-Rabat, tels Marrakech au standing des sommités, Khouribga se spécialisant dans l’africanité pour ne pas dire la négritude, Agadir à vocation migratoire ou encore Tétouan aux ramifications méditerranéennes. Le modèle marocain est en passe, alors, de faire le tour du monde. Quel est donc le secret de cet essor crépitant qui fait, à présent, la fierté de toute une nation, pourtant aux capacités bien limitées comparativement aux grosses industries du cinéma?
Animés par une volonté tenace de s’affirmer dans undomaine aussi complexe que révolutionnaire, les réalisateurs s’abreuvent éperdument dans des opportunités quoique modiques. Toutefois, on s’affrontera malheureusement à un dilemme des plus écœurants. En effet, le produit marocain, bien qu’il force l’estime de la communauté
universelle de par la qualité du traitement et de la technicité adoptée, trouve du mal à se positionner dans le référentiel national, tourné sans cesse vers le sensationnel étranger.
Les films nationaux qui épousent, cependant, la réalité marocain en’ont pas beaucoup d’audience au sein du grand public, au vu du déferlement conquérant des navets mexicains, turcs ou encore brésiliens, avec des stars best-sellers. Mêmes des performances primées dans nombre de festivals, ne parviennent pas à ébranler le box-office national, en dépit de leur emprise manifeste sur la jeunesse marocaine.
L’effort surnaturel que déploie la nouvelle vague du cinéma marocain s’avère quasiment vain dans son propre pays, alors que celui-ci se consacre à fond pour frayer une place au soleil dans l’arène internationale. Assurément, on est devant un hiatus qu’il va falloir dépasser par la mise en fonction d’une pédagogie de l’image et du message en direction des citoyens et, surtout, la remise en train de la célèbre maxime indélébile «Qui aime la vie, va au cinéma!».